dimanche 25 juin 2017

Péché originel !

12ème  Dimanche du T.O. 17/A

“Par un seul, Adam, le péché est entré dans le monde”

Paroles difficiles à comprendre ! Mais une difficulté cache souvent une grande vérité. "Cette parole est dure à entendre", disait-on du discours de Jésus après la multiplication des pains (Jn 6.60).
Ainsi, c’est en ce texte difficile de St Paul que, depuis St Augustin, l’Eglise a vu le fondement de la doctrine du péché originel : “En Adam, tous ont péché” (v/12). Comme il est difficile d’admettre quand même que Dieu condamne tous les hommes par “la faute d’un seul” (v/15) ! De plus, c’est trop facile de se servir de ce “péché d’un seul” pour expliquer la présence du mal et de la souffrance.
                   
Alors nous contestons ! Soit ! Mais alors, ne contestons pas en conservant le même critère de lecture qui a poussé certains à une difficile interprétation du péché originel.
Et ce mauvais critère de lecture, c’est d’appréhender la vérité divine d’un point de vue purement historique, en plaçant notre regard à partir du passé vers le présent, à partir du premier homme, Adam, vers le Christ, comme si le péché d’Adam était la donnée principale, immédiate, absolue. - Et bien non ! C’est Dieu qui est toujours premier, c’est le Christ qui est toujours premier. Et c’est à partir de lui qu’il faut tout voir, tout penser, tout comprendre ! Ne faisons jamais ce que j’appelle facilement “une inversion sacrilège” pleine de suffisance humaine : mettre l’homme avant Dieu ; expliquer le mystère de Dieu à partir de l’homme ; considérer la grâce à partir du péché ! quelle abomination ! Non ! C’est Dieu qui est premier.
           
Et, à y regarder de près, ce difficile texte de St Paul exige ce total renversement de perspective : il ne faut pas considérer ce que la Bible dit de l’homme et de la femme comme un point de départ pour approfondir notre foi ; il faut le recevoir comme le point d’arrivée d’une réflexion dont la donnée première, essentielle, absolue est le salut de Dieu en Jésus, mort et ressuscité.
En somme, notre intelligence de la foi ne doit pas aller d’Adam pécheur vers le Christ Sauveur, mais, à l’inverse, du Christ, “Seigneur des morts et des vivants” (Rm 14.9), vers Adam sauvé ; il faut, comme le fait l’Apocalypse, partir du “monde nouveau” éclos à Pâques vers le “monde ancien” qui s’est alors effondré.

Une bonne compréhension du texte de St Paul impose ce retournement du regard ; et ce retournement, s’il n’explique pas tout, dissout les difficultés qui nous rebutent.

On pourrait prendre cette comparaison : Tous savent que, la nuit, personne ne peut voir les objets qui l’entourent ; on peut même dire, paradoxalement, que, sans le moindre filet de lumière, la nuit elle-même ne peut être vue : elle devient le vide du néant !
Et bien, sans la lumière du Christ, le péché lui-même n’est pas révélé.  Le Christ est notre Lumière, la “Lumière du monde” jusqu’à l’intime de nos cœurs. Quand nous nous tournons vers lui, lui “qui a été injustement transpercé” comme le dit St Jean à la suite du prophète Zacharie (Jn 19/37 ; Za 12.10), nous découvrons peu à peu, en même temps, et la gravité du péché et le pardon de notre Seigneur qui va “au-delà et plus qu’au-delà” (Eph 3/20) de toute faute, de tout mal.
Plus nous accueillons la lumière du Christ Sauveur, plus nous découvrons le mystère du mal, du péché… qui ne peut être bien appréhendé que dans la lumière de la grâce… Et plus nous apercevons soudainement le poids du péché, plus nous accueillons le poids de la miséricorde du Christ toujours plus important, si grand que soit le péché… ! Voilà ce que veut dire St Paul. Et l’hymne pascal le chante avec provocation : “Heureuse faute qui nous valut un tel Rédempteur !”.
           
Ce témoignage de St Paul est peut-être difficile mais important. Comprenons du moins que la Pâques du Christ est toujours première et qu’il est impossible de voir ou de décrire le mécanisme du péché hors de cette lumière qui jaillit de la croix.

Sachons reconnaître avec grande humilité nos propres difficultés à penser selon le mouvement de la Révélation divine. Sachons reconnaître nos résistances à quitter tout savoir dominateur du temps pour nous mettre à l’école du Fils de Dieu, antérieur à tous les temps, à l’école du Christ donné, offert "à l'accomplissement du temps" comme le dit encore St Paul (Gal 4.4 ; Eph. 1.10). Alors, plus le temps passe, plus l’Esprit vient à notre secours pour nous enseigner et l’harmonie des œuvres de Dieu et la pédagogie miséricordieuse de notre Père des cieux à l’égard de ses enfants pécheurs et atteints par le mal !

Et c’est dans cette harmonie lumineuse que nous pouvons entendre, au milieu du mal qui parfois nous accable, à l’approche de ce mal par excellence qu’est la mort, entendre la parole du Seigneur, dans l’évangile : “N’ayez pas peur !”. J’ai vaincu le mal, j'ai vaincu le péché et la mort elle-même !

Que de fois Jésus a dit : “N’ayez pas peur !” Pourquoi pareille insistance ? Serait-ce que la peur  ronge sans cesse nos cœurs ? C’est vrai, nous avons peur ! Et nous vivons dans une société qui a peur. Qui n’est pas inquiet pour ses enfants, pour ceux qu’il aime et pour lui-même ?
Mais pour les chrétiens, par-delà la peur, il y a la foi en l’amour de Dieu dont rien ne peut nous séparer, il y a le Christ qui, en éclairant le mal, le péché, l’a vaincu avec sa mort.
Au cœur même de toute crainte, le chrétien reçoit du Christ le courage le plus pauvre et le plus inébranlable : il sait qu’à donner chaque jour sa vie, à l’abandonner même, il se jette en Jésus Sauveur.
           
Un pasteur allemand (Bonhoeffer) qui résistât au nazisme et qui fut exécuté écrivait de sa prison que la vie du chrétien doit être une “polyphonie” : nous souffrons avec ceux qui souffrent, nous sommes joyeux avec ceux qui sont joyeux, nous avons peur avec ceux qui ont peur.
Mais en même temps une force plus forte que notre fragilité assure et précède nos pas, comme un petit sentier de crête posé à même le roc. En cette saison incertaine de nos sociétés, nous ne serons chrétiens, à la suite de Jésus Sauveur, que si nous avançons courageusement, les uns avec les autres, passionnés de ce chemin de crête pascale, ouvert par celui qui illumine nos ténèbres de péchés.

Et pour terminer, je dirais : J’aime bien l’humour de Jésus : à l’heure où la mort se fait menaçante pour lui et ses compagnons, il regarde les moineaux… A l’homme et au chrétien d’aujourd’hui, Jésus continue de montrer les moineaux…
L’Evangile, plein de compassion, adresse l’homme peureux aux lys des champs et aux moineaux du ciel. Près de ces maîtres peu coûteux qu’on ne paie ni en argent ni en humiliations, nulle méprise n’est possible… : “Le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure”. Si la lumière révèle les ténèbres, nous affirmons alors que la lumière brillera pour toujours, brillera jusqu'en l’éternité…

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