dimanche 30 avril 2017

Pèlerins que nous sommes !

3ème Dimanche de Pâques    17 / A

Qui n'a pas connu, un jour ou l'autre, les affres du désespoir, même dans une vie religieuse ? On pratiquait au mieux et l'amour de Dieu et la bienveillance envers ses frères, envers le prochain. Bref, on vivait tranquillement, sans grandes questions - je dirais - métaphysiques, théologiques...
Et puis, soudainement, c'est l'accident ou la maladie, la mort brutale d'un être cher, et que sais-je encore ? L'horizon de l'existence apparaît irrémédiablement bouché, comme par un temps de brouillard épais. C'est, le désarroi, voire le désespoir !

Il en était ainsi des deux disciples de Jésus qui, le soir de Pâques, cheminaient sur la route de Jérusalem à Emmaüs. Leur espérance s'était effondrée à la mort sur une croix de celui en qui ils avaient mis toute leur confiance ; Il leur était apparu comme l'"Envoyé de Dieu", le Messie : "Nous espérions qu'il serait le libérateur d'Israël !", proclamaient-ils, se répétaient-ils.. Et le voilà bien mort, et depuis trois jours, déjà ! La libération d'Israël, c'était un rêve ! Maintenant c'est fini ! Où allons-nous, où va le peuple...? Et le monde lui-même ?

Pourtant, s'ils savaient lire les signes qui leur sont donnés, ils pourraient reprendre espoir. Déjà, des nouvelles extraordinaires leur sont parvenues : "Des femmes qui sont allées au tombeau de très bonne heure n'ont pas trouvé le corps. Elles sont même venues dire qu'elles avaient eu une apparition : des anges qui disaient qu'il était vivant !". Des anges ? ... Des femmes ! Mais faut-il croire les femmes ? Non, tout cela n'est pas réaliste, voyons ! Tout espoir paraît bien mort !

L'inconnu qui, depuis quelques temps, chemine avec les deux disciples a écouté ce récit désespéré. Et voilà qu'il prend la parole : "Vous n'avez donc pas compris ?"
Et il se met à révéler le vrai sens des événements jusque là incompréhensibles.
Cependant, ce n'est pas encore la révélation fulgurante d'une réalité, d'une vérité. La lumière ne se fait que peu à peu dans les esprits des disciples, au long de ce chemin où l'inconnu, explique, dans toute l'Ecriture, ce qui concerne le Christ.

Oui, ce n'est que peu à peu qu'une lumière les envahit, tant il vrai que le temps est donné normalement pour reconnaître lentement mais sûrement les pas de Dieu sur les chemins de notre vie.
Et cela, est-il dit, grâce à la Parole de Dieu, aux Ecritures !

Et cet inconnu explique si bien les Ecritures aux deux disciples que, arrivés à l'étape, ils le supplient : "Reste avec nous !" . Il semble même qu'ils insistent : "Reste avec nous... Il se fait si tard !".
Et ils vont partager le repas ensemble. Gestes de tous les jours. Pourtant c'est par ces gestes quotidiens de la vie de tous les jours que "leurs yeux s'ouvrirent et qu'ils le reconnurent". Celui qui rompt le pain et le leur donne, c'est ce Jésus qu'ils croyaient à jamais disparu.
Et subitement, tout s'éclaire : "Notre cœur n'était-il pas brûlant en nous tandis qu'il nous expliquait les Ecritures ?".
Et la joie qui en résulte, ils ne vont jamais cesser de la communiquer : "C'est vrai le Seigneur est vivant !".

Nous aussi, quel que soit notre âge, nous avançons sur la route de l'existence et il nous arrive d'être tristes, désespérés.

Nous nous souvenons - avec nostalgie parfois - de la foi de notre enfance. D'ailleurs nous ne distinguons pas très bien ce qui était vraiment, à cette époque, attachement indéfectible au Christ ou enthousiasme naturel à cet âge. Et en avançant sur la route, nous ne voyons pas toujours clair. Les événements n'ont pas répondu à nos projets les plus légitimes.

Et puis, l'Eglise elle-même, son évolution…, certains événements nous mettent mal à l'aise. Il nous arrive même, lorsque nous ouvrons les Ecritures d'être déconcertés par certaines paroles et même par des actes de Jésus. Ce qui ne devrait pourtant pas nous étonner. - St Paul savait bien, lui, que la Parole de Dieu bouleverse celui à qui elle est adressée : "O profondeur de la richesse, de la sagesse, de la science de Dieu ! Que ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables. Qui, en effet, a connu la pensée du Seigneur ?". (Rom 2/33).

Cependant, le Christ chemine avec nous sur la route de nos vies. Il nous l’a dit et répété : "Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde". Il nous faut savoir reconnaître cette présence fraternelle du Seigneur.

Les pèlerins d'Emmaüs ont reconnu le Christ
lorsqu'il rompit le pain,
mais déjà lorsque, sur la route, ils méditaient avec lui les Ecritures.

Ces deux moyens de vivre de la présence du Christ - la Parole de Dieu et l'Eucharistie - sont toujours nécessaires.
Il nous est bon de chercher dans la lecture et la méditation de la Bible, des raisons de vivre et d'espérer.
Il nous est bon de savoir que, par l'Eucharistie, le Christ vient rompre le pain de notre vie qu'il désire unir à la sienne.

C'est ainsi que nous pouvons toujours repartir - alors même que nous sommes frappés par des malheurs - en ayant au cœur l'espérance des pèlerins d'Emmaüs :"Ils racontaient ce qui s'était passé sur la route et comment ils avaient reconnu le Christ quand il avait rompu le pain".

Repartons, nous aussi, "pour rendre compte de l'espérance qui est en nous" : Le Christ est toujours vivant. Il nous donne sa vie. "Mort où est ta victoire ?", demandait St Paul.

Aussi, pour terminer, puis-je lancer interrogations et sollicitations qui forment ma prière de chaque jour et certainement la vôtre aussi, plus ou moins consciente.

Qui que nous soyons, chacun de nous est, à n'en pas douter, quelque part sur cette route d'Emmaüs.
- Sommes-nous de ceux qui, découragés, désespèrent un peu de tout ?
- Sommes-nous de ceux que l'attitude du Christ et de son Eglise surprend... et qui ne comprennent pas ?
- Sommes-nous de ces lecteurs avides de l'Evangile, espérant toujours y trouver le Christ ?
- Sommes-nous encore de ces suppliants qui jettent un cri vers le Seigneur : "Il se fait tard, reste avec nous !"
- Sommes-nous de ceux qui viennent à la table du Seigneur et qui savent vraiment le reconnaître à la fraction du pain ?

Qui que nous soyons, il nous faut repartir avec un cœur tout brûlants pour dire à nos frères les hommes : "Le Christ est vraiment ressuscité !"

Qui que nous soyons, le Seigneur fait route en personne avec nous, même si on ne le reconnaît pas toujours.

Mais, si nous gardons un cœur qui écoute, qui accueille, un jour viendra où on le reconnaîtra parfaitement et totalement ! "Par lui, avec lui et en lui" sera notre vie !

Quelle Pâques alors pour tous les pèlerins d'Emmaüs !

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