3ème
Dimanche de Pâques 17 / A
Qui n'a pas connu, un jour ou l'autre, les
affres du désespoir,
même dans une vie religieuse ? On pratiquait au mieux et l'amour de Dieu et la
bienveillance envers ses frères, envers le prochain. Bref, on vivait
tranquillement, sans grandes questions - je dirais - métaphysiques,
théologiques...
Et puis, soudainement, c'est l'accident
ou la maladie, la mort brutale d'un être cher, et que sais-je encore ?
L'horizon de l'existence apparaît irrémédiablement bouché, comme par un temps
de brouillard épais. C'est, le désarroi, voire le désespoir !
Il en était ainsi des deux disciples de
Jésus qui, le soir de Pâques, cheminaient sur la route de Jérusalem à Emmaüs.
Leur espérance s'était effondrée à la mort sur une croix de celui en qui ils
avaient mis toute leur confiance ; Il leur était apparu comme l'"Envoyé de
Dieu", le Messie : "Nous
espérions qu'il serait le libérateur d'Israël !", proclamaient-ils, se
répétaient-ils.. Et le voilà bien mort, et depuis trois jours, déjà !
La libération d'Israël, c'était un rêve ! Maintenant c'est fini ! Où
allons-nous, où va le peuple...? Et le monde lui-même ?
Pourtant, s'ils savaient lire les signes
qui leur sont donnés, ils pourraient reprendre espoir. Déjà, des nouvelles
extraordinaires leur sont parvenues : "Des
femmes qui sont allées au tombeau de très bonne heure n'ont pas trouvé le
corps. Elles sont même venues dire qu'elles avaient eu une apparition : des
anges qui disaient qu'il était vivant !". Des anges ? ...
Des femmes ! Mais faut-il croire les femmes ? Non, tout cela n'est pas
réaliste, voyons ! Tout espoir paraît bien mort !
L'inconnu qui, depuis quelques temps,
chemine avec les deux disciples a écouté ce récit désespéré. Et voilà qu'il
prend la parole : "Vous n'avez donc
pas compris ?"
Et il se met à révéler le vrai sens des
événements
jusque là incompréhensibles.
Cependant, ce n'est pas encore la révélation
fulgurante d'une réalité, d'une vérité. La lumière ne se fait que peu à peu
dans les esprits des disciples, au long de ce chemin où l'inconnu, explique, dans
toute l'Ecriture, ce qui concerne le Christ.
Oui, ce n'est que peu à peu qu'une lumière
les envahit, tant il vrai que le temps est donné normalement pour reconnaître
lentement mais sûrement les pas de Dieu sur les chemins de notre vie.
Et cela, est-il dit, grâce à la Parole
de Dieu, aux Ecritures !
Et cet inconnu explique si bien les
Ecritures aux deux disciples que, arrivés à l'étape, ils le supplient : "Reste avec nous !" . Il semble même qu'ils insistent :
"Reste avec nous... Il se fait si tard !".
Et ils vont partager le repas ensemble.
Gestes de tous les jours. Pourtant c'est par ces gestes quotidiens de la vie de
tous les jours que "leurs yeux
s'ouvrirent et qu'ils le reconnurent". Celui qui rompt le pain et le leur donne, c'est
ce Jésus qu'ils croyaient à jamais disparu.
Et subitement, tout s'éclaire : "Notre cœur n'était-il pas brûlant en
nous tandis qu'il nous expliquait les Ecritures ?".
Et la joie qui en résulte, ils ne vont
jamais cesser de la communiquer : "C'est
vrai le Seigneur est vivant !".
Nous aussi, quel que soit notre âge, nous
avançons sur la route de l'existence et il nous arrive d'être tristes,
désespérés.
Nous nous souvenons - avec nostalgie parfois
- de la foi de notre enfance. D'ailleurs nous ne distinguons pas très bien ce
qui était vraiment, à cette époque, attachement indéfectible au Christ ou
enthousiasme naturel à cet âge. Et en avançant sur la route, nous ne voyons pas
toujours clair. Les événements n'ont pas répondu à nos projets les plus
légitimes.
Et puis, l'Eglise elle-même, son
évolution…, certains événements nous mettent mal à l'aise. Il nous
arrive même, lorsque nous ouvrons les Ecritures d'être déconcertés par
certaines paroles et même par des actes de Jésus. Ce qui ne devrait pourtant
pas nous étonner. - St Paul savait bien, lui, que la Parole de Dieu bouleverse
celui à qui elle est adressée : "O
profondeur de la richesse, de la sagesse, de la science de Dieu ! Que ses
jugements sont insondables et ses voies impénétrables. Qui, en effet, a connu
la pensée du Seigneur ?". (Rom 2/33).
Cependant, le Christ chemine avec nous sur
la route de nos vies. Il nous l’a dit et répété : "Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du
monde". Il nous faut
savoir reconnaître cette présence fraternelle du Seigneur.
Les pèlerins d'Emmaüs ont reconnu le Christ
lorsqu'il rompit le pain,
mais déjà lorsque, sur la route, ils méditaient
avec lui les Ecritures.
Ces deux moyens de vivre de la présence du
Christ - la Parole de Dieu et l'Eucharistie - sont toujours
nécessaires.
Il nous est bon de chercher dans la
lecture et la méditation de la Bible, des raisons de vivre et d'espérer.
Il nous est bon de savoir que, par
l'Eucharistie, le Christ vient rompre le pain de notre vie qu'il désire
unir à la sienne.
C'est ainsi que nous pouvons toujours
repartir - alors même que nous sommes frappés par des malheurs - en ayant au
cœur l'espérance des pèlerins d'Emmaüs :"Ils
racontaient ce qui s'était passé sur la route et comment ils avaient reconnu le
Christ quand il avait rompu le pain".
Repartons, nous aussi, "pour rendre compte de l'espérance qui est en nous" : Le Christ est toujours vivant. Il
nous donne sa vie. "Mort où est ta
victoire ?", demandait St Paul.
Aussi, pour terminer, puis-je lancer interrogations
et sollicitations qui forment ma prière de chaque jour et certainement la vôtre
aussi, plus ou moins consciente.
Qui que nous soyons, chacun de nous est, à
n'en pas douter, quelque part sur cette route d'Emmaüs.
- Sommes-nous de ceux qui, découragés,
désespèrent un peu de tout ?
- Sommes-nous de ceux que l'attitude du
Christ et de son Eglise surprend... et qui ne comprennent pas ?
- Sommes-nous de ces lecteurs avides de
l'Evangile, espérant toujours y trouver le Christ ?
- Sommes-nous encore de ces suppliants qui
jettent un cri vers le Seigneur : "Il
se fait tard, reste avec nous !"
- Sommes-nous de ceux qui viennent à la
table du Seigneur et qui savent vraiment le reconnaître à la fraction du pain ?
Qui que nous soyons, il nous faut repartir
avec un cœur tout brûlants pour dire à nos frères les hommes : "Le Christ est vraiment ressuscité !"
Qui que nous soyons, le Seigneur fait route
en personne avec nous, même si on ne le reconnaît pas toujours.
Mais, si nous gardons un cœur qui écoute,
qui accueille, un jour viendra où on le reconnaîtra parfaitement et
totalement ! "Par lui, avec lui et en lui" sera notre vie !
Quelle Pâques alors pour tous les pèlerins
d'Emmaüs !
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