samedi 19 novembre 2016

Vraie Royauté

Christ-Roi 16/C

Célébrons ensemble aujourd’hui
non pas un simulacre de fête de Christ-Roi, mais une vraie fête du Christ-Roi,
non pas faire semblant de croire à une royauté, la Royauté du Christ, prononcer chants et paroles comme si on y croyait,
tout en gardant en soi des objections sans trop les dire,
tout en gardant des réticences sans les formuler.

Des réticences, c'est normal !
Est-ce que l'image que nous avons en tête quand il est question de royauté, de roi, de reine, est-ce que cette image est la plus adaptée pour dire le mystère du Christ ?
Alors que dans notre monde, depuis plus d'un siècle, les royautés ont été, pour la plupart, remplacées par des républiques, comment entrer dans la fête du Christ-Roi sans tricher ?
Eh bien, comme toujours, en posant objectivement les questions que l'on se pose et en cherchant vraiment une réponse.

Aussi, nous faut-il nous poser deux questions principalement. Et je crois que ce sont les questions d'un grand nombre de chrétiens, les vôtres, sans doute, questions souvent entendues et formulées sur tous les tons.
- la première : “Jésus, es-tu roi, véritablement ?”
- la deuxième : “Si tu es roi, où est ton royaume ?”.

“Es-tu roi ?” C'est la première question. Elle a été posée à Jésus lui-même, vous le savez, par le gouverneur romain, Pilate, dans une salle du Prétoire à Jérusalem.  
“Es-tu roi ?” Cette question a traversé les siècles. Et également la réponse de Jésus : “Ma royauté ne vient pas de ce monde”.
Roi, oui, mais pas à la manière de ce monde. Il ne s'agit pas d’une royauté de prestige, de force, de domination, surtout si l’on examine la tyrannie des royautés au temps de Notre-Seigneur, telle celle d’un Hérode, tyrannie qui existe encore (!), sous différents régimes d’ailleurs !

Jésus-Roi ! Oui, mais, la veille de sa mort, ce jeudi-là, il avait pris un tablier et lavé les pieds de ses disciples.

Jésus-Roi ! Oui, mais, ce jour-là, il était debout, les mains liées ; on allait le couronner, mais d'une couronne d'épines ; on allait le revêtir du manteau royal, mais c'était le manteau rouge des fous.
Son corps allait être torturé, cloué. La scène est pitoyable. Quand Dieu vient inaugurer son Règne, c'est ainsi que se déroule le sacre.

Jésus-Roi ! Oui, mais un roi fraternel : “Ce que vous faites au plus petit, c'est à moi que vous le faites”.
Un roi secret, un roi ignoré, au point que ceux qui l'ont servi ne l'ont pas toujours reconnu. “Quand vas-tu établir ton Royaume ?” demandaient ses apôtres quelques jours encore, avant sa mort. – Et à la fin des temps, il est dit que beaucoup se poseront la question sur la nature de ce Royaume du Christ : “Quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim?”

Vous voyez à quel point on se trompe sur la royauté du Christ, si l'on oublie cela !
Chaque fois que l'Église, au cours des siècles, a cédé à la tentation du pouvoir et du prestige..., chaque fois que des hommes d'Église ont singé les princes de ce monde, chaque fois que les chrétiens rêvent de faire du Christ-Roi l'allié de quelque pouvoir temporel, chaque fois que l'Église a cédé à quelque tentation théocratique, elle a été infidèle à l'Évangile.
Infidèle et étrangère à cette révélation : le Christ-Roi, mais un roi d'amour ! Et alors, je souscris totalement à cette Royauté qui n’est pas toujours reconnue, puisque “l’amour lui-même n’est pas toujours aimé !”, comme le disait si bien le petit pauvre d'Assise au grand sultan d'Egypte, Al-Kamil. Et c'est ce même refrain qu'il répétait en pleurant lorsqu'il parcourait la compagne de la Toscane ou de l'Ombrie.

 “Tu es roi, mais où est ton Royaume ?”. C'est la deuxième question : Écoutons la réponse de Jésus, elle a traversé les siècles. “Le Royaume, il est au milieu de VOUS”
Donc, pas pour plus tard seulement, mais pour maintenant déjà.
Pas dans les nuages mais sur la terre.
Le Royaume dont parle Jésus, c'est dans notre monde, dans nos sociétés qu'il est établi, qu’il est à promouvoir, et toujours à bâtir, là où nous vivons, et pas spécialement le dimanche !
Comprenons l’enseignement du Christ : c’est toute la vie des hommes que Dieu veut embellir, lui donner un “caractère royal et sacerdotal”, comme le célébrant le déclare au moment d'un baptême, par exemple.
Avec le Christ, “les temps sont accomplis, écrivaient Matthieu et Marc ; le Royaume de Dieu est là !. Et Jésus affirme : “Si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le Royaume de Dieu est arrivé parmi vous !”.
Le Royaume de Dieu parmi vous !

Et le Concile Vatican II de préciser : “Toutes ces valeurs de dignité, de communion fraternelle, de liberté, tous ces fruits excellents de notre nature que nous aurons propagés selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard mais comme purifiés, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettre à son Père "un Royaume éternel et universel : royaume de vérité et de vie, royaume de sainteté et de grâce, royaume de justice, d’amour et de paix" (Préface de notre fête). Mystérieusement, le Royaume est déjà présent sur cette terre ; il atteindra sa perfection quand le Seigneur reviendra” (Const. Past. "Gaudium et spes" n° 39).

Autrement dit, depuis la venue du Christ principalement, il n’y a rien de profane dans le monde.
Le mot “profane” au sens étymologique vient du mot latin “pro-fanum” qui veut dire : ce qui est devant le temple. Dans le temple, c’est la part que l'on doit à Dieu ; devant le temple, c’est la part réservée à l'homme ! Distinction simpliste, courante et si néfaste en notre mentalité occidentale !  Non, il n'y a plus rien de profane. C'est en vivant notre existence d'hommes et de femmes que nous construisons ou non le Royaume de Dieu !

Vous connaissez sans doute cette anecdote. Un homme passe devant trois tailleurs de pierre. Au premier, il demande : “Qu'est-ce que tu fais ?” ; et l'homme répond : “Je gagne ma vie”. Au deuxième, il demande : “Qu'est-ce que tu fais ?” ; et l'homme répond : “Je taille une pierre”.  Au troisième il demande : “Qu'est-ce que tu fais ?” ; et l'homme répond : “Je bâtis une cathédrale”. Bâtir la cathédrale du Royaume de Dieu ! Par tout ce que l'on fait !

Dans le monde d'aujourd'hui, il semble indispensable que les disciples du Christ clament avec force que notre vie humaine, que notre monde ne va pas en s'effritant, mais que nous bâtissons, construisons du définitif. Bien des réalités disparaîtront totalement (comme l'évangile de dimanche dernier le suggéraient), mais les liens que nous aurons tissés dans l'amour, dans l'amitié, demeureront éternellement. Le regard de tendresse, l'attention d'un instant, la rancune oubliée, le travail avec les gestes mille et mille fois répétés, l'engagement solidaire, tout peut porter un fruit d'éternité.
Cela peut étonner ? Tant mieux, parce que c'est étonnant, merveilleusement étonnant. Dieu est toujours étonnant quand il veut bâtir son Royaume d'amour dès ici-bas en vue d l'éternité !
Et même si vous vous sentez quelque peu étranger à ce mystère divin, sachez que ce mystère n'est pas loin de vous.

Aucun commentaire: