dimanche 13 novembre 2016

Fins dernières !

33ème Dimanche du T.O. 16

En ce début du 21ème siècle, en ce temps de mondialisation, arrivent parfois à nos oreilles des propos, des prophéties diverses qui cherchent à nous effrayer en annonçant une fin du monde imminente. Cette fin du monde serait le résultat tantôt d’un processus interstellaire, tantôt de cataclysmes atomiques, tantôt, tout simplement, le résultat de plusieurs affrontements mondiaux…, et que sais-je encore !
Il y a là, dans certains milieux, et même parfois chez des chrétiens, un danger sérieux de dérapage, contre lequel Jésus met sévèrement en garde : Prenez garde de ne pas vous laisser égarer... Ne marchez pas derrière de faux prophètes !

Mais il est un autre danger, plus grand encore, peut-être, c'est de nier, a contrario et par principe, la fin du monde présent, c'est d'oublier que réellement Jésus doit venir dans sa gloire divine et de faire taire systématiquement les prophètes, les vrais, qui nous font espérer sa venue.

Face à ces réflexions antagonistes, la parole de Jésus est toujours actuelle. Interrogé sur la date de la ruine du Temple, tout neuf à l'époque, mais qui allait être détruit quarante ans plus tard, Jésus répond tout d'abord en parlant des signes avant-coureurs, non pas de la destruction de Jérusalem, mais de la fin des temps et de sa venue dans la gloire. Utilisant le langage des apocalypses, il parle sans ménagement de guerres, d'épidémies, de famines, de faits terrifiants, de grands signes dans le ciel. Il est difficile de parler plus nettement de la réalité de la fin des temps.

Mais, en même temps, Jésus veut éviter tout emballement. Parlant des signes annonciateurs de la fin, il ajoute : Il faut que cela arrive d'abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin. Et il précise qu'avant tout cela, il y aura la persécution de l'Église, à cause de lui : Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. Mais, au beau milieu de l'épreuve, il faudra garder une totale confiance : C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie.

Que conclure sinon qu’à la suite de Jésus, à la suite de toute la tradition chrétienne, il faut dire et redire sans peur : l'univers dans lequel nous sommes est bon, parce que créé par Dieu ; mais, pour la foi chrétienne, il est aussi profondément désordonné, blessé, abîmé. Dans sa lettre aux Romains (8,20), Paul va jusqu'à dire que la création est actuellement “assujettie à la vanité”, “livrée au pouvoir du néant”.
Depuis l’origine du monde jusqu'à aujourd'hui, en passant par l'évolution qui a engendré l'homme en sa condition actuelle, la création est marquée par un dérapage, par une chute originelle dont l'une des conséquences est l'épreuve du vieillissement et la dureté de la mort.

Pour souligner cette réalité profonde, on peut dire en termes imagés : au lieu de passer paisiblement du paradis terrestre au paradis céleste, selon le plan initial du Créateur, nous ne pouvons aujourd'hui pénétrer dans le bonheur divin qu’à travers un déchirement, qu’à travers la rupture de la mort. Nous le savons et, même si cela nous coûte beaucoup de souffrances, surtout morales, nous avons à intégrer la mort dans tous nos projets de vie terrestre. Dans tous nos projets de vie terrestre ! Même les plus beaux ! Un de mes professeurs disait naguère que même Solesmes, en sa renommée religieuse, n'était sans doute pas destiné à une éternité terrestre telle que nous pouvions la concevoir humainement. St Augustin ne pensait pas autrement lui qui fut le contemporain du sac de Rome par les Wisigoths. Et on pourrait donner bien d'autres exemples...

Aussi, aujourd’hui tout particulièrement, Jésus nous demande d'accueillir cette même perspective concernant l'ensemble de l'univers et de l'histoire. Le monde tel qu'il est maintenant n'est plus comme Dieu l'a voulu et créé. Cependant, lui aussi demeure appelé à entrer dans la gloire divine, celle que le Père a inaugurée en ressuscitant Jésus le jour de Pâques. Mais, comme chacun de nous, à la suite du Christ, le monde ne peut entrer dans la vie nouvelle du Ressuscité qu'à travers une mort, qu'à travers un ébranlement profond. Jésus nous en parle clairement ; mais nous avons souvent de la peine à intégrer cette perspective ; et nous vivons comme si ce monde devait durer toujours dans sa condition présente.

En nous redisant que l'univers et l'histoire doivent passer, comme nous, par une mort, Jésus ne veut pas nous effrayer, même s'il nous prédit honnêtement les faits terrifiants liés à toute mort. Car, pour lui, l'ébranlement final de l'univers ne sera que l'envers d'une nouvelle et bienheureuse naissance à un monde régénéré. L’auteur de la première lecture, Malachie, l'avait entrevu : dans un premier temps, le jour du Seigneur sera brûlant comme une fournaise, mais, en définitive, c'est un Soleil de justice qui se lèvera au dernier jour, apportant la guérison dans son rayonnement victorieux.

C’est vrai ! Aujourd’hui, Jésus veut sans doute tourner notre regard vers les fins dernières et de notre vie à chacun et du monde entier.
Mais loin de nous détourner de nos responsabilités terrestres, cette perspective sur les réalités ultimes nous révèle le prix du temps présent, les conséquences éternelles de nos engagements d'ici-bas. C'est pourquoi Paul sermonnait les Thessaloniciens qui, au nom de leur foi en la venue de Jésus qu’ils croyaient toute proche, vivaient dans l'oisiveté. Il les invite à travailler dans le calme.

De même, nous aussi, nous devons nous acquitter, avec grande application, de nos tâches terrestres ; au milieu des persécutions, petites ou grandes, nous devons rendre le témoignage que Jésus attend de nous. Mais, en même temps, pensant à notre destination ultime et à la destination finale de l'histoire, pensant au poids de souffrance qui accable ce monde blessé à mort, supplions avec le dernier verset de la Bible, supplions avec l'Esprit Saint et l'Église entière, avec l'Esprit Saint et Marie, supplions avec ardeur : “Oui, viens, Seigneur Jésus !” (Ap. 22,20).
Viens, Seigneur Jésus, dès maintenant en transfigurant en ton mystère pascal de mort et de vie tout ce que nous pouvons accomplir ici-bas ; viens, Seigneur Jésus dès maintenant et au jour éternel, celui qui sera le nôtre et celui de tout l’univers.

Alors, suppliant de cette manière le Christ déjà ressuscité, nous pourrons mieux accueillir  dans une espérance active la réponse que, depuis vingt siècles déjà, il nous donne dans l'Apocalypse avec beaucoup d'amour et un brin d'humour : Oui, je viens bientôt... !
Amen. Viens, Seigneur Jésus !

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