33ème
Dimanche du T.O. 16
En ce début du 21ème siècle, en ce temps
de mondialisation, arrivent parfois à nos oreilles des propos, des prophéties
diverses qui cherchent à nous effrayer en annonçant une fin du monde imminente.
Cette fin du monde serait le résultat tantôt d’un processus interstellaire,
tantôt de cataclysmes atomiques, tantôt, tout simplement, le résultat de
plusieurs affrontements mondiaux…, et que sais-je encore !
Il y a là, dans certains milieux, et même parfois chez
des chrétiens, un danger sérieux de dérapage, contre lequel Jésus met
sévèrement en garde : Prenez garde de ne pas vous laisser égarer... Ne marchez
pas derrière de faux prophètes !
Mais il est un autre danger, plus grand encore,
peut-être, c'est de nier, a contrario et par principe, la fin du monde présent,
c'est d'oublier que réellement Jésus doit venir dans sa gloire divine et
de faire taire systématiquement les prophètes, les vrais, qui nous font espérer
sa venue.
Face à ces réflexions antagonistes, la parole de
Jésus est toujours actuelle. Interrogé sur la date de la ruine du Temple, tout
neuf à l'époque, mais qui allait être détruit quarante ans plus tard, Jésus
répond tout d'abord en parlant des signes avant-coureurs, non pas de la
destruction de Jérusalem, mais de la fin des temps et de sa venue
dans la gloire. Utilisant le langage des apocalypses, il parle sans
ménagement de guerres, d'épidémies, de famines, de faits terrifiants, de grands
signes dans le ciel. Il est difficile de parler plus nettement de la réalité de
la fin des temps.
Mais, en même temps, Jésus veut éviter tout
emballement. Parlant des signes annonciateurs de la fin, il ajoute : Il faut
que cela arrive d'abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin. Et il
précise qu'avant tout cela, il y aura la persécution de l'Église, à cause de
lui : Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. Mais, au beau milieu de
l'épreuve, il faudra garder une totale confiance : C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie.
Que conclure sinon qu’à la suite de Jésus, à la
suite de toute la tradition chrétienne, il faut dire et redire sans peur :
l'univers dans lequel nous sommes est bon, parce que créé par Dieu ; mais, pour
la foi chrétienne, il est aussi profondément désordonné, blessé, abîmé. Dans sa
lettre aux Romains (8,20), Paul va jusqu'à
dire que la création est actuellement “assujettie
à la vanité”, “livrée au pouvoir du néant”.
Depuis l’origine du monde jusqu'à aujourd'hui, en
passant par l'évolution qui a engendré l'homme en sa condition actuelle, la création
est marquée par un dérapage, par une chute originelle dont l'une des
conséquences est l'épreuve du vieillissement et la dureté de la mort.
Pour souligner cette réalité profonde, on peut dire
en termes imagés : au lieu de passer paisiblement du paradis terrestre au
paradis céleste, selon le plan initial du Créateur, nous ne pouvons
aujourd'hui pénétrer dans le bonheur divin qu’à travers un déchirement,
qu’à travers la rupture de la mort. Nous le savons et, même si cela nous coûte
beaucoup de souffrances, surtout morales, nous avons à intégrer la mort dans
tous nos projets de vie terrestre. Dans tous nos projets de vie terrestre !
Même les plus beaux ! Un de mes professeurs disait naguère que même Solesmes,
en sa renommée religieuse, n'était sans doute pas destiné à une éternité
terrestre telle que nous pouvions la concevoir humainement. St Augustin ne
pensait pas autrement lui qui fut le contemporain du sac de Rome par les
Wisigoths. Et on pourrait donner bien d'autres exemples...
Aussi, aujourd’hui tout particulièrement, Jésus
nous demande d'accueillir cette même perspective concernant l'ensemble de
l'univers et de l'histoire. Le monde tel qu'il est maintenant n'est plus comme
Dieu l'a voulu et créé. Cependant, lui aussi demeure appelé à entrer dans la
gloire divine, celle que le Père a inaugurée en ressuscitant Jésus le jour
de Pâques. Mais, comme chacun de nous, à la suite du Christ, le monde ne peut
entrer dans la vie nouvelle du Ressuscité qu'à travers une mort, qu'à travers
un ébranlement profond. Jésus nous en parle clairement ; mais nous avons
souvent de la peine à intégrer cette perspective ; et nous vivons comme si
ce monde devait durer toujours dans sa condition présente.
En nous redisant que l'univers et l'histoire
doivent passer, comme nous, par une mort, Jésus ne veut pas nous effrayer,
même s'il nous prédit honnêtement les faits terrifiants liés à toute mort. Car,
pour lui, l'ébranlement final de l'univers ne sera que l'envers d'une nouvelle
et bienheureuse naissance à un monde régénéré. L’auteur de la première
lecture, Malachie, l'avait entrevu : dans un premier temps, le jour du Seigneur
sera brûlant comme une fournaise, mais, en définitive, c'est un Soleil de
justice qui se lèvera au dernier jour, apportant la guérison dans son
rayonnement victorieux.
C’est vrai ! Aujourd’hui, Jésus veut sans
doute tourner notre regard vers les fins dernières et de notre vie à chacun et
du monde entier.
Mais loin de nous détourner de nos responsabilités
terrestres, cette perspective sur les réalités ultimes nous révèle le prix
du temps présent, les conséquences éternelles de nos engagements d'ici-bas.
C'est pourquoi Paul sermonnait les Thessaloniciens qui, au nom de leur foi en
la venue de Jésus qu’ils croyaient toute proche, vivaient dans l'oisiveté. Il
les invite à travailler dans le calme.
De même, nous aussi, nous devons nous
acquitter, avec grande application, de nos tâches terrestres ; au milieu
des persécutions, petites ou grandes, nous devons rendre le témoignage que
Jésus attend de nous. Mais, en même temps, pensant à notre destination ultime
et à la destination finale de l'histoire, pensant au poids de souffrance qui
accable ce monde blessé à mort, supplions avec le dernier verset de la Bible,
supplions avec l'Esprit Saint et l'Église entière, avec l'Esprit Saint et Marie,
supplions avec ardeur : “Oui, viens,
Seigneur Jésus !” (Ap. 22,20).
Viens, Seigneur Jésus, dès maintenant en
transfigurant en ton mystère pascal de mort et de vie tout ce que nous pouvons
accomplir ici-bas ; viens, Seigneur Jésus dès maintenant et au jour
éternel, celui qui sera le nôtre et celui de tout l’univers.
Alors, suppliant de cette manière le Christ déjà
ressuscité, nous pourrons mieux accueillir dans une espérance active la
réponse que, depuis vingt siècles déjà, il nous donne dans l'Apocalypse avec
beaucoup d'amour et un brin d'humour : Oui, je viens bientôt... !
Amen. Viens, Seigneur Jésus !
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