28 Août
Après avoir, hier, honoré la mère, Ste Monique, il est bon de parler du
fils ! - Certains saints sont plus grands que les autres en ce sens qu’ils
ont eu, de leur vivant, un grand prestige dans l’Eglise, et, après leur mort,
une influence durable… jusqu’à nous ! St Augustin, évêque d’une petite
ville provinciale en Afrique, Hippone, est l’un de ses grands saints. Son œuvre
lui valut le titre de “Docteur de l’Eglise“ (1). Mais que ce titre important et
bien mérité ne nous empêche pas de le lire ! Comme St François de Sales
plus tard, il fut humble, bienveillant, accommodant, sachant merveilleusement
utiliser son savoir pour se mettre à la portée des plus ignorants. Car cet
aigle de science et de vertu était aussi, si je puis dire, une “mère-poule“ qui
incitait avec douceur, par sa parole et son exemple, à l’amour de Dieu et du
prochain, à celui de l’Eglise dans l’abnégation du dévouement obscur.
Passons
sur le temps de sa jeunesse. La fête de Ste Monique a été l’occasion d’en parler.
De
Milan où il fut baptisé par St Ambroise en 387, Augustin regagne son Afrique
natale. De passage à Hippone, il fut élu évêque de la ville par acclamation,
sous l’influence cependant du vieil évêque Valère qui cherchait un successeur.
– Dès lors, pendant plus de trente-cinq ans, il parla à son peuple, presque
tous les jours, et parfois matin et soir. Jamais théologie plus profonde et
plus substantielle ne fut plus accessible, plus vivante. Ses commentaires des
psaumes sont encore d’une vivacité étonnante !
Devenant
célèbre, un labeur immense le sollicite : relations avec les autres évêques africains,
réponses aux lettres de plus en plus nombreuses qui arrivent d’Italie,
d’Espagne, de Gaule… et aussi de Bethléem. A propos de Bethléem, disons avec
humour que la correspondance avec l’ombrageux St Jérôme lui donna bien des
soucis : le susceptible savant tantôt lui tenait rigueur de ses silences,
tantôt se fâchait de ses écrits. Il fallut toute la patience, l’humilité
d’Augustin pour arriver à calmer le vieux grincheux qui devint finalement un
grand ami de l’évêque d’Hippone !
Pour
faire face à ses tâches très lourdes, Augustin jouissait, fort heureusement,
d’une santé solide et résistante, grâce peut-être à un régime de vie régulier
et simple… Il avait établi autour de lui une petite communauté de chrétiens où
tout était en commun ; la table était frugale ; et au mur du
réfectoire, un distique était affiché : “Celui qui aime à ronger les absents n’est pas fait pour cette table.
Qu’il se le tienne pour dit !“.
Dès les premières années de son
épiscopat, il écrit ses “Confessions“,
mais non à la façon, plus tard, de J-J Rousseau : un aveu fastueux de son
passé, un étalage complaisant de son “moi“ plus ou moins débraillé, mais une
reconnaissance, une action de grâces envers Dieu dont l’amour s’est tellement
manifesté à son égard.
Vers 400, il entame un livre
pédagogique, la “catéchèse des ignorants“ ;
et un autre sur “le travail des moines“
en lequel la fausse piété fainéante est traitée comme elle le mérite. Il entame
encore un grand ouvrage, “La doctrine
chrétienne“ où le thème de la grâce face aux erreurs du manichéisme (2) et
du donatisme (3) prend une place importante.
La prise de Rome par Alaric
(410) donne l’occasion à St Augustin d’écrire son grand ouvrage “La Cité de Dieu“ pour réconforter les
esprits désemparés par l’écroulement d’une civilisation. Il montre l’Eglise de
Dieu d’ici-bas en marche vers le bonheur
et la paix qui lui sont réservés au terme de son pèlerinage. Mais elle est
mêlée, comme le blé et l’ivraie de la parabole, aux “impies, aux méchants“ qui peuvent s’élever en des
triomphes éphémères ne provoquant, en fait, que de grandes catastrophes.
Puis ce fut son important traité
sur “La Trinité“, avec le commentaire du livre de la Genèse et celui
des psaumes…
Le pélagianisme (3) fut soudain
à l’ordre du jour. Cette hérésie qui tendait à diminuer la grâce divine n’était
pas pour plaire à l’auteur des “Confessions“.
Cependant, pendant que St
Augustin, vieillissant, ne cesse de combattre les erreurs et déviances dans
l’Eglise, le fracas des armes allait prédominer. Les Vandales ariens arrivent,
par l’Espagne, en Afrique, ruinant les églises. Ces envahisseurs charriaient
avec eux mille impuretés : le culte des idoles renait. Un vent de folie
souffle sur le pays. On devine la tristesse d’Augustin, âgé alors de 76
ans : quarante ans d’épiscopat, quarante ans de labeur pour en arriver à
un tel résultat !
Mais une forte fièvre le prit
soudainement. Sachant qu’il allait mourir, il fit tapisser les murs, près de
son lit, de longues feuilles où étaient inscrits, en grosses lettres, les psaumes
de pénitence qui le réconfortaient… Il devait certainement s’entretenir aussi des
pensées qu’il livrait jadis à son peuple : “La mort sera engloutie dans la victoire. Et nous serons en vacance
pour voir Dieu dans la paix éternelle, devenus citoyens de Jérusalem, la Cité
de Dieu !“ (4). Sa mort survint le 28 ou 29 Août 430.
Pour terminer, je me permets de citer un
texte repris et commenté récemment par Benoît XVI, à propos des évangiles sur
le “Pain de Vie“ : “Tu disais : « J’ai besoin de comprendre pour
croire » ; et moi : « Crois
d’abord pour comprendre“ … Car “Dieu dit par son prophète : « Si
vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. »
(Is 7, 9)“ […].
Certes, il n’est pas faux de vouloir comprendre avant de croire,
car “moi qui vous parle, en ce moment, si
je parle, c’est pour amener aussi à la foi ceux qui ne croient pas encore.
Donc, en un sens, cet homme a dit vrai quand il a dit : «Je veux comprendre pour croire » ; et moi également je suis dans le vrai
quand j’affirme avec le prophète : « Crois d’abord pour comprendre. »
Nous disons vrai tous
les deux : donnons-nous donc la main ; comprends donc pour croire et crois pour
comprendre : ... comprends ma parole pour arriver à croire, et crois à la
parole de Dieu pour arriver à la comprendre !“.
… Ainsi donc, “croyez pour
mériter de comprendre. La foi doit précéder l'intelligence pour que
l'intelligence soit la récompense de la foi !“.
(1) l’un des quatre premiers de
l’Eglise latine avec Ambroise, Jérôme et Grégoire le Grand.
(2) Religion
syncrétique du Perse Mani (ou Manès) (3ème
s.) alliant des éléments du christianisme, du bouddhisme
et du parsisme. Elle enseigne que le bien et le mal sont deux principes
fondamentaux, égaux et antagonistes.
(3) Le donatisme est une doctrine chrétienne schismatique qui prit son essor dans
l’Eglise d'Afrique, aux 4ème-5ème siècles.
Il tire son nom de Donatus, évêque en Numidie.
Le principal point d’achoppement des donatistes avec l’Église officielle
concernait le refus de validité des sacrements délivrés par les évêques qui
avaient failli lors des persécutions de Dioclétien (303-305). Cette position fut
condamnée en 313 au concile de Rome.
(4) Doctrine développée à partir du 4ème
siècle par l'ascète breton Pélage et
ses partisans, caractérisée par l'insistance sur le libre arbitre de l'homme.
C’est, dit Pélage, la liberté humaine qui règle les rapports entre l'homme et
Dieu, alors que, pour l’Eglise, c’est la grâce divine qui est première !
(5) In ps. 134 – P.L. 37.1755
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