21ème
Dimanche du T.O. 12/B
“L’homme quittera
son père et sa mère ; il
s’attachera à sa femme ; et tous deux ne feront plus qu’un ! Ce
mystère est grand ! Je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise“.
Naguère,
lors de rencontres avec des fiancés, on parlait d’amour, naturellement, de
l’amour mutuel entre époux. Un jour l’un d’eux me rapporta la réflexion de l’un
de ses amis : “Nous, nous préférons ne pas nous marier à l’Eglise, car, en
ce moment, nous nous aimons, mais nous ignorons si dans un an ou dans dix ans,
nous nous aimerons encore“. C’était l’occasion de chercher : L’amour, qu’est-ce que c’est ?
Est-ce simplement le désir de l’autre, une attirance mutuelle, inexplicable
comme une grippe que l’on attrape ? Est-ce seulement affaire de palpitations
du cœur, d’un ressentiment du moment. Si c’était seulement cela, alors oui,
l’amour risquerait d’être toujours très fragile, car les désirs, les
attirances, on peut en éprouver chaque jour et dans des directions totalement
opposées. Le ressentiment seul est dangereux, car je dirais dans un jeu de mots
que le “ressenti“ ment souvent, le ressentiment !
Alors
qu’est-ce que l’amour ? On finissait par admettre que si effectivement
l’amour commençait en général par une attirance mutuelle, il ne devait pas en
rester là. St Paul le laisse entendre clairement dans sa lettre aux Ephésiens. L’amour
des époux doit être comme l’amour du Christ pour son Eglise, un
amour de volonté : “Il
voulait la rendre sainte… ; il voulait une Eglise resplendissante… ;
il voulait une Eglise irréprochable… C’est comme cela que le mari doit aimer sa
femme“.
D’ailleurs,
Aristote, déjà, avait compris cela, lui qui définissait l’amour comme “un désir de bienveillance mutuelle fondé
sur la communication des personnes“. Un désir, donc une volonté. Une
volonté d’un bien pour l’autre - ce qui suppose un savoir de discernement, une
intelligence appliquée -. Un désir fondé sur la communication des personnes.
C’est là que le “ressentiment“, le “ressenti“ peut être très utile, indispensable
dans l’art d’échanger.
L’amour
dans le mariage chrétien doit donc être une décision de la volonté, comme le
Christ pour son Eglise : nous voulons le bien de l’un pour l’autre et
réciproquement. Une volonté qui résistera aux intempéries ; car, c’est inévitable,
il y aura des jours sombres, des nuages, des moments difficiles. Mais il aura
toujours cette volonté…
Et
bien, la foi au Christ, la foi en Dieu, c’est analogue, semble dire St Paul. La
foi…, depuis toujours, depuis Abraham, depuis la montagne du Sinaï…, la foi est une alliance. Quand
on est enfant, ce n’est jamais bien solide. Mais à mesure qu’on grandit, la foi
devient un choix personnel, une décision sans cesse renouvelée. C’est alors que
la foi n’est plus un “ressentiment“ (car le “ressenti“ ment souvent, n’est-ce
pas), ni même une conclusion à une réflexion intellectuelle très poussée ;
la foi devient une rencontre personnelle, intime avec Jésus, une expérience de
sa présence, de son amitié, de son amour.
Oh !
Certes, comme dans la vie conjugale, dans nos rapports avec Dieu, il y a des
périodes difficiles : période de découragement, de sècheresse dans la
prière, de lassitude ; il y a cette impression, ce “ressenti“ que Dieu
nous oublie. Il peut même y avoir comme une révolte contre Dieu à l’occasion
d’une grande épreuve, d’un deuil, d’une incroyable maladresse d’un homme
d’Eglise, d’un supérieur, et que sais-je encore.
Et
puis, à notre époque comme au temps de Josué dont il est question dans la
première lecture, notre foi est souvent mise à l’épreuve de mille manières :
des amis qui tournent en dérision l’Eglise, les prêtres ou qui, simplement,
vivent dans l’indifférence tranquille à l’égard de Dieu et semblent ne pas s’en
porter plus mal. Bien plus, dans nos familles, enfants, petits-enfants cessent
de fréquenter l’Eglise. Il y a même la défection de prêtres, religieux,
religieuses. Et puis, dans ce monde d’aujourd’hui, Dieu semble tellement
absent, ignoré, rayé des comptes. Alors la question de Josué se fait
entendre : “S’il ne vous plaît pas
de servir le Seigneur, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir“ :
l’argent, le pouvoir, les plaisirs ou… le Dieu de toujours. Alors, souvent,
monte en notre cœur la réponse du peuple élu : “Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres
dieux !“.
Bien
plus, disons-nous : même si certains - et ceux-là parmi nos plus proches -
semblent oublier, la foi n’est pas perdue pour autant. Ce sont souvent de très
gros nuages qui passent, durent parfois et troublent l’œil de la foi. Mais, très
souvent, brutalement ou très lentement, il y a le surgissement de cette volonté
qui pousse à se rapprocher de Dieu, à lui redire notre attachement.
N’est-ce
pas cette scène qui nous est donnée à méditer dans l’évangile d’aujourd’hui.
Regardez bien cette foule rassemblée près de Capharnaüm.
-
Il y a les simples badauds, ceux qui sont toujours là quand il se passe quelque
chose d’un peu particulier et qui espèrent grappiller une information par-ci,
par-là, voire un petit scandale, à raconter quand ils rentreront chez
eux !
-
Il y a les “enquêteurs“, les petits et les grands, ceux qui voulaient, pour une
raison ou une autre, en savoir un peu plus sur ce Nazaréen, et ceux qui sont
envoyés par les autorités de Jérusalem pour examiner l’attitude de ce nouveau prophète
face à la religion officielle…, face au pouvoir romain.
-
Il y a encore les disciples, nombreux, ceux qui aimeraient qu’une parole
claire, nette et définitive du “maître“ donne réponse à leurs interrogations
banales ou existentielles.
-
Il y a enfin le groupe des douze, des très proches.
Et que voyons-nous ?
-
Déçus les badauds : où était la suite du miracle ? Ils attendaient
des faits, non des discours !
-
Agacés, voire scandalisés les “enquêteurs“. Mais pour qui se prend-il donc ce
Jésus ? Tellement agacés qu’ils en deviennent agaçants au point que Jésus
- c’est St Marc qui le souligne - a comme une réaction de mauvaise humeur bien
compréhensible : il se détourne d’eux et les “plante là“, dit
l’évangéliste ! (Mc
8.13).
-
Déroutés, déconcertés, décontenancés, les disciples-auditeurs. Trop dure,
incompréhensible sa parole ! Elle les dépasse ; ils ne savent pas
quoi en faire !
-
Et il y a le groupe des Douze. Une question à leur sujet : avaient-ils
mieux compris que les autres disciples ? Cela m’étonnerait et j’en doute
fort. D’ailleurs - toujours d’après St Marc -, Jésus, peu après, leur
reprochera d’avoir l’esprit vraiment bouché ! Oui, certes ! Mais,
pour le moment, au-delà de la compréhension des mots, ils ont l’intuition que
c’est ce Jésus - et lui seul - qui a une parole nouvelle et que celle-ci est
porteuse de vie. Alors à qui d’autre iraient-ils ? Ils lui font confiance.
Ils ne le quitteront pas ! Ils veulent le suivre !
C’est
cela la foi : cette volonté d’aller à Jésus, même si on ne comprend pas
tout ; même si on ne comprend pas totalement, on lui fait confiance :
“Tu as les paroles de la vie
éternelle !“. D’ailleurs, même un grand savant comme St Thomas d’Aquin
affirme avec force - dans son traité sur les “Noms divins“ -, qu’on ne peut pas
cerner l’Incernable, qu’on ne peut totalement embrasser l’Incontournable, qu’on
ne peut pleinement analyser l’Infini… Dieu est tellement le “Tout-autre“ !
Mais cependant, ce “Tout-autre“ se fait proche de nous, il nous appelle chacun
par notre nom…, comme un époux appelle son épouse, dirait le prophète
Osée. Et alors, je lui fais
confiance !
Oui, surtout quand les nuages
semblent s’amonceler et mille questions surgir…, écoutons le Seigneur Jésus qui
doucement nous demande au fond du cœur : “Vas-tu me quitter, toi
aussi ?“, tout en prononçant son Nom qui est si secrètement adressé à
chacun qu’il est indicible pour d’autres, ce Nom divin que les Juifs ne veulent
pas prononcer par respect et que l’on traduit bien pauvrement par : “Je
suis !“ - Je suis toujours là, toujours près de toi - ! Ce mot divin
qui, pense-t-on, n’est que la racine du verbe “être“ peut aussi se traduire par :
“j’ai été“ ou “je serai“. Alors Dieu nous murmure : puisque j’ai été avec
toi à tel ou tel moment - ne t’en souviens-tu pas ? -, je suis et serai
toujours avec toi ! C’est alors que monte en nous cette réponse de St
Pierre : “Seigneur, à qui
irais-je ? A qui irions-nous ? Tu es le chemin, la vérité, la
vie ! Nous croyons et nous savons que tu es le Saint, le Saint de
Dieu !“.
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