3ème dimanche de Pâques 12 –
Il est des nouvelles
stupéfiantes qui paraissent incroyables ! Ce fut le cas pour celle que les
disciples d'Emmaüs racontèrent aux Apôtres en revenant à Jérusalem : ils
avaient vu le Seigneur, ils l'avaient reconnu à la fraction du pain ! Mais comment
croire vraiment à la résurrection ? Les Apôtres, dit St Luc, “restaient saisis d'étonnement” (Luc 24.41). Pourtant n'étaient-ils pas
instruits par l'enseignement des Prophètes ? Mais comme il est difficile de
s'ouvrir à la nouveauté ! Comme il est difficile de ne pas vivre sur son
acquis, prisonnier des habitudes de pensées et de traditions !
“Alors Jésus leur ouvrit
l'esprit à l'intelligence des Ecritures”. Les Ecritures, les
Apôtres croyaient les connaître. La loi de Moïse leur était familière. Ils
priaient avec les psaumes et méditaient l'enseignement et l'espérance des
prophètes. Comme tous les fidèles Israélites, ils attendaient le Messie,
décidés à lui obéir généreusement. Mais avaient-ils vraiment compris le mystère
d'amour caché au cœur de Dieu ? Avaient-ils vraiment l'intelligence des Ecritures,
paroles de Dieu ?
Toute sa vie, Jésus
avait pourtant ouvert l'esprit de ceux au milieu de qui il vivait. Sans cesse
il dépassait les limites dans lesquelles, au nom d'une étroite interprétation
des Ecritures, on voulait l’enfermer.
Cela
commence très tôt. Agé de douze ans, Jésus se rend en pèlerinage à
Jérusalem. Il s'attarde dans le Temple, écoute les Docteurs de la Loi, les
interroge et oublie l'heure du retour. Marie et Joseph ne le retrouveront qu'au
bout de trois jours. “Mon enfant pourquoi
as-tu agi ainsi ? Il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne
savez-vous pas qu'il me faut être chez mon Père ?” Certes les parents
savaient le mystère de la naissance de l'enfant déjà annoncée dans les
Ecritures. Mais ils ne comprirent pas parfaitement tant il y a loin entre la
connaissance théorique et la véritable “intelligence des Ecritures” !
Un jour on lui dit : “ta mère et tes frères se tiennent dehors, ils
veulent te voir”. Et Jésus répondra : “ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et
qui la mettent en pratique” (Mth 12.47sv).
Certes, comme toutes les mamans, Marie savait que son fils n'était pas destiné
à rester auprès d'elle à Nazareth. Mais avait-elle bien toute “l'intelligence”
des paroles de son fils ? Cependant elle retenait “tous ces événements en son
cœur, et les méditait“, dit St Luc par deux fois (2.19,51).
Mais, comme il est noté dans l’épisode précédent : ses parents “ne comprirent pas la parole qu’il venait de
leur dire”. (Lc 2.50)
Les Pharisiens avaient une
connaissance parfaite des prescriptions de la Loi de Moïse. Ainsi, comme
les Apôtres arrachaient des épis un jour de sabbat, ils protestent : “Regarde ce qu'ils font le jour du sabbat !
Ce n'est pas permis”. Et Jésus de répondre : “Le sabbat a été fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat, de
sorte que le Fils de l'homme est maître même du sabbat”. N'était-ce pas
situer la prescription de Moïse dans un éclairage tout nouveau ? (Luc : 6,1-5).
De même Pierre. Il a
pourtant entendu les prédications de Jésus ; et il était de ceux qui
étaient “frappés de son enseignement car
il enseignait en homme qui a autorité” (Mc
1,22). Et pourtant, lorsque, près de Césarée de Philippe, Jésus demande
à ses Apôtres : “Et vous qui dites-vous
que je suis ?” Pierre répond : “Tu es
le Messie”. Pourtant, Pierre n'a encore rien compris au mystère du Messie.
Il connaît bien la prophétie d'Isaïe qui annonce le “Serviteur souffrant”. Mais
lorsque Jésus annonce qu'il “fallait que
le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté et mis à mort”,
Pierre, nous dit l’Evangéliste Marc, “le
tirant à part, se mit à le réprimander”. (Mc,
8,32). Pierre n'avait pas encore “l’intelligence des Ecritures”.
Il faudra encore beaucoup
de temps à Pierre pour comprendre que Jésus, le Messie, doit passer par la
mort, et la mort de la Croix, avant de connaître la gloire de la Résurrection.
Il lui faudra du temps
également pour prendre la mesure du commandement du Seigneur : “Allez par le monde entier, proclamez
l'évangile à TOUTES les créatures....” (Marc
: 16,15-16). Car, lui, le Juif fidèle, répugne à nouer des relations
avec des païens. Or c'est un païen, le centurion Corneille, qui lui demande de
venir chez lui à Césarée. Inspiré par Dieu, Pierre s'y rend : “Comme vous le savez, ce n’est pas bien pour
un Juif d'avoir contact avec un étranger. Mais Dieu vient de me faire
comprendre qu'il ne fallait déclarer impur aucun homme” (Ac. 10.28). A partir de ce moment les Apôtres
commenceront à avoir une meilleure intelligence du commandement du Seigneur : “Je t'ai établi lumière des nations pour que
tu apportes le salut aux extrémités de la terre” (Ac. 13,47).
Tous
ces passages de l'Evangile et des Actes des Apôtres doivent nous remplir
d'humilité. Seul le Seigneur peut nous “ouvrir
l'esprit à l'intelligence des Ecritures”. Nous entendons chaque
dimanche, voire chaque jour, les lectures bibliques que l'Eglise propose à
notre méditation. Nous savons par cœur bien des passages de l'Evangile. Les
prêtres, religieux prient avec le psautier… Fort bien ! Cependant
sommes-nous entrés dans le mystère que ces textes nous révèlent ? Avons-nous
vraiment l’esprit ouvert à
l’intelligence des Ecritures ?
St Jean, dans sa première
lettre, nous donne un moyen de répondre. “Celui
qui dit : ‘je le connais’ en parlant de Jésus, et qui ne garde pas ses
commandements est un menteur. La vérité n'est pas en lui” (I Jn 2.4).
Avoir “l'intelligence des Ecritures”,
ne serait-ce pas d’abord accepter de se laisser interpeller par elles, accepter
qu'elles remettent en cause notre manière de vivre ? Peut-on “avoir l'intelligence des Ecritures”
sans accepter la conversion à laquelle elles nous invitent, pour, sans
cesse, accueillir le Christ “Verbe de Dieu“ ?
Car il faut bien comprendre
et l’admettre : les Ecritures ne sont pas un recueil de lois et de
décrets, ni un traité de philosophie morale. Elles sont d’abord un recueil
de témoignages. Au cours des siècles, Dieu a parlé par les prophètes, puis il
s'est manifesté en son Fils Jésus. Avec Pierre, les Apôtres ont proclamé : “Lui, le Chef des vivants, vous l'avez tué ;
mais Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, nous en sommes témoins” (Cf. Ac. 10.39sv).
“Avoir l'intelligence des Ecritures”, c'est rencontrer le Christ vivant
grâce à la parole de ceux qui ont été et sont ses témoins, qui ont eu
l’expérience de sa présence désormais permanente, et qui nous disent : “convertissez-vous et revenez à Dieu” (Ac. 3.19). C'est accepter de nous laisser
transformer intérieurement par l'Esprit de Jésus qui perce la carapace de notre
orgueilleuse suffisance et les résistances de notre égoïsme. Sinon, on ne peut
comprendre les Ecritures. Avoir l’esprit ouvert à l’intelligence des Ecritures,
c’est, finalement, rien moins que d’être ouvert à l’irruption du Christ
toujours vivant en notre vie ! De sorte que l’on puisse dire : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ
qui vit en moi“ (Gal. 2.20). Et c’est lui seul qui me conduit au Père : “Personne ne va vers le Père si ce n’est par
moi“, disait Jésus (Jn 14.6). [“Laissez-moi aller vers le Père“,
demandait Jean-Paul II, juste avant sa mort !] Et, chose remarquable :
“si
nous sommes en communion avec le Père, nous sommes en communion les uns avec les
autres“ (Cf. 1 Jn 1.3). Autrement dit,
ouvrir son esprit à l’intelligence des Ecritures, c’est , en même temps“,
s’ouvrir aux autres, fils d’un même Père du ciel !
Ainsi, “avoir l’intelligence
des Ecritures“ n’est certes pas recevoir un éclairage intellectuel, si
spirituel fusse-t-il, c’est recevoir la Lumière de Dieu-Père qui “a envoyé son Fils
comme Sauveur du monde“ (I Jn 4.14), car “le Verbe est la vraie lumière qui, en
venant dans le monde, illumine tout homme“ (Jn
1.9) !
Un jour de Noël, le poète
Paul Claudel, alors incroyant, entra à Notre-Dame de Paris. Il eut soudain une
illumination : “J'eus tout à coup,
racontera-t-il plus tard, le sentiment
déchirant de l'innocence, de l'éternelle enfance de Dieu. Voici, mon Dieu, que vous
êtes devenu QUELQU'UN”. Et il ne cessera d’inviter à cette
innocence qui, sans cesse, nous ajuste à Dieu, grâce à sa Parole !
En ce temps de Pâques, prions
les uns pour les autres, afin de nous laisser remettre en cause par le Seigneur
ressuscité présent parmi nous, en nous appuyant sur le témoignage des apôtres,
en nous livrant au mystère de sa présence qu’est l’Eucharistie que nous allons célébrer.
Alors nous ressentirons vivement la justesse de cette annonce : “Jésus
leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Ecritures”
P.S. Un incident technique m'a empêché de communiquer les commentaires de Vendredi et Samedis derniers. Vous les trouverez transcris aujourd'hui seulement !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire