Baptême
de N.S. 20.A
Que peut évoquer ce récit du baptême
du Christ par Jean-Baptiste ?
Une image ? Un tableau ?... Un
vitrail ? Il faut toujours faire attention à l'imagerie religieuse. Certains
peintres nous ont laissé l'image du Christ à demi immergé dans le Jourdain,
recevant un filet d'eau claire que Jean-Baptiste verse à l'aide d'un
coquillage. Il ne manque plus que le petit enfant de chœur… si je puis
dire, avec sa soutane rouge et son surplis (vêtement liturgique que j'ai connu,
enfant).
- On n'a pas le droit d'en rester à de pareilles images quand on lit l'évangile
qui, lui, nous livre, comme d'habitude, un message important.
On pourrait prendre deux temps de
réflexion :
- un temps pour la lecture du texte
: ce que ce texte veut dire.
- un temps pour la méditation du
sens de ce récit.
1. D’abord
la lecture du texte.
Lecture difficile, déroutante ! Car
c'est une page savante bourrée d'allusions à l'A.-T. C'était certainement plus
facile à comprendre pour les auditeurs juifs de Matthieu, familiers des
Ecritures.
Comme je l’ai souligné dimanche
dernier, Matthieu est un “bon scribe”
que Matthieu lui-même qualifie ainsi : "le
bon scribe tire de son trésor
- du neuf”, - la nouveauté du message chrétien,
- “et de l’ancien” à partir de toute l’histoire biblique qui
trouve son sens plénier en Jésus.
Essayons cependant de comprendre.
- Il y a le JOURDAIN. Pour
les Juifs, il avait une signification immense. Tous connaissaient la fameuse
traversée du Jourdain que leurs ancêtres avaient faite sous la conduite de
Josué, pour entrer dans la terre promise. Pour eux, c’était comme le
renouvellement du passage de la mer rouge, événement fondateur du peuple
juif, ce "passage" de la servitude
de l’homme au service de Dieu ! (Même jeu de mots, en hébreu)
En sortant de l'eau du Jourdain,
Jésus ne serait-il pas le fondateur du peuple nouveau qu'il conduit du
royaume de ce monde, souvent dur et cruel, vers le Royaume de Dieu, Royaume de
paix et de justice ?
- Il y a L’ESPRIT-SAINT SOUS LA
FORME D'UNE COLOMBE.
La Bible disait qu'à la création du
monde, l’Esprit de Dieu planait sur les eaux pour que la terre y émerge. Jésus
ne serait-il pas à l’origine d’une nouvelle création, au point que le
visionnaire de l’Apocalypse s’écrira : “je
vis une terre nouvelle et un ciel nouveau, car le premier ciel et la première
terre avaient disparu”.
La Bible disait aussi qu'à la fin du
déluge une colombe revint vers l'arche de Noé, porteur d'un rameau d'olivier.
Jésus ne serait-il pas celui qui apporte la paix de Dieu et dans les cœurs et
dans le monde ?
La Bible disait encore que, jadis,
l'Esprit de Dieu allait d'un prophète à l'autre, jusqu'à ce qu'il ait trouvé où
se reposer. Jésus ne serait-il pas le prophète tant attendu sur lequel repose
définitivement l’Esprit de Dieu ?
- Et puis : LE CIEL SE DÉCHIRA,
S'ENTROUVRIT. C’était le désir immense de tous les prophètes, de tous les
hommes de Dieu : “Ah! si seulement
tu déchirais les nuages, si tu descendais du ciel !” La venue de Jésus
ne serait-elle pas l'accomplissement de cette attente séculaire ?
- Et il y a LA VOIX QUI VIENT DU
CIEL. Là, Matthieu semble mêler un verset de psaume et un extrait du poème
du serviteur d'Isaïe. Autrement dit, Jésus ne serait-il pas le Fils de Dieu qui
accomplirait sa mission à la manière du Serviteur souffrant du prophète Isaïe ?
Voilà bien un langage un peu savant,
Oui ! Mais c’est nécessaire pour comprendre Matthieu, “ce bon scribe qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien”.
Ainsi on peut comprendre :
Matthieu énonce en quelques lignes trois convictions de la foi chrétienne
primitive :
* Jésus est le chef du peuple
nouveau.
* Il a reçu l'Esprit (créateur) de
Dieu et pourra le donner.
* Il est le Fils de Dieu, le Fils
bien aimé du Père.
2 Mais
après cette lecture, il nous faut ruminer le sens de cette lecture. Je
ne ferai qu’une réflexion.
Jésus descend dans le
Jourdain. Il descend dans ce fleuve dont le nom même signifie “descendre” ;
car ce fleuve descend en effet des monts de l’Hermon (près de 3000 m.
d’altit.)
jusqu’au point le plus bas du globe, la mer morte (- 430 m), lieu de
Sodome et Gomorrhe, lieux symboliques du péché du monde.
Autrement dit, en Jésus qui
descend dans ce fleuve qui veut dire “descente”, c’est, en réalité, Dieu
qui descend des hauteurs divines jusqu’à la bassesse de l’homme.
Jésus descend dans le Jourdain,
comme un pécheur, comme autrefois Naaman, ce lépreux, qui se plongea sept fois
dans ce fleuve comme pour souligner les sept jours d’une création nouvelle.
Jésus descend jusque dans la boue des péchés des hommes. Il descend pour
prendre sur lui le péché du monde !
St Paul avait bien compris cela dans
son hymne aux Philippiens que nous répétons à Pâques : “Jésus, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui
l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit (descendit) lui-même
prenant la condition d’esclave, devenant semblable aux hommes…”. - “Il s’est fait péché, lui, le sans
péché !”.
Oui, c'est là, dans la “décharge”
des péchés des hommes que Jésus descend, qu’il se “coule” dans le fleuve de
notre humanité pécheresse. Pour être sur la trajectoire de Dieu qui passe parmi
nous, il faut d’abord accepter de voir Dieu dans notre banal avec ses
bassesses… (il faut toujours se méfier du sublime qui n’est pas banal).
Mais si Jésus s'est plongé dans
l'eau boueuse et limoneuse du Jourdain, c'est pour nous en sortir. Dieu
rejoint les hommes jusqu'au cœur de leur bassesse, pour les en tirer.
Ainsi, Jésus remonte du Jourdain
entraînant tous les hommes avec lui. Il remonte vers Jérusalem, vers le temple
de Dieu, ce temple qu’il est lui-même : “Détruisez ce temple fait de main d’homme, dira-t-il ; et en trois jours, j’en rebâtirai un autre
qui ne sera pas fait de main d’homme” (Mc 14.28).
Alors, dans l’ancien temple de
Jérusalem le voile qui séparait Dieu et les hommes se déchirera, comme des
cieux qui s’ouvrent (comme au baptême
de Jésus),
afin que tout homme puisse déjà voir celui qui nous voit sans cesse, communier
déjà avec lui.
Et du nouveau temple qu’est Jésus,
de son côté droit, sortira, dira St Jean, sous la lance du soldat au Calvaire,
de l’eau, de cette eau qui, selon la vision d’Ezéchiel, d’un filet devint un
grand fleuve qui va se déverser dans la Jourdain afin de purifier les eaux de
la mer morte. C’est l’eau d’un baptême qui purifie pour remettre l’homme sur la
route de l’Alliance avec Dieu avant qu’il puisse le voir face à face.
Jean-Baptiste,
même s’il se posait des questions, avait bien pressenti la mission de Jésus en
le baptisant, cette mission de serviteur-agneau, souffrant pour racheter les
hommes et les conduire à Dieu : “Voici
l’Agneau de Dieu !” – “Moi, je baptise dans l’eau, mais celui qui vient
derrière moi, Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint”, cet Esprit qui donne
Vie éternelle.
C’est pourquoi, contemplant Jésus
qui sort du Jourdain et qui monte vers Jérusalem pour construire le nouveau
temple en son Corps (ce
que rappelle toute Eucharistie), nous pouvons nous écrier avec foi, comme
St Paul en la conclusion de son hymne aux Philippiens : “Dieu lui a donné le Nom qui est au-dessus
de tout Nom pour que tout, au nom de Jésus, s’agenouille au plus haut des
cieux, sur terre et dans les enfers et que toute langue proclame qu’il est
Seigneur à la gloire du Père !”.
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