Epiphanie 20.A :
Fête
de l’Epiphanie ! Fête des rois !
Mais
pourquoi des rois à la crèche ?
Disons
d’abord : ceux qui voient dans le récit de l’Evangile une description précise d'un
évènement
historique se trompent !
Ce n'est pas un reportage, mais un enseignement.
Ce
n'est pas un conte pour enfants, mais une catéchèse pour adultes.
Disons
encore que c’est St Matthieu qui écrit. Et
Matthieu est un “bon scribe”. Et, dira-t-il, en se décrivant quelque peu : "tout
scribe devenu disciple de Jésus est semblable à un homme qui tire de son trésor
du neuf et du vieux". Expression
tirée de ce poème d’amour, le Cantique des cantiques :
“Les mandragores (appelés
aussi ‘pommes d’amour’)
présentent leurs meilleurs fruits. Les nouveaux comme les anciens, je les
ai réservés pour mon bien-aimé”.
(7.14).
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Autrement
dit, ce "bon scribe" qu’est St Matthieu veut présenter, à la
charnière de l’Ancien et du Nouveau Testament, les fruits nouveaux de
l’Evangile ; mais ils ne se goûtent bien qu’avec ces fruits anciens qui,
dans le passé, manifestaient déjà les merveilles de Dieu pour les hommes.
Or,
Matthieu a réfléchi sur l’opposition des Juifs au temps de Jésus. - Et il y en a encore ! -. En écrivant,
c'est à eux qu'il pense. Bien plus, leurs arguments traversent les rangs des premiers
chrétiens : on hésite à accueillir les païens qui se convertissent en grand
nombre. Ils ne pratiquent pas la Loi de Moïse ! Peuvent-ils devenir
chrétiens ? C'est pour répondre à cette question que Matthieu a écrit ce
récit de la visite des mages, composé comme une polémique pour mieux se faire
comprendre.
En
effet, qui vient auprès de l'Enfant Jésus ? On se serait attendu à voir prêtres, lévites et roi… Non,
dit Matthieu ; ce sont des païens qui viennent de très loin et qui se risquent à chercher Dieu. Les
savants, religieux et autorités, restent à Jérusalem. Pourtant il ne suffit pas
de “savoir” pour trouver Dieu (à Bethléem, préciseront parfaitement les scribes
! Pour trouver Jésus, pour trouver Dieu, il faut surtout marcher comme
les Mages, ne jamais s’installer !
Le
message est clair : Ce sont des païens qui ont le mieux compris la nouveauté de l’Evangile annoncée dans les temps
anciens.
Le
message est éclatant. Dieu veut toujours “se
manifester” (sens
du mot "épiphanie") à tous les hommes sans exception. Aucun obstacle ne peut venir de la race, de
la culture, et de quoi que ce soit… Dieu se propose à tous pourvu que l’on
ne s’installe pas et que l’on marche à sa recherche.
Disant
cela, Matthieu semble dire : ne voyez-vous pas les anciens fruits d’amour
de l’éternelle pédagogie de Dieu à l’égard des hommes. Rappelez-vous : lorsque notre peuple s’est
installé en la Terre promise, le Roi de Moab, mécontent, alla chercher un
étranger, Balaam, pour qu’il vienne nous maudire. Ce Balaam venait du pays d'où
était sorti Abraham. Et le roi de Moab voulait le payer largement pour qu'il
prononce des malédictions comme pour neutraliser les bénédictions faites à
Abraham.
Alors, Balaam est plusieurs fois partagé entre
le bénéfice qu'il peut tirer en maudissant et
l’invitation que Dieu lui lance pour bénir son peuple. Et il y a le fameux épisode
de l’âne de Balaam (déjà
l’âne de la crèche) qui
se couche
sur le chemin lorsque
son maître part pour aller maudire. Car lui seul voit l’ange de Dieu lui barrer
la route une épée de feu à la main.
Ce récit
est amusant mais très instructif aussi : à vue humaine, les voies de Dieu
son si complexes qu’il faut avoir une grande dévotion pour l’âne de Balaam,
pour tous les ânes qui nous empêchent d’avancer sur certaines de nos mauvaises routes
humaines… Car l'âne de Balaam, ce sont toutes les voies de notre vie qui
se bouchent pour mieux trouver celle qui mène à Dieu. Quand on prend un peu
d’âge,
on a davantage de dévotion pour l'âne de Balaam ! D’ailleurs, il y a beaucoup d’ânes
dans la Bible ; de celui de Moïse jusqu’à celui de Joseph à son retour
d’exil avec Marie et l’enfant Jésus. Ils sont tous intelligents, ces ânes-là. L’âne de
la crèche !
Alors,
comprenant le langage de son âne, Balaam, au lieu de maudire, bénit : "Oracle de celui qui écoute Dieu. Il voit (enfin) ce
que Dieu fait voir.. : Je l'aperçois : De Jacob monte une étoile (de la crèche), d’Israël surgit un roi !".
Balaam
était-il roi pour annoncer un roi ? En tous les cas, ses successeurs, les
Mages, doivent l’être, eux qui cherchent le Roi des rois ; et
naturellement, ils sont précédés d’une étoile, sans oublier la présence de
l’âne qui doit se réjouir d’avoir résisté à son maître d’autrefois.
Oui, Matthieu
est ce “bon scribe” qui, pour parler aux Juifs récalcitrants, sait tirer “de son trésor
du neuf et de l’ancien”.
Ainsi – c’est l’objet de
la polémique de Matthieu -
les scribes qui connaissent bien la Bible ne se dérangent pas, tandis que des
païens dirigés par une étoile viennent se prosterner
devant le Roi des rois. C'est un drame pour Matthieu comme pour Paul - tous deux juifs -. Comment peut-il se faire que ce
peuple préparé par la Providence divine à recevoir le Messie, ne se dérange
même pas ?
Grande
question qui peut être aussi la nôtre ! Ainsi, la crèche qui semble pour
les enfants avec ses rois-mages qui paraissent sortir d’un conte de mille et
une nuits est riche d’enseignements divers : Dieu est “celui qui est”. Il
n’a pas besoin
de paraître (notre tentation). Et pour être sur la trajectoire de
Celui qui est parmi les hommes, il faut vivre au plan de l’être et non du paraître, même si l’on est savant.
Méditons
ainsi devant la crèche avec les mages :
Il y a la vierge Marie. Elle est là simplement ! Elle est là depuis les origines, à
la naissance, au Temple, à Cana, au pied de la Croix. Elle est là tout le
temps ! Elle est là à la Pentecôte, naissance de l’Eglise. Elle est
toujours là devant “Celui est est”. En méditant les mystère du rosaire, on
emprunte alors le cœur, l'intelligence, l'intuition de la Vierge Marie pour
mieux connaître le Verbe Incarné en qui habite la plénitude de la Divinité.
Il
y a St Joseph. On ne sait rien de lui ; c’est le “grand silencieux” !
Mais il est là, lui aussi, devant “Celui qui est”. Et avec St Joseph, Jésus
n'a-t-il pas voulu avoir comme une image de son Père Céleste, Celui qui est et
qui n'a pas besoin de paraître. Il “est” là simplement.
Il
y a les bergers. Ils sont, moins que les autres, victimes de cette maladie si
contemporaine : le divertissement, le besoin permanent de “paraître” qui
entraîne souvent l'aveuglement. Ils sont là !
Il
y a l'âne et le bœuf. J’ai évoqué l’âne de Balaam. Mais d’où sortent-ils donc,
ces deux, l'âne et le bœuf ? On n'en parle pas dans l'Evangile. Ils sortent du
Prophète Isaïe qui prédit pour la plénitude des temps : “Le bœuf connaîtra son possesseur, et l'âne
la crèche de son maître”. Finalement, il vaut mieux être un âne ou un bœuf
qu’un scribe qui joue l’apparence de la science et méconnait “Celui qui
est” !
Etre
là !
Etre là sur la trajectoire de Dieu qui passe, de “Celui qui
est” : “alors qu'ils étaient
là !” (Luc2:6). Etre là ! Oui, on peut accumuler
connaissances sur connaissances, et ne pas être là sur la trajectoire de Dieu,
qui vient nous chercher, nous prendre tels que nous sommes, là où nous en
sommes, pour nous conduire vers lui.
Mais sachons-le encore : quand on est sur
la trajectoire de Dieu qui passe, il faut aussi être prêt â tout.
Matthieu le dit à sa façon :
après avoir rencontré Jésus, “les mages
repartirent par un autre chemin”. Tous ceux qui rencontrent “Celui qui est”
sont voués à un autre chemin, arrachés qu’ils sont à leur apparence. Le chemin
ouvert par Jésus est toujours nouveau, car il nous veut à l’image et
ressemblance de “Celui qui est” !.
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