33e Dimanche du T.O. 19/C
“Ce que vous
contemplez, il n’en restera pas pierre sur pierre” ! Rendez-vous
compte ! Paroles provocantes !
Depuis quarante ans, le chantier bourdonne…, bourdonne…
Les gros blocs de pierre ocre se gorgent de soleil.
Sur l'ample esplanade de 225m de large, les portiques
s'élèvent.
Le fronton du Temple plaqué d'or rutile.
Et de ce sanctuaire lui-même où, tout au fond, se trouve
le “Saint des Saints”, la “Demeure de Dieu”…, de ce sanctuaire et de cet
ensemble admirable, Jésus osera dire encore : “Détruisez ce temple…, en, en trois jours, je le rebâtirai”.
Pour comprendre notre passage
d'évangile, il faut savoir que St Luc l'écrit après la destruction de ce
temple.
Pleinement achevé en 63, il fut
anéanti sept ans plus tard, à la chute de Jérusalem, quand un soldat romain
jeta - consciemment, inconsciemment, on
ne le sait - sa torche de feu qui embrasera tout l'édifice.
Cette fois, à jamais, le temple
est détruit ! De ce sanctuaire, la
fierté – nationale, sociale, religieuse… - du peuple juif, il ne reste plus
pierre sur pierre. Rien ! On l'avait cru solide, capable de traverser toutes
les tempêtes. Puissant monument, il rassurait l'existence, la foi des croyants.
Et voici que la guerre
dévastatrice a tout rasé. Tout s'est écroulé !
Premier enseignement :
Jésus n'est pas impressionné par les constructions imposantes, même
religieuses. Il sait que Dieu n'habite pas dans les édifices où les puissants
voudraient - consciemment,
inconsciemment, je ne sais - "enfermer" Dieu en quelque sorte
pour mieux disposer de lui. C'était déjà le cri révolutionnaire du prophète
Jérémie !
Le regard de Jésus perce les
murailles et perçoit la fragilité des œuvres humaines. Il sait que le ressac
des houles de l'Histoire brise un jour ou l’autre les édifices les plus
altiers. Et que les guerres, les violences, les catastrophes diverses continueront
longtemps d'accompagner la marche des hommes.
Jésus nous a donc avertis. Vingt
siècles après ces paroles, serions-nous comme les premiers chrétiens ?
Car, pour la première génération
chrétienne, ces événements accablants de
la fin de Jérusalem ne sont-ils pas signe de la fin …, de la fin du monde ? (Question toujours actuelle !!!) Le Royaume de
Dieu annoncé par Jésus n'est-il pas tout proche ? Le Fils de l'Homme ne va-t-il
pas apparaître d'un moment à l'autre dans sa gloire, sur une nuée ?
Et si la question devient
obsédante, passé le temps de cette attente fiévreuse, la déception risque de
ronger les cœurs d'amertume. Ne va-t-elle pas tuer l'espérance ? St Luc le
craint.
Alors, il précise - 2ème
enseignement - : Jésus n'est
pas venu prédire la fin comme tant de prophètes de malheur. Il dénoncera au
contraire les faux prophètes. “Ce sont
des imposteurs, dira-t-il. lls vous
déclarent : “C'est la fin !” Surtout, ne
vous y laissez pas prendre !” Les
guerres, les révoltes, les cataclysmes et les crises ne sont pas des signes
précurseurs.
Au travers des événements, c'est
vrai, un certain monde se meurt, mais un autre naît. Si on cessait d'attendre,
il n'y aurait plus d'espérance, il n'y aurait plus de foi car il n'y a pas de
foi sans espérance. Aussi, dans le déroulement effréné et mouvementé de
l’histoire, restez toujours en tenue de service, comme un bon serviteur qui
attend son maître !
Bien plus, Jésus voit encore plus
loin : Toute proche, il voit la persécution qui s'abattra sur celles et
ceux qui seront devenus ses disciples. Jusque dans les familles, on se divisera
et l'on se trahira. Et la mécanique implacable des tribunaux et des
condamnations se mettra en route. Les persécutions mettront à grande épreuve tous
les croyants. Elles seront une traversée très difficile. La foi des disciples passera-t-elle
par ce couloir obscur des persécutions, avec seulement la faible lumière d'un
ciel trop lointain ? Tiendra-t-elle mieux que les murs du Temple ?
Seule, pourtant, la foi qui
espère se glisse et s'épanouit au-delà des goulots d'étranglement. Troisième enseignement qu est une
question : notre foi va-t-elle tenir contre les bourrasques diverses qui
l’assaillent en notre propre vie ?
Mais déjà pointe la réponse - 4ème
enseignement - Car on a expérimenté la force d'autres paroles de Jésus : “Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.”
Il avait dit ailleurs qu'ils étaient tous comptés ! Comment mieux exprimer
l'extrême attention aimante de Dieu envers chacun ? … Il y a aussi ces mots qui
donnent tant d'assurance : “Mettez-vous
dans la tête que vous n'avez pas à préparer votre défense. Moi-même, je vous
inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne
pourront opposer ni résistance ni contradiction.” L'humble et lumineuse vérité…, infusée en
notre vie de croyant !
Jésus appelle donc à la
confiance. Mais où trouver la solidité du roc quand tous les éléments déchaînés
se livrent bataille pour une destruction générale, quand les murs des édifices
dans lesquels on se met en sécurité se fendent de haut en bas et s'effondrent ?
Jésus dit simplement : L'Esprit est là ! Vraie lumière dans les pires
moments d'obscurité, vraie force qui soutient sur les vagues des temps de
grosses tempêtes ! Ceux qui embarquent le Seigneur avec eux s'en vont, rassurés,
vers la haute mer.
L'invitation de Jésus à la
confiance, à la constance, est une invitation à vivre l'histoire, notre
histoire présente, personnelle ou communautaire.
Invitation à entrer dans
l'histoire pour y vivre du ferment évangélique.
Invitation à “perdre sa vie pour la sauver”.
Certains exégètes traduisent ainsi
le mot final de Jésus : “C'est par votre
constance que vous gagnerez vos vies.” Notons la force du verbe !
Jésus déploie ainsi de façon inouïe l'avenir de chacun, et celui de l'humanité.
Alors, finalement, jusqu'où porte
le regard de Jésus ?
Ce n'est pas quelque calendrier
de fin du monde qui retient son attention, mais la condition humaine, risquée,
tragique, précieuse, notre existence d’aujourd’hui, en notre monde mouvementé.
Les vrais “vivants” seront ceux
qui tiendront, ceux qui porteront la charge sans faiblir, les êtres
d'inébranlable espérance. Car, aujourd'hui encore, le Temple de pierres vivantes,
c'est eux !
L'espérance est le navire fragile
de la vie que Jésus nous offre pour passer les caps de toutes nos crises
tourmentées. Il est là avec nous ; il est notre force !
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