dimanche 17 novembre 2019

Fin ! ?


33e Dimanche du T.O.  19/C

“Ce que vous contemplez, il n’en restera pas pierre sur pierre” ! Rendez-vous compte ! Paroles provocantes !

Depuis quarante ans, le chantier bourdonne…, bourdonne…
Les gros blocs de pierre ocre se gorgent de soleil.
Sur l'ample esplanade de 225m de large, les portiques s'élèvent.
Le fronton du Temple plaqué d'or rutile.
Et de ce sanctuaire lui-même où, tout au fond, se trouve le “Saint des Saints”, la “Demeure de Dieu”…, de ce sanctuaire et de cet ensemble admirable, Jésus osera dire encore : “Détruisez ce temple…, en, en trois jours, je le rebâtirai”.
  
Pour comprendre notre passage d'évangile, il faut savoir que St Luc l'écrit après la destruction de ce temple. 
Pleinement achevé en 63, il fut anéanti sept ans plus tard, à la chute de Jérusalem, quand un soldat romain jeta - consciemment,  inconsciemment, on ne le sait - sa torche de feu qui embrasera tout l'édifice.
Cette fois, à jamais, le temple est détruit !  De ce sanctuaire, la fierté – nationale, sociale, religieuse… - du peuple juif, il ne reste plus pierre sur pierre. Rien ! On l'avait cru solide, capable de traverser toutes les tempêtes. Puissant monument, il rassurait l'existence, la foi des croyants.
Et voici que la guerre dévastatrice a tout rasé. Tout s'est écroulé !

Premier enseignement : Jésus n'est pas impressionné par les constructions imposantes, même religieuses. Il sait que Dieu n'habite pas dans les édifices où les puissants voudraient - consciemment,  inconsciemment, je ne sais - "enfermer" Dieu en quelque sorte pour mieux disposer de lui. C'était déjà le cri révolutionnaire du prophète Jérémie !
Le regard de Jésus perce les murailles et perçoit la fragilité des œuvres humaines. Il sait que le ressac des houles de l'Histoire brise un jour ou l’autre les édifices les plus altiers. Et que les guerres, les violences, les catastrophes diverses continueront longtemps d'accompagner la marche des hommes.
Jésus nous a donc avertis. Vingt siècles après ces paroles, serions-nous comme les premiers chrétiens ?

Car, pour la première génération chrétienne, ces événements  accablants de la fin de Jérusalem ne sont-ils pas signe de la fin …, de la fin du monde ? (Question toujours actuelle !!!) Le Royaume de Dieu annoncé par Jésus n'est-il pas tout proche ? Le Fils de l'Homme ne va-t-il pas apparaître d'un moment à l'autre dans sa gloire, sur une nuée ?
Et si la question devient obsédante, passé le temps de cette attente fiévreuse, la déception risque de ronger les cœurs d'amertume. Ne va-t-elle pas tuer l'espérance ? St Luc le craint.

Alors, il précise - 2ème enseignement - :  Jésus n'est pas venu prédire la fin comme tant de prophètes de malheur. Il dénoncera au contraire les faux prophètes. “Ce sont des imposteurs, dira-t-il. lls vous déclarent  : “C'est la fin !” Surtout, ne vous y laissez pas prendre !”  Les guerres, les révoltes, les cataclysmes et les crises ne sont pas des signes précurseurs.
Au travers des événements, c'est vrai, un certain monde se meurt, mais un autre naît. Si on cessait d'attendre, il n'y aurait plus d'espérance, il n'y aurait plus de foi car il n'y a pas de foi sans espérance. Aussi, dans le déroulement effréné et mouvementé de l’histoire, restez toujours en tenue de service, comme un bon serviteur qui attend son maître !

Bien plus, Jésus voit encore plus loin : Toute proche, il voit la persécution qui s'abattra sur celles et ceux qui seront devenus ses disciples. Jusque dans les familles, on se divisera et l'on se trahira. Et la mécanique implacable des tribunaux et des condamnations se mettra en route. Les persécutions mettront à grande épreuve tous les croyants. Elles seront une traversée très difficile. La foi des disciples passera-t-elle par ce couloir obscur des persécutions, avec seulement la faible lumière d'un ciel trop lointain ? Tiendra-t-elle mieux que les murs du Temple ?
Seule, pourtant, la foi qui espère se glisse et s'épanouit au-delà des goulots d'étranglement.  Troisième enseignement qu est une question : notre foi va-t-elle tenir contre les bourrasques diverses qui l’assaillent en notre propre vie ?

Mais déjà pointe la réponse - 4ème enseignement - Car on a expérimenté la force d'autres paroles de Jésus : “Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.” Il avait dit ailleurs qu'ils étaient tous comptés ! Comment mieux exprimer l'extrême attention aimante de Dieu envers chacun ? … Il y a aussi ces mots qui donnent tant d'assurance : “Mettez-vous dans la tête que vous n'avez pas à préparer votre défense. Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction.”  L'humble et lumineuse vérité…, infusée en notre vie de croyant !

Jésus appelle donc à la confiance. Mais où trouver la solidité du roc quand tous les éléments déchaînés se livrent bataille pour une destruction générale, quand les murs des édifices dans lesquels on se met en sécurité se fendent de haut en bas et s'effondrent ? Jésus dit simplement : L'Esprit est là ! Vraie lumière dans les pires moments d'obscurité, vraie force qui soutient sur les vagues des temps de grosses tempêtes ! Ceux qui embarquent le Seigneur avec eux s'en vont, rassurés, vers la haute mer.

L'invitation de Jésus à la confiance, à la constance, est une invitation à vivre l'histoire, notre histoire présente, personnelle ou communautaire.
Invitation à entrer dans l'histoire pour y vivre du ferment évangélique.
Invitation à “perdre sa vie pour la sauver”.
Certains exégètes traduisent ainsi le mot final de Jésus : “C'est par votre constance que vous gagnerez vos vies.” Notons la force du verbe ! Jésus déploie ainsi de façon inouïe l'avenir de chacun, et celui de l'humanité.

Alors, finalement, jusqu'où porte le regard de Jésus ?
Ce n'est pas quelque calendrier de fin du monde qui retient son attention, mais la condition humaine, risquée, tragique, précieuse, notre existence d’aujourd’hui, en notre monde mouvementé.
Les vrais “vivants” seront ceux qui tiendront, ceux qui porteront la charge sans faiblir, les êtres d'inébranlable espérance. Car, aujourd'hui encore, le Temple de pierres vivantes, c'est eux !

L'espérance est le navire fragile de la vie que Jésus nous offre pour passer les caps de toutes nos crises tourmentées. Il est là avec nous ; il est notre force !

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