32 e Dimanche 19/C
La mort dont il est question aujourd'hui, comme elle nous rejoint
parfois avec cette cruauté particulière lorsqu'elle fauche des êtres en pleine
jeunesse. Et en ce mois de Novembre où l'on pense à nos défunts, vous êtes
peut-être habités par le souvenir d'un visage trop jeune pour avoir quitté ce
monde.
Il y a une
véritable provocation dans la mort d'un être jeune. La vie ne doit-elle pas se prolonger en ceux qui nous
suivent ? Et, au cimetière, devant la dureté des pierres tombales qui séparent
comme un mur les morts des vivants, une question lancinante monte de nos cœurs :
où sont-ils donc ?
La Parole
de Dieu nous apporte aujourd'hui force et
douceur.
Elle seule
est capable de rejoindre en nous-mêmes le scandale de la mort.
Elle nous
affirme que notre vie a plusieurs dimensions :
- Une
dimension familiale : on a tous des parents, des enfants, un conjoint…
- Notre
vie a aussi une dimension professionnelle : on est étudiant, menuisier,
cultivateur… et que sais encore !
- Elle
peut avoir aussi une dimension artistique : on joue de la flûte, on chante, on
danse, on fait de la peinture…
- Elle
peut avoir encore une dimension sportive…
Mais notre
vie a aussi une dimension spirituelle, religieuse. Une vie d'homme,
c'est quelque chose de beau, de riche… Mais nous savons bien, en même temps,
que cette vie, ce n'est pas nous qui nous la sommes donnée. Nous l'avons reçue
par nos parents, avec un capital de santé, d'intelligence, de courage, de
talents. Tout cela est à nous, mais tout cela vient d'ailleurs et nous dépasse.
Et tout
cela, en même temps, est fragile, à la merci d'un échec, d'un accident. Nous
sommes limités dans nos possibilités, dans notre intelligence, notre santé…
- Notre
vie est bien à nous sans être totalement à nous. Nous n'en sommes pas les
maîtres absolus. Elle vient d'ailleurs…
- Et
n'est-elle pas faite aussi pour aboutir ailleurs ? C'est le sens de cette parole de Notre
Seigneur, aujourd'hui: "Dieu n'est
pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants, car tous ont par lui la
vie". Notre vie, même si nous la menons comme nous l'entendons, vient
de Dieu et va ailleurs : c'est ce que l'on appelle la "résurrection des
morts", la "résurrection de la chair".
Eternelle
question qui divise les hommes : "Celui
qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas", comme dit le poète (Louis
Aragon). Éternelle question : les lectures de
cette messe en témoignent; et Paul le dit : "Tous
n'ont pas la foi !".
Certains
Sadducéens, au temps de Jésus, ne croyaient pas à la résurrection.
Il en est
de même chez nous !
Et
pourtant, la première lecture nous montre la foi admirable de Juifs persécutés
deux siècles avant Jésus-Christ. L'extrait que nous avons entendu mériterait
d'être prolongé : "Ce n'est pas moi,
disait une mère à ses fils qu'on allait tuer, ce n'est pas moi qui vous ai gratifiés de l'esprit et de la
vie… Aussi bien, le Créateur qui a opéré la naissance de l'homme et qui
préside à l'origine de toutes choses, vous rendra-t-il et l'esprit et la
vie…".
"Celui qui croyait au ciel et
celui qui n'y croyait pas !"…
Oui,
éternelle question qui nous est posée à nous aussi : où sont-ils les amis que
l'on aimait tant ?
La
réponse, c'est le cœur même de la foi chrétienne, l'essentiel du christianisme.
La réponse, c'est la foi en Jésus ressuscité, toujours vivant, et en sa
parole : "Celui qui croit en moi, fût-il
mort, vivra !".
Mais que
signifient au juste ces mots: "résurrection des morts"? - Il serait
ridicule d'y voir un phénomène biologique, comme un retour en arrière… Non, la
résurrection des morts n'est ni un phénomène biologique, ni un retour en
arrière, comme l'imaginaient les Sadducéens.
C'est une
réalité toute spirituelle. C'est un bond en avant vers une plénitude de vie
qui nous dépasse actuellement.
Il n'y
aura plus de limites à nos affections, à nos amitiés, à nos connaissances… "Dieu essuiera toute larme de nos yeux,
dit l'Apocalypse… De mort, de
pleurs, de cris ou de peines, il n'y en aura plus!"..
Dieu sera
tout en tous, et l'amour sera tout en
chacun. Nous serons parfaitement transparents les uns aux autres. Ce sera
joie d'aimer, de comprendre, de découvrir tant de richesses insoupçonnées en
ceux que nous avions cru bien connaître ici-bas. Tel sera le monde de Dieu
auquel nous sommes appelés à naître, le jour de notre mort.
Je sais
bien : la vie d'un homme se prolonge en ses propres enfants ; et c'est pourquoi
la mort de l'un d'eux est un contre-sens. C'est vrai. Mais écoutons Jésus : "Les enfants de ce monde se marient.
Mais ceux qui ont été jugés dignes d'avoir part au monde à venir et à la
résurrection d'entre les morts ne se marient pas car ils ne peuvent plus mourir
: ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu étant héritiers de la
Résurrection".
En ce
texte un peu énigmatique, il y a d'abord cette affirmation : la vie d'un homme
vaut par elle-même et n'a nul besoin d'être justifiée par une descendance,
comme le pensaient les Sadducéens. Chacun de nous a une identité personnelle
dont le destin dépasse les limites du monde présent. Le vrai problème de la vie
dépasse nos divers engendrements. Et, si cruelle qu'elle soit, la mort de l'un
des nôtres, en est un signe provocant.
De plus,
je pense à ceux, à celles qui choisissent, dès ce monde-ci, de ne pas se marier
pour témoigner de ce Royaume de Dieu où chacun de nous est destiné à vivre
autrement que dans les conditions de la vie actuelle.
Celui qui
croit en Jésus vivant, qui croit en la vie éternelle au-delà de la mort,
celui-là vit autrement sur la terre : il sait que la vie sur la terre est un pèlerinage
dont le but est ailleurs. Il sait, celui-là, que le véritable trésor, ce n'est
ni l'argent, ni le pouvoir, ni les honneurs, c'est l'amour ; l'amour désintéressé,
l'amour qui
s'oublie et se sacrifie,
l'amour qui
pardonne et reconstruit,
l'amour qui sauve et fait vivre,
l'amour
pur, noble, fort !
C'est cela
la valeur suprême, l'amour même dont Jésus nous a aimés. C'est cela qui
nous fait déjà vivre de la vie divine, par-delà notre propre mort. Car la vie
éternelle est déjà commencée pour celui qui croit au ciel ; il en vit, dès
maintenant. Et quand vient sa dernière heure, il ne s'agit pas tant de sa mort
que de sa naissance en Dieu en qui tout l'amour de son cœur s'épanouit. Oui,
pour celui qui croit au ciel, la mort est un passage : une Pâque vers la
résurrection.
Où
sont-ils donc les parents, les amis qu'on aimait tant ? Ils sont en Dieu, dans
la mesure où ils ont aimé comme Jésus et ont cru en sa parole : "Celui qui croit en moi, fût-il mort,
vivra !".
Après la
purification nécessaire, ils vivent en Dieu, de la vie de son Esprit.
"Celui qui croyait au ciel et
celui qui n'y croyait pas !"…
La mère
admirable de foi avec ses sept fils, méprisant la mort…
et les
Sadducéens, sceptiques…
Et qu'en
est-il pour nous ? Serions-nous gagnés par le scepticisme qui escamote la mort
parce qu'on ne croit pas au ciel?
Le Concile
Vatican II nous demande d'être chaque jour témoins d'une vie autre que
celle d'ici-bas. Ce dimanche nous rappelle qu'un chrétien, c'est celui qui a
choisi de croire au ciel, et qui vit en conséquence.
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