A des jeunes qui, d'emblée,
m'affirmaient pour appuyer leur demande de mariage à l'église :
"Vous savez, nous sommes quand même croyants !", il
m'arrivait de rétorquer un peu brutalement et avec humour : "Vous croyez vraiment que Jésus-Christ
est ressuscité, est toujours vivant ?".
Naturellement, la question étonnait ;
aussi, je m'empressais d'ajouter : "Que voulez-vous, notre foi contient en
son cœur cette affirmation irréductible de cet événement inouï : "Le
Christ est mort et est ressuscité pour nous !".
Lors de la toute première
prédication chrétienne, au matin de la Pentecôte, Pierre n'a pas repris le
premier discours de Jésus, les Béatitudes; il n'a pas dit : "Bienheureux les pauvres, ceux qui
souffrent" … ; il n'a pas énuméré les règles élémentaires d'une morale
nouvelle ; il n'a pas imposé les conditions de l'entrée dans la Communauté des
Chrétiens. Il a simplement affirmé : "Le
Christ est vivant, nous l'avons vu !".
Et si nous ouvrons les Evangiles qui
donnent des récits assez différents sur les événements du matin de Pâques, tous
les quatre, cependant, aboutissent à la même affirmation : "«Le Christ est vivant, le Christ est ressuscité !"
Rappelez-vous ! D'abord, ce sont des
femmes qui trouvent le tombeau vide; des êtres mystérieux leur affirment : "Allez annoncer que le Christ est
ressuscité !". Mais les Apôtres, eux resteront d'abord incrédules : "Ce ne sont là que rêveries de femmes
!"
Cependant, Marie-Madeleine est
demeurée devant le tombeau vide. Elle ne croyait pas encore ; elle pleurait,
abîmée dans sa douleur. Elle avait vu le Christ mort, elle savait bien que ce
n'était pas un mort endormi paisiblement mais un corps torturé, flagellé, vidé
de son sang. Alors, pour elle, c'était bien fini. Or voici que Jésus lui parle ;
elle ne le reconnaît que lorsqu'il l'appelle : "Marie!".. Elle se lance vers lui. Mais ce n'est plus
l'heure : "Va dire à mes frères que
je les attends en Galilée",, demande Jésus.
Ensuite, il y a le constat officiel,
si je puis dire, réalisé par Pierre et
Jean. Là, il y a la première foi en la résurrection, celle de Jean : "l
vit et il crut". Mais il ne dit
rien ! Il vit une chose, commente St
Augustin, il vit les langes de l'ensevelissement, et il crut autre chose : la
résurrection du Christ.
Puis, c'est au tour des disciples
d'Emmaüs ; pour eux aussi tout était
perdu, tout était fini ! "Ils marchaient, mornes !"
Mais voici que Jésus vient à eux, les éclaire, puis partage le pain. Alors ils
le reconnaissent; mais déjà il n'est plus là. Ils courent à Jérusalem où on
leur dit : "Le Christ est
ressuscité, il est apparu à Simon-Pierre".
A ces disciples réunis, Jésus
apparaît à nouveau et leur dit :
"Donnez-moi à manger" ; et il leur partage à nouveau son amitié.
Huit jours après, c'est la célèbre
apparition à Thomas. Les Pères de l'Eglise disaient que l'incrédulité de St
Thomas était plus précieuse pour les chrétiens que la foi quasi immédiate de St
Jean, car, après tout, en chacun de nous, il y a un peu un Thomas qui dit :
"cela n'est pas possible". Mais ce Thomas arrive à croire :
"Mon Seigneur et mon Dieu !"
Plus tard encore, les disciples dans
leur barque en train de pécher ne reconnaissent pas immédiatement Jésus. St
Jean finit par dire : "C'est le Seigneur !"
Cette lenteur à reconnaître la
présence de Jésus vivant au milieu de nous, n'est-elle pas fréquente ? Elle est
en moi, en vous-mêmes, comme en mes fiancés de tout à l'heure. Tant de choses
surviennent dans la vie de l'Eglise et du monde …. Pourtant nous continuons à
nous activer, comme les disciples dans la barque de l'Eglise, sans comprendre
qu'il est là, tout près, mais aussi ailleurs, sur le rivage; et nous nous
élançons vers lui ; mais comme Pierre marchant sur les eaux, il nous arrive de
douter et de nous enfoncer.
Parfois, pourtant, nous nous jetons
littéralement sur Jésus ; mais, il nous dit alors, comme à Marie-Madeleine : "ne me touche pas !" Faut-il
comprendre que nous ne pourrons jamais toucher Jésus tant que nous ne serons
pas, nous aussi, remontés vers son Père et notre Père ? - Nous voudrions
prouver l'existence de Dieu. Nous voudrions pouvoir dire, nous aussi, comme le
converti A. Frossard : " Dieu existe, je l'ai rencontré
!". A certains moments de notre existence, nous avons peut-être eu
cette évidence de sa présence dans notre vie, dans notre prière. Mais à
d'autres moments, comme Marie Madeleine, nous l'avons vu s'éloigner. Nous
sommes entrés dans la nuit. Il ne nous est resté que le doute, l'incapacité de
savoir si, dans ces moments de ferveur, nous l'avons entrevu ou si c'était une
illusion.
La tentation de tout croyant est de
refuser de vivre dans l'incertitude ; on voudrait des preuves irréfutables. On
voudrait pouvoir dire : "Il est ici,
il est là". Jésus pourtant nous avait mis en garde : "Si donc, on vous dit : "Le voici
dans le désert, ne vous y rendez pas. Le voici dans les lieux retirés, n'allez
pas le croire" (Mt
24/ 26).
Nous voudrions tenir en nos mains une preuve tangible, nous voudrions des
certitudes absolues. Mais rien de cela ne nous est donné à Pâques. Comme les
disciples d'Emmaüs qui, l'ayant entrevu furtivement, sont repartis dans la nuit
noire, nous poursuivons notre cheminement sans savoir avec certitude où le
rencontrer.
Cependant Jésus nous a donné une indication
pour le rencontrer : "Il vous
précède en Galilée. Là vous le verrez comme il vous l'a dit". La
Galilée, au temps de Jésus, était le symbole des nations païennes que les Juifs
méprisaient. C'est en Galilée que Jésus avait passé la plus grande partie de sa
vie publique, apostolique. Autrement dit, la foi, cette rencontre personnelle
avec Jésus, ne peut se faire que là où il n'est pas encore, afin de susciter de
plus en plus sa présence. La foi, ce n'est pas affirmer : "je crois que
Jésus est ressuscité", comme on dit : "je crois que deux et deux font
quatre", et rester béatement dans cette certitude. Croire, c'est savoir
qu'avec le Christ la vie est bouleversée pour trouver, retrouver un sens, un
sens divin. Et cela n'est pas facile ni pour moi, ni pour vous. La foi est une
victoire qui triomphe du monde, du péché qui existe à l'intérieur de nous-mêmes
et autour de nous. Voilà notre Galilée où nous avons chance de rencontrer le
Christ puisque lui-même est sorti victorieux de ce monde-là. La Galilée, c'est
notre vie de tous les jours, avec sa parenté, ses collègues de travail ou de
loisir. Allez en votre Galilée avec le désir ardent de rencontrer le Christ
toujours vivant. Et vous le trouverez !
Aussi, aux fiancés de tout-à-l'
heure, je pouvais dire : orientez votre amour mutuel vers Dieu ; purifiez-le de
tout égoïsme ; qu'il soit un don de vous-mêmes sans cesse renouvelé ; et je
suis sûr que vous pourrez dire avec force, vous aussi : "Le Christ est ressuscité; il nous est apparu en Galilée",
en notre vie".
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