samedi 7 juillet 2018

Un Dieu si ordinaire ?!?


14 e Dimanche Ordinaire 18/B.

Bien souvent, St Marc nous présente, après le récit d'un événement, les différentes lectures possibles. Facilement il juxtapose
- la lecture de l'événement telle que la font les pharisiens,
- puis celle des disciples ou de la foule
- et enfin celle de Jésus.
             
C'est habituellement dans ce contexte-là que Marc nous parle de la foi. Pour lui, la foi
- c'est lire correctement les événements, à la manière de Jésus,
- c'est découvrir dans les événements la même signification que Jésus lui-même y découvre. Voilà l'exercice fondamental de la foi au quotidien de nos jours !

Dans l'évangile d'aujourd'hui, Marc nous rapporte les réflexions des gens de Nazareth sur Jésus. Ils me paraissent dire deux choses :
- d'une part, Jésus parle avec une sagesse étonnante et réalise de grands miracles,
- mais d'autre part, c'est quelqu'un d'ordinaire, qui est comme tout le monde, dont on connait les origines, toute la famille.
"Ils étaient profondément choqués", écrit Marc. Et le choc paraît bien venir de cet alliage insolite de sagesse, de puissance avec du quotidien ordinaire.

Et la réflexion de Jésus rapportée par Marc souligne cette double réflexion :
- les paroles, les gestes d'un prophète, semble dire Jésus,  sont bien accueillis partout où le prophète a l'air de venir d'ailleurs.
- Mais quand ce prophète est connu, fait partie de la vie courante, alors, on n'arrive plus à recevoir son message.

On veut toujours de l'extraordinaire. On n'accueille le message que s'il sort du quotidien. Or la foi s'exerce à lire la présence de Dieu en notre quotidien.
             
C'est là que se situe le paradoxe de notre foi ! Les gens de Nazareth ne sont sans doute pas plus durs que d'autres. Ils auraient sans doute accueilli la parole de Jésus s'ils ne l'avaient pas si bien connu. Ce n'est pas son message qui fait difficulté. Leur refus vient de ce qu'un tel message soit annoncé par quelqu'un d'ordinaire, de connu. Pour eux, Dieu est tellement AUTRE, différent, qu'il ne peut s'exprimer que d'une manière extraordinaire. Tout ce qui est quotidien, ordinaire, est indigne de Dieu, incapable d'exprimer Dieu.
Ils ne peuvent reconnaître Dieu dans ce Jésus qui est leur cousin, leur camarade d'enfance ou même à qui, récemment, ils ont fait exécuter les travaux de la charpente !

Nous jugeons peut-être durement ces gens de Nazareth !
- Mais sommes-nous, nous-mêmes, capables de reconnaître Dieu dans la façon de faire et dans les discours de notre voisin, de notre camarade de travail, de notre épouse, époux, de nos enfants ?
- Savons-nous contempler l'action de Dieu dans le quotidien exigeant des hommes de notre temps ?
- Reconnaissons-nous Jésus qui s'éveille en ce jeune qui est "en crise" ?
- Pensons-nous que dans la vie bien ordinaire de tous ceux qui nous entourent, Dieu nous dit quelque chose de lui-même ?

Bref, ne risquons-nous pas souvent d'adopter la position des gens de Nazareth ? Nous voulons bien reconnaitre Dieu dans la beauté d'un paysage de montagne, mais pas dans le quotidien de tel homme, de telle femme.

Pourtant l'extraordinaire de la Révélation apportée par Jésus réside bien là, dans l'ordinaire de note vie.
- Pour dire Dieu en mots humains, Jésus a choisi "ce qui n'est pas", "ce qui est fou aux yeux du monde" (I Co 1/17-31).
- Pour révéler son Père, il a accepté de se faire homme, homme comme tous les autres, charpentier de son village, membre d'une famille que rien ne distinguait.
- Bien plus, il a accepté de se mettre au rang des plus méprisés de son temps : les esclaves. Il a pris le parti de l'esclave, lavant lui-même les pieds de ses apôtres. Il a été livré aux Romains qui l'ont fait mourir de la mort infamante réservée aux esclaves :  la croix.
             
Si nous reconnaissons, dans la vie pauvre et humble du charpentier de Nazareth, une image de notre Dieu, ne devons-nous pas encore aujourd'hui chercher dans toutes les vies ordinaires, celles de nos frères et la nôtre, les mêmes signes de la présence de Dieu?
Si Dieu peut se montrer à nous dans la mort de Jésus en croix, ne devons-nous pas encore reconnaitre Dieu qui se fait voir dans tous ceux qui souffrent ?

L'Apôtre Paul a écrit justement : "Il s'est vidé lui-même, prenant la forme d'esclave… Reconnu comme un homme, il s'est (de plus) abaissé en se faisant soumis jusqu'à la mort, la mort de la croix. Aussi Dieu l'a surélevé…". (Phil 2/5-11).

Aussi, en sachant que le disciple n'est pas au-dessus du maître, Paul, dans la 2ème lecture, met son orgueil dans ses faiblesses. Il ose écrire que les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions, les situations d'angoisse sont manifestations de Dieu, manifestations pour la puissance de Dieu.

Tout cela l'Eglise, souvent bafouée, le vit encore aujourd'hui.
- Elle le vit dans tous les pays où les hommes sont persécutés.
-  Elle le vit en nous tous qui ne manquons ni de faiblesse ni de situation d'angoisse.
- Et c'est en tout cela que se manifeste la puissance de Dieu - si du moins nous savons lire - car la puissance de Dieu n'est autre que le langage de la croix (1 Cor 1/17) et "ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes".
- Notre Dieu se révèle non dans l'éclat de la victoire, mais dans l'humilité du Crucifié. Maintenant encore, nous révélons Dieu dans la misère de notre vie quotidienne avec ses limites. Car "ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l'on méprise, voilà ce que Dieu a choisi" (1 Cor 1/28).

Oui, notre Dieu est un Dieu déroutant mais c'est aussi un Dieu proche. La parole juste sur Dieu, la lecture correcte de ce qui arrive, sont à notre portée puisque c'est notre misère qui révèle Dieu. Il suffit que nous apprenions de Jésus lui-même la manière de lire nos misères et nos faiblesses pour voir apparaître en filigrane le visage même du Crucifié que Dieu veut toujours glorifier en nous-mêmes.
             
C'est d'ailleurs cela que nous proclamons dans l'Eucharistie. Nous célébrons Jésus réduit à l'esclavage de la croix et surélevé par Dieu dans ce mystère même de son anéantissement
             
Puissions-nous trouver dans cette Eucharistie le courage pour chercher le visage de Dieu dans tous nos gestes quotidiens malgré leur faiblesse et leur pauvreté.
Puissions-nous découvrir l'image de Dieu dans tous ceux qui nous entourent.
Puissions-nous apprendre à lire dans la vie quotidienne les signes de Dieu, puisque la foi c'est d'abord cela.

En reconnaissant Jésus manifesté en cette Eucharistie par les pauvres signes du pain et du vin, demandons-lui de nous apprendre lui-même à lire dans nos vies les humbles signes de sa présence et de son action.


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