mercredi 14 février 2018

Carême - Désert !


Le Carême !
Carême, quarante jours !
Ce chiffre 40 fait référence aux 40 années passées au désert par le peuple d’Israël afin de faire la "Pâque", le passage de la servitude en Egypte au service du Dieu unique [1].

Ce chiffre renvoie aussi aux 40 jours passés par le Christ au désert entre son baptême et le début de sa vie publique.
Il est dit en effet : "Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable". (Cf Luc 4.1-13).
Mais pourquoi donc  le Christ quitte-t-il la luxuriance du Jourdain et la foule qui y est venue voir et écouter le Baptiste ? Pourquoi Jésus va-t-il au désert, vers la tentation et vers le mal ? 

C'est que le Salut que le Fils de Dieu est venu apporter avec la force de l’Esprit a eu un prix. Ce prix, ce fut de prendre toute notre condition humaine, avec toutes ses conséquences.
Jésus, certes, ne courait pas tant vers la tentation que vers la victoire. Mais la victoire doit passer par la tentation, car Dieu a voulu venir nous chercher jusqu’au cœur de la tentation qui est nôtre, puis de la mort, conséquence de nos chutes !
La miséricorde de Dieu n'est pas seulement une parole décisive ; elle est acte, action. Dieu vient jusque dans l'activité de nos "déserts", là où nous sommes tentés, là où nous succombons parfois !

Nous rêvons parfois d’une vie spirituelle, d’une vie dans l’Esprit Saint, qui nous conduirait
plutôt vers les eaux du repos que dans l’aridité du désert,
plutôt vers la douceur de la consolation plutôt que vers la brûlure de la tentation.
Or, la tentation est bien nôtre ; et elle est un combat !
Et Jésus a voulu nous rejoindre, a voulu prendre ce chemin du combat qui nous est si familier !

Ainsi donc, toute vie spirituelle qui mène à une profonde délivrance du mal passe par le désert - lieu de tentation -. Mais, là même, Jésus est présent. Il est venu dans notre désert pour que nous menions combat avec lui !

Recevoir l'aide de Jésus en nos déserts - recevoir la Miséricorde de Dieu en nos lieux de tentation - est une grande grâce ! Mais cette réception n'est pas toujours chose facile. C'est même un combat.  Jésus l'a bien précisé : "Le Royaume de Dieu souffre violence, et ce sont les violents qui s’en emparent" (Mth 11.12).
Que notre ardeur chrétienne nous conduise, en ce temps de Carême, en compagnie de tous ces violents que furent les Saints !

Le carême est un temps de désert, lieu de la rencontre intime avec Dieu, lieu du silence, du cœur à cœur avec Jésus qui vient en notre "désert" pour lutter avec nous ! 
Chacun est invité à se rendre disponible, attentif, accueillant à la présence du Christ, à ses appels. Il ne s’agit pas d’abord de faire des choses, mais de se laisser faire, transformer, aimer par le Christ, de s’ouvrir à sa présence créatrice et re-créatrice, de re-découvrir la grâce de notre baptême, de notre "Pâque", de notre "passage" de la "servitude" du monde au "service" de Dieu !

Le carême est donc un temps de désert, lieu de la solitude, du face-à-face avec soi-même. Sous le regard miséricordieux du Christ présent en nos "déserts", chacun est alors invité à se poser les questions essentielles : quel est mon péché, c’est-à-dire ce qui me coupe de Dieu et des autres ? Quel est le sens de ma vie ?


Et pour terminer, je vous invite à méditer le parcours des Hébreux dans le désert durant quarante années ! Parcours qui les fit sortir de la "servitude" en Egypte au "service" de Dieu conclu en l'Alliance du Sinaï.

Mais comme le désert est incommode (Le "désert de la vie" aussi !)
Alors les Hébreux "râlent", parce qu'ils ne trouvent plus d'eau, autrement dit, un minimum de confort, quand même !
Ex 15. 22-27 - "Quand ils arrivèrent à Mara ils ne purent boire l'eau de Mara, car elle était amère, c'est pourquoi on l'a appelée : Mara. [2]
"Le peuple murmura... !" -
 Normal ! Dans la vie, on râle... souvent !
"...contre Moïse en disant : "Qu'allons-nous boire ?" -. Moïse cria vers Dieu, et Dieu lui montra un morceau de bois. Moïse le jeta dans l'eau, et l'eau devint douce...!".

Alors, "Dieu dit : « Si tu écoutes !" ("Shema Israël !") :
C'est le premier commandement qui a été donné : "écouter" ! Le contraire d'écouter dans la Bible (d'après le. P. Couroyer o.p.), c'est "avoir la nuque raide" ! Tendre l’oreille ou avoir la nuque raide… le peuple est souvent accusé d’avoir la nuque raide : ne pas savoir écouter !  [3]
Les rabbins disent (mais Aristote, déjà - "De natura rerum") que nous avons deux oreilles et une seule bouche. - Conclusion : on devrait écouter beaucoup plus qu'on ne parle ! La bouche peut être fermée deux fois (par les dents et par les lèvres), mais on ne peut pas fermer les oreilles.
Chez Isaïe, ce qui est important ce n'est pas tant la bouche, c’est l’oreille :
"Le Seigneur Dieu m'a donné une langue de disciple pour que je sache apporter à l'épuisé une parole de réconfort. Chaque matin, il éveille mon oreille pour que j'écoute comme un disciple. Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille, et moi je n'ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé". (Is 50.4-5).
Il y a aussi :
Ps. 40.7 : "Tu n’as voulu ni oblation, ni sacrifice. Tu m'as ouvert l'oreille", tu m'as creusé l'oreille ! [4]

Ex 15. 26 : "Si tu écoutes la voix du Seigneur…"
Dans le document qui est au début de la Liturgie des heures, on dit que quel que soit le sujet pour lequel on se réunit, quand on est chrétien, on devrait commencer par l’écoute de la Parole et la prière !
"...Si tu écoutes..., si tu prêtes l'oreille…, tous les maux que j'ai infligés à l'Egypte, je ne te les infligerai pas, car je suis Dieu, celui qui te guérit". [5]

"Ils arrivèrent à Elim où se trouvent douze sources et soixante-dix palmiers, et ils y campèrent au bord de l'eau !".
Cela évoque une des images bibliques qui revient le plus souvent : Dieu sous les apparences d’un berger.
Ps 23 : "Le Seigneur est mon Berger, rien ne me manque ; sur des prés d'herbe fraîche, il me parque ; vers les eaux du repos, il me mène, il y refait mon âme !"
On fait l'expérience de la providence d'un Dieu qui s'occupe, comme le bon pasteur, des brebis qu'Il connaît chacune par son nom propre.

Bonne continuation de lecture en ce temps de Carême !




[1]  "servitude" -" service" : même jeu de mots en hébreu : "avdout" - "avoda"

[2] "Mara" veut dire amère :
- Noémie, quand elle rentre du pays de Moab, dit aux gens de Bethléem : "Ne m'appelez plus Noémie (l'agréable) ; appelez-moi Mara, parce que Dieu m'a rendu la vie amère" (Rt 1,20).  
- Au roi Ezékias, malade ; Isaïe lui dit : tu n'en as plus pour longtemps et le roi lui répond : "mar li mar" - C'est "amer pour moi, amer !' (Is 38,17) ce qui, au fond, veut dire : " j'en ai marre !"  
- Ps 95,8 : "N'endurcissez pas vos cœurs comme à Meriba (= dispute), comme au jour de Massa (= tentation - Massa = Mara, amertume) dans le désert".

[3]  Cf.  sculpture de l'aspic qui se bouche une oreille contre le sol, et l'autre avec sa queue !

[4]  A remarquer : Dans les Septante... et la lettre aux Hébreux,
non pas : "Tu n’as voulu ni oblation, ni sacrifice. Tu m'as ouvert l'oreille",
mais : "Tu n’as voulu ni oblation, ni sacrifice. Tu m'as formé un corps" (Heb 10.5) (Sept : "Alors, je viens !").   Comment est-on passé de l'oreille au corps ?
Il parait que le premier organe sensible qui vient à éclosion dans l'embryon, c'est l'oreille (Cf. Dr Tomatis).
- Une chose est certaine : la Parole de Dieu qui entre par les oreilles doit descendre jusqu'au fond des entrailles
(Ps 40,9  : "Mon Dieu, j'ai voulu ta loi au profond de mes entrailles")
- Et elle entraîne comme un rebondissement de tout l’être dans l'action de grâce,.
- L’incarnation - "Le Verbe de Dieu s'est fait chair" -, dans cette perspective-là, montre que la Parole divine demande à être appropriée jusqu'à l'incarnation.

[5]  Ici le mot, c’est "rapha" ; "rophé", c’est le médecin -. On en parle dans le livre de Tobie : Tobie guérit son père aveugle, Tobit, par l'intermédiaire de l'archange Raphaël. - Rapha El : Dieu guérit !
Le livre de Tobie est le seul à parler de l’archange Raphaël.

Aucun commentaire: