21ème
Dimanche du T.O. 17/A
Il y a certainement dans notre mentalité
moderne comme un oubli et même un rejet de ce qu’est l’Eglise ! Croyez-vous vraiment
que le Christ a donné pleins pouvoirs à Pierre, à ses disciples ? “Tout ce que tu auras lié sur terre sera lié
dans les cieux”.
“Le
Pape est le seul homme dont tous les Princes baisent les pieds… Il peut déposer
des empereurs… Il peut délier du serment de fidélité les sujets d’un prince
tombé dans l’impiété”.
Telles étaient les prérogatives revendiquées par le pape Grégoire VII au 11ème
siècle. Qu'on se rappelle Canossa où l'empereur Henri IV, en tenue de pénitent,
vint implorer le pardon du simple religieux Hildebrand devenu Grégoire VII. -
Il est vrai, à l’opposé, quelques siècles
plus tôt, l'empereur Constantin se considérait comme “l'évêque établi par Dieu pour administrer les affaires extérieures”.
Et il était perçu comme 1'“égal aux
apôtres”, véritable vicaire de Dieu sur la terre.
De la théocratie byzantine où l'empereur
est régulateur de la “symphonie des pouvoirs” jusqu'à la sécularisation moderne
où “le sacré est privé et le privé sacré”, en passant par la chrétienté
médiévale où “les régimes politiques
doivent obéissance aux lois ecclésiales”, c'est pourtant, encore et
toujours, la même Église du Christ qui, selon une belle expression, “va clopin-clopant de ce monde à l'autre
monde”.
…"De
ce monde à l’autre…!". Tel est bien le
mystère paradoxal de l’Eglise, mystère qui la rattache au Christ lui-même,
Dieu et homme. Le texte de l’évangile est tout centré sur la question de
Jésus : “Pour vous, qui suis-je?”
Simon-Pierre répond : “Tu es le Messie,
le Fils du Dieu vivant !” Le Seigneur répond : “Heureux es-tu, Simon : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont
révélé cela, mais mon Père”.
Sommes-nous heureux de confesser le Christ,
de découvrir le mystère du Christ, Dieu et homme ?
Sommes-nous heureux de découvrir la figure humaine
et divine qui est celle de l’Eglise, Corps du Christ ?
C'est finalement la même question et à
propos du Christ et à propos de
l'Eglise.
Jésus n'a pas fondé une Église purement
spirituelle, ni offert une institution toute humaine. Corps vivant et charnel,
elle est soumise aux lois, aux risques de l'incarnation, tentée ou de se
confondre avec le monde, ou de s'évader dans un spirituel désincarné.
Vers les années 150 après J.-C, un auteur
chrétien, dans son livre, “Le Pasteur d’Hermas", imagine une vieille femme
portant un petit livre dans ses bras. “Qui
est-elle ?" - "C’est
l’Eglise", lui fut-il répondu - "Et
pourquoi est-elle si âgée ? - Parce qu’elle fut créée avant toutes choses.
Voilà pourquoi elle est âgée : c’est pour elle que le monde a été formé”. -
Oui, si elle peut être datée dans
l’histoire des hommes, l'Eglise est plus encore conçue de la Parole éternelle
de Dieu et attirée vers cette Parole comme à une source toujours vive. Ce que
cet ancien auteur dit du mystère de l’Eglise, St Paul l’avait déjà souligné
quand il parle de l’Eglise comme “projet
éternel que Dieu a exécuté en Jésus-Christ” (Ephes 3/10-11).
Dès lors, le chrétien se sentira toujours
mal à l’aise dans l’Eglise, s’il ne cherche pas à se mettre à la mesure de ce
grand mystère. La vraie mesure de l’Eglise est celle du Dieu fait homme
; son mystère n’est que le prolongement du mystère de l’Incarnation.
Communauté d'hommes, de femmes rassemblés
par le Christ ressuscité, elle est en croissance jusqu'à la fin des temps. Même
si son visage est toujours marqué, conditionné par la société dans laquelle
elle vit au cours de son pèlerinage, chaque jour Jésus l’interpelle : “Pour vous, qui suis-je ?”. C'est chaque
jour qu'elle se bâtit sur la pierre portant le nom de Pierre.
Certes, son corps est plein de cicatrices
et de prothèses. Certes, ses oreilles sont pleines du chant du coq qu’entendit
le pauvre Pierre. Certes, son carnet est plein de rendez-vous manqués. Ses
pieds sont souvent dans la boue du péché des hommes. Mais toujours, sa tête est
dans le plein soleil de l’amour et de la justice de Dieu.
Pauvre et sainte Eglise, clouée au pilori de
l’opinion publique, souvent agressée par des lettres ouvertes ! On n’a jamais
autant disserté sur elle, alors que bien des générations ont simplement vécu en
elle, sans raffinement d’analyses, sans supputation de sondages. Plus que
jamais l’Eglise sait qu’elle ne peut s’affranchir du temps, de son poids et de
son épaisseur. Et pourtant, elle est du Christ, Dieu et homme !
Mais c’est ainsi qu’elle est toujours en
devenir, en construction. C'est ainsi qu'elle s'adapte aux temps, aux
circonstances pour assurer sa mission. Constituée de pécheurs, elle pèche et se
repent. Tentée par la gloire, la puissance et le pouvoir, elle est secouée par
le souffle de l'Esprit. Fidèle, elle délivre, guérit, nourrit les foules.
Infidèle, toujours elle se relève. Elle est, comme le précise Vatican II (LG. 8), “à la fois sainte et appelée à se purifier,
poursuivant constamment son effort de pénitence et de renouvellement”, afin
d’élever ce Temple saint, ce Temple vivant en lequel tous les enfants de la
famille de Dieu sont, selon St Paul, “intégrés
dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes et
Jésus-Christ lui-même comme pierre maîtresse” (Eph 2.20). En ce sens, tout
chrétien n'a-t-il pas vocation d'être un “accoucheur
d'Église”?
Pour cela, il faut aimer l’Eglise, du
même amour que l’on aime le Christ.
Nous ne sommes du Christ qu’en Eglise.
Nous ne suivons le Christ qu’en Eglise.
Il n’est pas facultatif pour nous d’être en
Eglise : ainsi nous vérifions notre appartenance à l’Evangile ; ainsi nous
partageons notre foi et notre espérance. Non pas comme dans un pique-nique où
chacun déverse son panier sur la nappe ouverte à tous : c’est Dieu lui-même qui
se donne, en nous donnant sa Parole, son Pain de vie.
Oui aimons l’Eglise ! Aimons l’Eglise du pape
François qui, inlassablement, rappelle que tout homme sans exception est invité
à entrer en Eglise, d'une manière ou d'une autre, à faire partie du "Corps
du Christ" !
Aimons l’Eglise des évêques qui, à la suite
de St Paul, vont au cœur des Corinthe et des Ephèse de notre temps, fondent des
communautés de foi, tissent patiemment des liens de paix, usent leurs forces
pour annoncer le Ressuscité tout en attendant avec joie son retour
Aimons l’Eglise de tout le Peuple de Dieu,
immense Peuple marqué du sceau de l’amour de Dieu.
Aimons l’Eglise de Marie. Si le regard de
certains s’est obscurci et refroidi, est devenu soupçonneux et dur, c’est parce
qu’ils n’ont pas donné à la Mère du Sauveur la place que son Fils lui a
réservée du haut de la croix, lorsqu’il nous l’a donnée comme Mère, "Mère
de l’Eglise".
Et la parabole du “Pasteur d’Hermas” de
conclure : “Explique-moi : alors que les
montagnes offrent une telle variété de teintes, pourquoi les pierres qu'on en
extrait, à peine posées sur l'édifice, ont-elles pris la même couleur et
sont-elles devenues d'une blancheur resplendissante? - Et il me fut répondu :
En voici la raison : toutes les nations qui habitent sous le ciel, après avoir
entendu la prédication et avoir cru, ont été appelées du nom du Fils de Dieu.
Tous ces hommes ont pris les mêmes sentiments et le même esprit et se sont unis
en une même foi et une même charité... De là cette couleur uniforme, cette
blancheur éclatante comme le soleil".
Et St Paul de nous répéter aujourd’hui : “Quelle profondeur dans la richesse, la
sagesse et la science de Dieu ! A lui la gloire pour l’éternité !”
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