dimanche 20 août 2017

La foi dans l'épreuve

20ème  Dimanche du T.O. 17/A 

L'algarade avait été vive. Les suites pouvaient être très graves. Aussi Jésus, avec ses amis, quitte les bords du lac de Tibériade et passe vers le pays de Tyr et de Sidon, l'actuel Liban ; La frontière était proche.

En effet, il avait durement affronté les Pharisiens. Ceux-ci avaient reproché à ses disciples de ne pas observer la “tradition” : ils allaient à table sans se laver les mains...etc. Jésus avait répliqué, les accusant d'utiliser des astuces juridiques pour échapper au devoir d'aider père et mère. Bien plus, il les avait interpellés : “Vous annulez la Parole de Dieu au nom de votre tradition. Hypocrites... aveugles qui guidez des aveugles !” Accusations quand même très vives et incisives !

Toujours, Jésus appelle les hommes à l'intérieur d'eux-mêmes, vers l'essentiel. Or l'essentiel, ce n'est pas le “qu'en-dira-t-on”, ni les belles manières, ni les coutumes raisonnables : l'essentiel, c'est le cœur de l'homme.

Jésus n'accepte pas que l'on confonde les hommes avec leur comportement. Les usages ou traditions ne sont pas des “absolus”. Seule est sacrée la Parole de Dieu, et c'est dans le cœur que l'homme l'accueille. Il faut franchir la frontière des exigences sociales ou des idées reçues : la vie avec Dieu est plus profonde ; elle est au cœur des hommes.

Ainsi donc, Jésus entraîne ses disciples à passer cette première frontière. Il ne veut pas qu’on “utilise” Dieu - c'est fréquent, inconsciemment sans doute - au service des idées reçues, philosophiques, sociales, politiques et même religieuses. On ne dispose pas de Dieu. On l'accueille.
En hélant les hommes au-delà des frontières que sécrétait la société de son temps, Jésus devenait un danger public (c'est toujours d'actualité!).
Et pour ne pas être arrêté, il ne lui restait plus qu'à franchir une autre frontière, celle du territoire, vers l'étranger.

Mais là, Jésus va rencontrer une troisième frontière. Et lui-même semble hésiter, avant de franchir cette frontière qui se dresse devant lui pour la première fois.
Il se retire donc "vers la région de Tyr et de Sidon". La précision géographique n'est pas sans importance : ces cités ont une solide réputation d'impiété, de résistance orgueilleuse à Dieu ; et les Prophètes s'étaient répandus en anathèmes à leur égard (Is. 23; Ez. 26-28; Am. 1-9 etc).
Aussi, en Israël, Peuple qui a répondu à Dieu, on n'aime pas les Cananéens qui refusent Dieu. On va même jusqu'à les traiter de "chiens". D'ailleurs Jésus ne pénètre pas dans ces villes maudites. Il reste dans les environs. - Or c'est de là que va sortir cette Cananéenne qui se met à crier : "Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David".

Cette femme lance un appel pressent : c'est une mère qui demande secours à propos de sa fille malade : "aie pitié de moi, Seigneur''… ; et Jésus ne lui répond pas un mot. - Mieux disposés, semble-t-il, les disciples insistent auprès du Maître : "Fais lui grâce ...". C'est un refus catégorique. Prosternée, la femme revient à la charge : "Seigneur, viens à mon secours...". La réaction est plutôt cinglante : "Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens".

Mais la suite va nous prouver qu'il ne faut pas se fier aux apparences de Jésus. Il est d'abord venu pour chercher, sauver les brebis perdues de la Maison d'Israël ! Il veut affirmer cela avant tout et il l’affirmera souvent.
Ce qui veut dire qu'Israël avait été choisi pour accomplir une mission de foi : faire alliance avec Dieu, de sorte que cette alliance soit un exemple pour toutes les nations. Oui, Israël était choisi pour être le “missionnaire” du Dieu Unique auprès de tous les peuples. Et Notre Seigneur rappelle cette élection de choix du Peuple Juif.

Mais en même temps submergé par un amour sans frontière, Notre Seigneur ne peut s'empêcher de faire des exceptions à ce principe, comme pour mieux annoncer la prédication évangélique à toutes les nations qui sera la mission principale des Apôtres – (Paul surtout)

Ainsi, entre cette Cananéenne et Jésus, il se passe d'étranges évènements. De l'extérieur, c'est le rejet, presque le mépris. Mais au dedans, c'est le souffle puissant de l'Esprit qui gonfle la foi et la fait déborder en prière.
On pourrait dire, de façon imagée, que la dureté de Jésus est comme un barrage, qui provoque la montée des eaux jusqu'à constituer un lac capable de produire des prodiges de confiance, de persévérance, de foi.

Aussi la femme réplique à Jésus : C'est vrai : elle n'est pas digne de manger le pain de Dieu promis au peuple élu, mais "les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres !"
Et Jésus ne peut retenir son admiration : "Femme ta foi est grande". C'est bien là qu'il voulait la conduire en dressant des obstacles sur sa route. Il souligne sa grande foi et accorde la faveur demandée : "que tout se passe pour toi comme tu le veux".
Et, de plus, il y a là comme une accusation féroce de la part de Jésus vis-à-vis des pharisiens qui ont assisté au signe de la multiplication des pains que Jésus vient d'accomplir, mais qui ont refusé d'en comprendre le sens. Au contraire, pour la Cananéenne, il suffit de "quelques miettes" !
Contraste qui peut nous faire réfléchir nous-mêmes à qui Jésus se donne sous le signe du "Pain de vie" !

Aussi, cet épisode évangélique devrait produire en nous une double réflexion.
D'une part, savons-nous reconnaître et contempler les trésors de grâce que l'Esprit-Saint suscite dans la vie de nos frères différents de nous ? Nous n'avons pas le monopole de la foi et de l'amour. Au lieu d'élever des barrières entre les hommes, en les enfermant dans des catégories superficielles, pourquoi ne pas avoir le regard assez profond, le cœur assez large pour louer Dieu à cause de tout ce qu'il fait fleurir en ce monde, y compris dans le jardin de ceux qui paraissent très loin de lui ? J'en suis parfois témoin !
Nul ne peut se dire chrétien s'il méconnaît la consigne du Christ Ressuscité : "Allez, de toutes les nations, faites des disciples". On n’est pas chrétien en voulant maintenir non des différences légitimes, mais des barrières entre les hommes. La miséricorde de Dieu est offerte à tous, hommes et femmes de toutes races, langues, cultures, aux pauvres mais aussi aux riches appelés à la pauvreté évangélique. L'Esprit du Seigneur souffle où il veut et il accomplit partout des merveilles !

D'autre part comment interprétons-nous les épreuves que subit notre vie ou qu'endure notre foi ? Bien sûr, il nous arrive de traverser des zones de souffrance, de ténèbres. Et parfois nous sommes bouleversés par le cours des évènements, déconcertés par l'attitude de Dieu à notre égard.
Souvent on entend dire : "Je ne comprends pas ce qui m'arrive ; Dieu m'aurait-il abandonné ?"
En réalité, l'épreuve est souvent un moyen, une occasion de faire grandir notre foi. Une foi éprouvée intensifie la communion avec Dieu. Oh ! Certes, c’est plus facile à dire qu’à réaliser. Car nous ne comprenons pas. C'est vrai. Mais ne portons pas de mauvais jugements sur Dieu lorsque nous sommes dans l'épreuve. Dieu ne veut pas le mal, ni les épreuves (Fais que nous ne soyons pas soumis aux tentations des épreuves, disons-nous dans le “Notre Père”). Mais si ces épreuves arrivent, il attend de nous une plus grande confiance. Pourquoi imaginer aussitôt que son visage s'est détourné de nous?

La Cananéenne, cette païenne de l'Evangile, cette femme n'a pas de nom propre dans le récit.
Mais désormais près du Seigneur en qui elle a totalement crû, qu'elle nous aide, nous aussi, à cheminer dans la foi, surtout dans les épreuves diverses que nous pouvons rencontrer.

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