samedi 24 septembre 2016

L'Argent

J'ai bien conscience d'avoir semblé délaisser mes lecteurs. Rien de tel pourtant ! Quelques ennuis de santé et diverses circonstances en furent la cause.
Aussi je vous transmets aujourd'hui trois réflexions, même si je dois m'abstenir encore durant une quinzaine de jours. Mais durant ces jours, soyez assurés de ma pensée et de ma prière.
P.S. Tout en restant aumônier du prieuré "La Paix Notre-Dame", ma nouvelle adresse postale est : "Les Salons de Saint François" - 72500 LAVERNAT       Le 24 Sept 2016


25e Dimanche 16/C

Les textes liturgiques d'aujourd'hui nous proposent un sujet épineux et dangereux. Dangereux pour vous comme pour moi. Pour vous, parce que vous pourriez vous sentir menacés d'intrusion dans un domaine facilement qualifié de "très privé". - Dangereux pour moi car, d'une part, je pourrai être accusé de déranger une situation qui semble acquise et intouchable ; et d'autre part, le sujet me concerne autant que vous. - Voilà bien une périphrase pour parler d'une chose très commune : l'Argent ! L'Avoir !
Tout le monde est chatouilleux lorsqu'il s'agit de son argent, de son avoir. On parle volontiers de celui des autres, avec reproche ou avec envie. Pourtant, sur ce point, je crains que personne n'ait véritablement le droit de donner des leçons. Tous, nous avons plus ou moins les mains sales bien qu'on dise que l'argent n'ait pas d'odeur.

Aussi, je ne vous proposerai que quelques réflexions.
1. - D'abord une idée forte et sous-jacente à tous les textes bibliques : l'homme n'est pas réellement, totalement propriétaire de ce qu'il prétend posséder : son argent, ses richesses matérielles, son métier, et puis, surtout peut-être, ce qu'il possède intellectuellement, spirituellement, tout ce qui peut être considéré comme son grand "avoir" ! Nous ne sommes pas propriétaires de tout cela ! - Ici-bas, nous ne sommes qu'en gérance. “Tout est à vous, disait St Paul, mais vous, vous êtes à Dieu” . L'attachement trop possessif à un bien quel qu'il soit et même à une personne (car l'amour doit être oblatif et non captatif) n'est certainement pas chrétien. Nous ne sommes qu'en gérance ! En avons-nous bien conscience ? Et il nous faudra rendre compte de cette gérance : "Nu, je suis sorti du sein de ma mère, disait Job, nu je retournerai à la terre". Nous n'avons rien à nous. Le seul propriétaire, c'est Dieu ; il nous faudra lui rendre les comptes de notre gestion, comme l’intendant de la parabole.

2. - Aussi, on le voit bien - et c'est ma seconde remarque - : dans l'évangile, tout le récit est dominé par le fait que l'avenir commande, doit commander le présent de notre gestion. Pour l'intendant renvoyé, le lendemain, c'est tout de suite. Alors, il envisage habilement des points de chute chez des débiteurs.
Et pour nous, quel est notre avenir, nos lendemains ? Dix ans, trente ans ?… Au-delà…?  Prolongez encore. Pourtant, l'heure sonnera tôt ou tard de plier bagage, de remettre sa copie… sa copie d'intendant. Voyageurs sur la terre, nous allons vers les demeures éternelles que Jésus évoque. Il faut donc que cet avenir marque le présent, notre présent de gestionnaires.

3. - Alors - troisième remarque qui est une question - comment notre gestion actuelle doit-elle préparer notre avenir éternel ? Comment notre argent, nos biens divers - matériels, intellectuels, spirituels - peuvent-ils construire une demeure qui n'est pas de ce monde ?
Impossible diront certains. Notre Seigneur lui-même ne qualifie-t-il pas l'argent - et tout avoir - de malhonnête ? Sûr qu'il est malhonnête, l'argent, pour les exploiteurs de la première lecture : quand il est acquis par escroquerie, quand il sert à acheter le malheureux, à l'asservir, quand il est la source de l'injustice sous toutes ses formes dans la jungle où nous vivons - malversations, exploitations, spéculations… -  Sûr qu'il est malhonnête, l'argent, par la destination que nous pouvons lui donner. L'argent devient idole - et tout avoir - quand il est recherché pour lui-même, comme instrument de pouvoir au mépris de l'homme (“Vous serez comme des dieux”, dit l'éternel tentateur - Gen 3.5).

Cependant, avec de l'argent - avec tout avoir - qui est facilement malhonnête, vous pouvez, dit Jésus, en faire un instrument de communion, un instrument d'unité et d'amitié
Et c’est tout le sens de la parabole dite de l’intendant “malhonnête”, qu’il faudrait mieux appelé “avisé”, “habile”. Car cet intendant n’est pas malhonnête en ce sens qu’il réduit les dettes dues à son maître. Non point. Selon le système économique de l'époque, celui-ci lui a donné sa terre à gérer pour un revenu fixe, annuel. Le surplus du revenu – c’est convenu - est pour l’intendant ; c’est son salaire de super-fermier, si je puis dire, de fermier général. S’il est dit qu’il a dilapidé les biens de son maître, c’est qu’il a sans doute épuiser le patrimoine de son maître, en faisant, par exemple, des coupes de bois qu’il n’a pas remplacé, en laissant dépérir le cheptel, en ne respectant pas les assolements nécessaires, en n'entretenant pas l’immobilier etc. : si bien qu’après s’être enrichi par des marges énormes de bénéfices, le patrimoine n’aura plus, très vite, la même valeur.

Aussi, le maître qui perçoit bien sa rente annuelle - il n'y a pas de vol sur ce point - mais qui voit son patrimoine diminuer, lui signifie l’expiration de sa gérance.
Alors, habillement, intelligemment, celui-ci va se contraindre à réduire ses propres marges de bénéfices de sa dernière année de gérance en remettant certaines dettes ; il va ainsi s’assurer de la reconnaissance… de sorte que ses obligés le recevront facilement et l’aideront à envisager l’avenir plus tranquillement

Et Notre Seigneur de conclure : “Les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. Aussi moi je vous dis : faites-vous des amis avec l’argent facilement malhonnête, afin que, lorsqu’il viendra à manquer – et cela arrivera fatalement un jour  -, ces amis vous reçoivent dans les demeures éternelles”. Et qui sont donc les habitants des demeures éternelles. Ce sont les pauvres dont St Luc parle facilement et principalement par la parabole du “pauvre Lazare” qui suit notre texte. Autrement dit, en s’assurant la reconnaissance des pauvres - et il y a multitude de pauvretés, bien sûr -, on risque alors d’entrer dans les demeures éternelles, en raison justement de leur reconnaissance, alors même que l’emploi de nos richesses diverses - matérielles, intellectuelles ou même spirituelles - n’est pas toujours très correct.

Il faut donc en être persuadé : il y a obligatoirement une relation entre l’argent, les richesses quelles qu'elles soient et le ciel. Les demeures éternelles étant le lieu de communion par excellence, pas question d'y avoir accès si notre aventure terrestre n'est pas une entreprise d’entre aide grâce aux richesses matérielles, intellectuelles, spirituelles dont nous disposons. Nous nous préparons aux demeures éternelles dans l'union, l'amitié que nous pouvons établir grâce à nos richesses diverses même parfois mal employées. Le trésor que nous pouvons accumuler dans les cieux, Jésus le décrit sous les traits de nos frères humains plus pauvres que nous et dont nous nous serons faits des amis. Ayant créé avec eux des liens de solidarité, de communion, tous nous accueilleront dans les demeures éternelles. Et Notre Seigneur de conclure en quelque sorte : pensez-y !

Oui, sachons utiliser toutes nos richesses, nos talents. Je ne pense pas seulement à l'argent, mais à toutes les autres richesses : richesses de la culture, richesses du cœur, les plus importantes, richesses spirituelles. Voyons en face de nous tant et tant d’hommes qui souffrent de l'une de ces pauvretés dont la réalité est aussi pénible que le manque d'argent : ceux qui sont malades et à qui l'on fait sentir que leur maladie est une charge, ceux qui sont seuls, absolument seuls… Et bien d'autres !

Et Notre Seigneur de nous dire : faites-vous des amis avec toutes vos richesses afin que ces amis vous reçoivent dans les demeures éternelles ! 

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