J'ai
bien conscience d'avoir semblé délaisser mes lecteurs. Rien de tel pourtant !
Quelques ennuis de santé et diverses circonstances en furent la cause.
Aussi
je vous transmets aujourd'hui trois réflexions, même si je dois m'abstenir
encore durant une quinzaine de jours. Mais durant ces jours, soyez assurés de
ma pensée et de ma prière.
P.S. Tout en restant aumônier du prieuré
"La Paix Notre-Dame", ma nouvelle adresse postale est : "Les
Salons de Saint François" - 72500 LAVERNAT Le 24 Sept 2016
25e
Dimanche 16/C
Les textes liturgiques d'aujourd'hui nous
proposent un sujet épineux et dangereux. Dangereux pour vous comme pour
moi. Pour vous, parce que vous pourriez vous sentir menacés d'intrusion dans un
domaine facilement qualifié de "très privé". - Dangereux pour moi
car, d'une part, je pourrai être accusé de déranger une situation qui semble
acquise et intouchable ; et d'autre part, le sujet me concerne autant que vous.
- Voilà bien une périphrase pour parler d'une chose très commune : l'Argent !
L'Avoir !
Tout le monde est chatouilleux lorsqu'il
s'agit de son argent, de son avoir. On parle volontiers de celui des autres,
avec reproche ou avec envie. Pourtant, sur ce point, je crains que personne
n'ait véritablement le droit de donner des leçons. Tous, nous avons plus ou
moins les mains sales bien qu'on dise que l'argent n'ait pas d'odeur.
Aussi, je ne vous proposerai que quelques
réflexions.
1. - D'abord une idée forte et sous-jacente
à tous les textes bibliques : l'homme n'est pas réellement, totalement
propriétaire de ce qu'il prétend posséder : son argent, ses richesses
matérielles, son métier, et puis, surtout peut-être, ce qu'il possède
intellectuellement, spirituellement, tout ce qui peut être considéré comme son
grand "avoir" ! Nous ne sommes pas propriétaires de tout cela ! -
Ici-bas, nous ne sommes qu'en gérance. “Tout
est à vous, disait St Paul, mais
vous, vous êtes à Dieu” . L'attachement trop possessif à un
bien quel qu'il soit et même à une personne (car l'amour doit être oblatif et
non captatif) n'est certainement pas chrétien. Nous ne sommes qu'en gérance !
En avons-nous bien conscience ? Et il nous faudra rendre compte de cette
gérance : "Nu, je suis sorti du sein
de ma mère, disait Job, nu je
retournerai à la terre". Nous n'avons rien à nous. Le seul propriétaire,
c'est Dieu ; il nous faudra lui rendre les comptes de notre gestion, comme
l’intendant de la parabole.
2. - Aussi, on le voit bien - et c'est ma
seconde remarque - : dans l'évangile, tout le récit est dominé par le fait que l'avenir
commande, doit commander le présent de notre gestion. Pour l'intendant
renvoyé, le lendemain, c'est tout de suite. Alors, il envisage habilement des
points de chute chez des débiteurs.
Et pour nous, quel est notre avenir, nos
lendemains ? Dix ans, trente ans ?… Au-delà…?
Prolongez encore. Pourtant, l'heure sonnera tôt ou tard de plier bagage,
de remettre sa copie… sa copie d'intendant. Voyageurs sur la terre, nous allons
vers les demeures éternelles que Jésus évoque. Il faut donc que cet avenir
marque le présent, notre présent de gestionnaires.
3. - Alors - troisième remarque qui est une
question - comment notre gestion actuelle doit-elle préparer notre avenir
éternel ? Comment notre argent, nos biens divers - matériels,
intellectuels, spirituels - peuvent-ils construire une demeure qui n'est pas de
ce monde ?
Impossible diront certains. Notre Seigneur
lui-même ne qualifie-t-il pas l'argent - et tout avoir - de malhonnête ? Sûr
qu'il est malhonnête, l'argent, pour les exploiteurs de la première lecture :
quand il est acquis par escroquerie, quand il sert à acheter le malheureux, à
l'asservir, quand il est la source de l'injustice sous toutes ses formes dans
la jungle où nous vivons - malversations, exploitations, spéculations… - Sûr qu'il est malhonnête, l'argent, par la
destination que nous pouvons lui donner. L'argent devient idole - et tout avoir
- quand il est recherché pour lui-même, comme instrument de pouvoir au mépris
de l'homme (“Vous serez comme des dieux”, dit l'éternel tentateur - Gen 3.5).
Cependant, avec de l'argent - avec tout
avoir - qui est facilement malhonnête, vous pouvez, dit Jésus, en faire un
instrument de communion, un instrument d'unité et d'amitié.
Et c’est tout le sens de la parabole dite
de l’intendant “malhonnête”, qu’il faudrait mieux appelé “avisé”, “habile”. Car
cet intendant n’est pas malhonnête en ce sens qu’il réduit les dettes dues à
son maître. Non point. Selon le système économique de l'époque, celui-ci lui a
donné sa terre à gérer pour un revenu fixe, annuel. Le surplus du revenu –
c’est convenu - est pour l’intendant ; c’est son salaire de super-fermier,
si je puis dire, de fermier général. S’il est dit qu’il a dilapidé les biens de
son maître, c’est qu’il a sans doute épuiser le patrimoine de son maître, en
faisant, par exemple, des coupes de bois qu’il n’a pas remplacé, en laissant
dépérir le cheptel, en ne respectant pas les assolements nécessaires, en
n'entretenant pas l’immobilier etc. : si bien qu’après s’être enrichi par
des marges énormes de bénéfices, le patrimoine n’aura plus, très vite, la même
valeur.
Aussi, le maître qui perçoit bien sa rente
annuelle - il n'y a pas de vol sur ce point - mais qui voit son patrimoine
diminuer, lui signifie l’expiration de sa gérance.
Alors, habillement, intelligemment, celui-ci
va se contraindre à réduire ses propres marges de bénéfices de sa dernière
année de gérance en remettant certaines dettes ; il va ainsi s’assurer
de la reconnaissance… de sorte que ses obligés le recevront facilement et
l’aideront à envisager l’avenir plus tranquillement
Et Notre Seigneur de conclure : “Les fils de ce monde sont plus habiles
entre eux que les fils de la lumière. Aussi moi je vous dis : faites-vous
des amis avec l’argent facilement malhonnête, afin que, lorsqu’il viendra à
manquer – et cela arrivera fatalement un jour -, ces
amis vous reçoivent dans les demeures éternelles”. Et qui sont donc les
habitants des demeures éternelles. Ce sont les pauvres dont St Luc parle
facilement et principalement par la parabole du “pauvre Lazare” qui suit notre
texte. Autrement dit, en s’assurant la reconnaissance des pauvres - et il y a
multitude de pauvretés, bien sûr -, on risque alors d’entrer dans les demeures
éternelles, en raison justement de leur reconnaissance, alors même que l’emploi
de nos richesses diverses - matérielles, intellectuelles ou même spirituelles -
n’est pas toujours très correct.
Il faut donc en être persuadé : il y a
obligatoirement une relation entre l’argent, les richesses quelles qu'elles
soient et le ciel. Les demeures éternelles étant le lieu de communion par
excellence, pas question d'y avoir accès si notre aventure terrestre n'est pas
une entreprise d’entre aide grâce aux richesses matérielles, intellectuelles,
spirituelles dont nous disposons. Nous nous préparons aux demeures éternelles
dans l'union, l'amitié que nous pouvons établir grâce à nos richesses diverses
même parfois mal employées. Le trésor que nous pouvons accumuler dans les
cieux, Jésus le décrit sous les traits de nos frères humains plus pauvres que
nous et dont nous nous serons faits des amis. Ayant créé avec eux des liens de
solidarité, de communion, tous nous accueilleront dans les demeures éternelles.
Et Notre Seigneur de conclure en quelque sorte : pensez-y !
Oui, sachons utiliser toutes nos richesses,
nos talents. Je ne pense pas seulement à l'argent, mais à toutes les autres
richesses : richesses de la culture, richesses du cœur, les plus importantes,
richesses spirituelles. Voyons en face de nous tant et tant d’hommes qui
souffrent de l'une de ces pauvretés dont la réalité est aussi pénible que le
manque d'argent : ceux qui sont malades et à qui l'on fait sentir que leur
maladie est une charge, ceux qui sont seuls, absolument seuls… Et bien d'autres
!
Et Notre Seigneur de nous
dire : faites-vous des amis avec toutes vos richesses afin que ces amis
vous reçoivent dans les demeures éternelles !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire