Carême 2
Mardi -
"Dieu n'est pas toujours ce que l'on
croit", affirmait St Jean Chrysostome ! Car trop souvent, on
imagine Dieu d'une façon trop humaine - ce que j'appelle l'"inversion
sacrilège" par excellence. Le sarcastique Voltaire avait bien perçu ce
travers chez nombre de chrétiens : "Dieu
a fait l'homme à son image, et
l'homme le lui a bien rendu !".
- Dieu
n'est pas un professeur, un Maître à la façon des scribes et pharisiens, si
savants fussent-ils en leurs synagogues ! Ils croyaient trouver Dieu à la
pointe de leurs raisonnements intellectuels !
Mais
on n'enferme pas Dieu dans nos idées si élevées soient-elles à son sujet. "Vos pensées ne sont pas mes pensées",
disait Dieu par l'intermédiaire du prophète Isaïe (55.8).
Certes, les études - de la Parole de Dieu surtout - peuvent nous acheminer vers
le Seigneur. Mais vouloir enfermer Dieu dans nos spéculations, nos axiomes
philosophiques est une "inversion sacrilège" remplie d'orgueil.
Dieu
est Vérité qui illumine non pas tant l'intelligence d'un savant que le cœur
d'un "pauvre" très limité intellectuellement, mais prêt à
l'accueillir cependant ! Le grand savant St Thomas d'Aquin avait eu cette
conviction, quelque temps avant de mourir. Il demandait de brûler ce qu'il
avait enseigné : "C'est de la
paille", disait-il, en percevant la transcendance de Dieu !
St
Jean de la croix écrivait :
"Je pénétrai où je ne savais
et je demeurai ne sachant,
toute science dépassant !"
Et
sa grande confidente - Ste Thérèse d'Avila - affirmait : "Vous posséderez Dieu à proportion de votre humilité !".
L'humilité d'un pauvre que nous devons avoir devant Dieu !
- Dieu
n'est pas un maître de morale à la façon des scribes et pharisiens qui édictaient lois et conduites de
vie. Non seulement, ils ne les observaient pas toujours, mais s'ils les observaient,
c'était "pour être vus des
hommes". Ils croyaient que les observances conduisaient
obligatoirement vers Dieu !
C'est
un danger permanent. L'évêque de Paris disait à propos de Mère Angélique
Arnauld, abbesse de Port-Royal, et de ses religieuses : "Elles sont pures comme des anges et orgueilleuses comme des
démons !".
D'ailleurs,
il faut bien le remarquer : Dieu ne choisit pas toujours les
"vertueux" en vue d'une mission particulière. Bien au contraire,
il "choisit" souvent des "pauvres pécheurs" - qui se
reconnaissent tels - pour que lui - et Lui seul - les conduise à la sainteté !
Tel un Jacob dont le nom signifiait "le Tordu" (il en a fait des
coups tordus celui-là !), tel un David qui souvent se prenait pour Dieu
lui-même, tels les apôtres que le Christ a choisis ! Et bien d'autres tout au
long de l'histoire de l'Eglise !
Les
prescriptions d'une "bonne morale" peuvent être, certes, une bonne
manière de s'approcher de Dieu. Mais, là encore, on ne trouve pas Dieu à la
pointe de nos efforts de bonne conduite, efforts parfois trop orgueilleux.
Dieu
seul est "Perfection" qui veut illuminer notre cœur humblement
ouvert, afin de mieux accomplir la demande de Notre Seigneur : "Soyez parfaits comme votre Père céleste
est parfait !". Dieu seul peut nous façonner "à son image et ressemblance". Que ce soit notre humble prière
!
- Dieu
n'est pas un "maître-es-arts", l'Esthète divin par excellence qui
préfèrerait la beauté d'un chant à l'intelligence que l'on peut en avoir pour
s'adresser à lui !
S'il
est important de vouloir louer Dieu avec de la beauté, Dieu ne se laisse pas
étreindre, atteindre par nos voix si musicales soient-elles, par nos chants si
beaux soient-ils. Dieu est le "Beau" qui veut surtout embellir nos
vies !
Oui,
Dieu est le Transcendant par excellence ; et nos seules forces - quelles
qu'elles soient - ne peuvent y suffire pour l'atteindre véritablement. Sinon
même la religion conçue de façon trop humaine peut devenir une idole : on adore
l'œuvre de sa pensée, de sa conduite, de son art (choral ou autre) et non Dieu
lui-même !
Mais
ce Dieu-Transcendent que l'on ne peut atteindre par nos propres forces est venu
parmi nous : il s'est fait "Emmanuel" (Dieu parmi nous !).
Et
ce Dieu devenu "immanent" nous a enseigné qu'une seule chose que St
Jean résumait magnifiquement : "Dieu
est Amour" ! Aussi son seul "commandement" est d'aimer :
aimer Dieu et aimer ses frères, d'un même amour. C'est en recevant son amour
en notre intelligence, en notre cœur, en notre sensibilité
qu'il se donne à nous afin de pouvoir l'imiter, Lui seul : "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait !".
Aussi,
nous est-il dit aujourd'hui : n'appelez personne maître ou père ! "Non pas, précise St Jean
Chrysostome, que l'on ne puisse appeler
personne ainsi, mais pour que l'on sache qui il faut légitimement appeler
"Père" ! En effet, de même que les maîtres ne sont pas maîtres par
eux-mêmes, de même les pères non plus. Car c'est Lui, Dieu, leur cause à tous,
aux maîtres et aux pères !" (hom. 72.3).
"Dieu est Amour !". Et c'est
en recevant par la foi cet amour divin pour mieux aimer et Dieu et ses
frères (1) que l'on arrivera à nous approcher de Dieu. Jésus disait : "Moi, la Lumière, je suis venu dans le monde afin que quiconque
croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres". Et avant d'accomplir
sa Pâques, il priait pour tous ceux qui croiront en lui "afin que tous soient un, disait-il, comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi !" (Jn 17.20-21). "Je leur ai fait connaître ton Nom et je le ferai connaître encore
afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et moi en eux !"
(Jn 17.26).
Le
pape François dans son encyclique "Lumière de la foi" précisait : "Celui qui croit, en acceptant le don
de la foi, est transformé en une créature nouvelle. Il reçoit un nouvel
être, un être filial ; il devient fils dans le Fils. "Abba,
Père" est la parole la plus caractéristique de l'expérience de Jésus, qui
devient centre de l'expérience chrétienne" (cf. Rm 8.15).
"Dans la foi, le "moi" du
croyant grandit pour être habité par un Autre, pour vivre dans un Autre ;
et ainsi sa vie s'élargit dans l'Amour. Là se situe l'action propre de
l'Esprit-Saint. Le chrétien peut avoir les yeux de Jésus, ses sentiments, sa
disposition filiale, parce qu'il s'est rendu participant à son Amour qui est l'Esprit".
(1) St Jean Chrysostome disait encore : "Le véritable temple, c'est ton frère
!".
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