mardi 3 mars 2015

Dieu seul, Maître, Père... !

Carême 2 Mardi  -             

"Dieu n'est pas toujours ce que l'on croit", affirmait St Jean Chrysostome ! Car trop souvent, on imagine Dieu d'une façon trop humaine - ce que j'appelle l'"inversion sacrilège" par excellence. Le sarcastique Voltaire avait bien perçu ce travers chez nombre de chrétiens : "Dieu a fait l'homme à son image, et l'homme le lui a bien rendu !".

- Dieu n'est pas un professeur, un Maître à la façon des scribes et pharisiens, si savants fussent-ils en leurs synagogues ! Ils croyaient trouver Dieu à la pointe de leurs raisonnements intellectuels !
Mais on n'enferme pas Dieu dans nos idées si élevées soient-elles à son sujet. "Vos pensées ne sont pas mes pensées", disait Dieu par l'intermédiaire du prophète Isaïe (55.8). Certes, les études - de la Parole de Dieu surtout - peuvent nous acheminer vers le Seigneur. Mais vouloir enfermer Dieu dans nos spéculations, nos axiomes philosophiques est une "inversion sacrilège" remplie d'orgueil.
Dieu est Vérité qui illumine non pas tant l'intelligence d'un savant que le cœur d'un "pauvre" très limité intellectuellement, mais prêt à l'accueillir cependant ! Le grand savant St Thomas d'Aquin avait eu cette conviction, quelque temps avant de mourir. Il demandait de brûler ce qu'il avait enseigné : "C'est de la paille", disait-il, en percevant la transcendance de Dieu !
St Jean de la croix écrivait :
"Je pénétrai où je ne savais
et je demeurai ne sachant,
toute science dépassant !"
Et sa grande confidente - Ste Thérèse d'Avila - affirmait : "Vous posséderez Dieu à proportion de votre humilité !". L'humilité d'un pauvre que nous devons avoir devant Dieu !

- Dieu n'est pas un maître de morale à la façon des scribes et pharisiens qui édictaient lois et conduites de vie. Non seulement, ils ne les observaient pas toujours, mais s'ils les observaient, c'était "pour être vus des hommes". Ils croyaient que les observances conduisaient obligatoirement vers Dieu !
C'est un danger permanent. L'évêque de Paris disait à propos de Mère Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal, et de ses religieuses : "Elles sont pures comme des anges et orgueilleuses comme des démons !".
D'ailleurs, il faut bien le remarquer : Dieu ne choisit pas toujours les "vertueux" en vue d'une mission particulière. Bien au contraire, il "choisit" souvent des "pauvres pécheurs" - qui se reconnaissent tels - pour que lui - et Lui seul - les conduise à la sainteté ! Tel un Jacob dont le nom signifiait "le Tordu" (il en a fait des coups tordus celui-là !), tel un David qui souvent se prenait pour Dieu lui-même, tels les apôtres que le Christ a choisis ! Et bien d'autres tout au long de l'histoire de l'Eglise !
Les prescriptions d'une "bonne morale" peuvent être, certes, une bonne manière de s'approcher de Dieu. Mais, là encore, on ne trouve pas Dieu à la pointe de nos efforts de bonne conduite, efforts parfois trop orgueilleux.
Dieu seul est "Perfection" qui veut illuminer notre cœur humblement ouvert, afin de mieux accomplir la demande de Notre Seigneur : "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait !". Dieu seul peut nous façonner "à son image et ressemblance". Que ce soit notre humble prière !

- Dieu n'est pas un "maître-es-arts", l'Esthète divin par excellence qui préfèrerait la beauté d'un chant à l'intelligence que l'on peut en avoir pour s'adresser à lui !
S'il est important de vouloir louer Dieu avec de la beauté, Dieu ne se laisse pas étreindre, atteindre par nos voix si musicales soient-elles, par nos chants si beaux soient-ils. Dieu est le "Beau" qui veut surtout embellir nos vies !


Oui, Dieu est le Transcendant par excellence ; et nos seules forces - quelles qu'elles soient - ne peuvent y suffire pour l'atteindre véritablement. Sinon même la religion conçue de façon trop humaine peut devenir une idole : on adore l'œuvre de sa pensée, de sa conduite, de son art (choral ou autre) et non Dieu lui-même !

Mais ce Dieu-Transcendent que l'on ne peut atteindre par nos propres forces est venu parmi nous : il s'est fait "Emmanuel" (Dieu parmi nous !).
Et ce Dieu devenu "immanent" nous a enseigné qu'une seule chose que St Jean résumait magnifiquement : "Dieu est Amour" ! Aussi son seul "commandement" est d'aimer : aimer Dieu et aimer ses frères, d'un même amour. C'est en recevant son amour en notre intelligence, en notre cœur, en notre sensibilité qu'il se donne à nous afin de pouvoir l'imiter, Lui seul : "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait !".

Aussi, nous est-il dit aujourd'hui : n'appelez personne maître ou père ! "Non pas, précise St Jean Chrysostome, que l'on ne puisse appeler personne ainsi, mais pour que l'on sache qui il faut légitimement appeler "Père" ! En effet, de même que les maîtres ne sont pas maîtres par eux-mêmes, de même les pères non plus. Car c'est Lui, Dieu, leur cause à tous, aux maîtres et aux pères !" (hom. 72.3).

"Dieu est Amour !". Et c'est en recevant par la foi cet amour divin pour mieux aimer et Dieu et ses frères (1) que l'on arrivera à nous approcher de Dieu.  Jésus disait : "Moi, la Lumière, je suis venu dans le monde afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres". Et avant d'accomplir sa Pâques, il priait pour tous ceux qui croiront en lui "afin que tous soient un, disait-il, comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi !" (Jn 17.20-21). "Je leur ai fait connaître ton Nom et je le ferai connaître encore afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et moi en eux !" (Jn 17.26).

Le pape François dans son encyclique "Lumière de la foi" précisait : "Celui qui croit, en acceptant le don de la foi, est transformé en une créature nouvelle. Il reçoit un nouvel être, un être filial ; il devient fils dans le Fils. "Abba, Père" est la parole la plus caractéristique de l'expérience de Jésus, qui devient centre de l'expérience chrétienne" (cf. Rm 8.15).
"Dans la foi, le "moi" du croyant grandit pour être habité par un Autre, pour vivre dans un Autre ; et ainsi sa vie s'élargit dans l'Amour. Là se situe l'action propre de l'Esprit-Saint. Le chrétien peut avoir les yeux de Jésus, ses sentiments, sa disposition filiale, parce qu'il s'est rendu participant à son Amour qui est l'Esprit".

(1) St Jean Chrysostome disait encore : "Le véritable temple, c'est ton frère !".

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