lundi 29 juillet 2019

Liberté - Dépendance


17e Dimanche 19/C

Par pudeur, par peur d'être redevable, de ne pas pouvoir "rendre" le service offert,
par crainte de devenir dépendant d’autrui,
nous avons souvent bien du mal à oser demander.
Et si la vieillesse, l'accident, la maladie font souvent si peur à beaucoup, c'est bien parce que, dans ces cas-là, on risque d’entrer dans une dépendance qui nous inquiète… plus que la mort, dit-on même parfois.

Aussi, par crainte d’une dépendance, nous hésitons à demander, y compris quand nous nous adressons à Dieu.

Et l'évocation de la prière d'Abraham, avec le marchandage bien oriental qu'elle met en avant, nous fait sourire...
Et l'histoire de l'ami importun, racontée par Jésus, nous laisse quelque peu mal à l'aise. Pourvu, se dit-on, que nous n’en arrivions pas à une situation telle qu'il nous faille solliciter même des amis !

D’ailleurs, de façon plus positive, cette forte réticence marque autant une revendication d'indépendance qu’une quête de liberté qui est la grandeur de l’homme voulue par Dieu lui-même-Créateur.
Et les parents partagent bien quelque chose du cœur de Dieu
quand ils aspirent à voir grandir leurs enfants vers plus d'autonomie,
quand ils les aident à assumer le plus possible leurs propres responsabilités.
Oui, ils partagent quelque chose du cœur de Dieu qui se révèle, tout au long de la Bible, comme un Père passionné de la liberté, mieux de la libération de ses enfants. Tellement que St Paul ose dire à la Communauté de Corinthe, pourtant bien fragile : "Là où est l'Esprit de Dieu, là est la liberté".

Ceci dit, nous savons bien que certaines recherches d'indépendance ou d'autonomie nous enferment plus qu'elles ne nous libèrent. Et cela, dans notre relation à Dieu comme dans nos relations entre nous. Il en est ainsi quand nous nous replions sur notre maison, notre famille, notre village, nos certitudes... les gardant jalousement comme une propriété à préserver.

Et nous voilà alors comme emprisonnés dans cette volonté de d'être dépendants de rien ni de personne, poussant même parfois cette revendication d'autonomie jusqu'à chercher à nous passer totalement des autres… et de Dieu. Illusoirement nous voudrions échapper à cette vérité toute simple : nous avons besoin les uns des autres.

Oui, nul n’est une île ! Ici, en milieu rural, nous devrions le savoir plus que d’autres, peut-être.
Nous sommes dépendants… A commencer par notre dépendance à l'égard de la nature. Ces dernières semaines de canicule nous l’ont rappelé. La nature, c'est la pluie et le soleil, les fruits de la terre ; mais aussi les orages, les ronces et les moustiques…, et que sais-je encpre. Et ce n'est sûrement pas en niant cette dépendance qu'on peut le mieux l'assumer.

Qui que nous soyons, nous sommes bien dépendants les uns des autres par la diversité de nos régions et de nos climats, par la diversité de nos compétences et de nos travaux, sur les routes et dans les usines, dans les bureaux et dans les associations.

Alors, ici comme ailleurs, on doit s’efforcer d'assumer cette inter-dépendance en balisant le chemin d'une plus grande solidarité entre villages, entre communes, entre paroisses diverses. Prendre conscience d’une dépendance mutuelle, c’est vital, tant au niveau d’un village qu’au niveau national et même mondial !
Puissions-nous avoir le désir d'inventer un même chemin de solidarité là où nous vivons, un chemin pour "agir ensemble", afin que personne ne vive replié sur soi, ce qui est une impasse. Il faut de plus en plus découvrir que la liberté est souvent moins une dépendance jalousement gardée qu'une inter-dépendance assumée.

Certes, le chemin de cette inter-dépendance est parfois bien difficile.
En nos familles, villages, paroisses, en nos divers lieux de travail, en nos associations... , apprendre à demander comme à donner pour "bâtir ensemble" le présent et l'avenir n’est pas toujours facile. Il y a toujours tentation d’accaparer d’une manière ou d’une autre, de tout ramener à soi, même sous couvert de bénévolat. Et apprendre à “bâtir ensemble”, c’est souvent apprendre à passer par-dessus rancœurs et rancunes qui sont des poisons des plus mortels.

Je dis tout cela parce que nous, chrétiens, nous avons la chance de pouvoir apprendre de Dieu cette inter-dépendance qui nous humanise et nous élève. Nous sommes dépendants de Dieu et Dieu lui-même a voulu se faire dépendant de nous en s’incarnant.

Quand nous reconnaissons que nous sommes dépendants de Dieu, de sa volonté ("Que ta volonté soit faite"), de son projet de salut ("Que ton règne vienne"), nous n'avons pas un cœur d'esclave ou de résigné, au contraire.
Reconnaître que nous avons été créés, que nous avons tout reçu gratuitement ("Donne-nous notre pain de ce jour"), libère notre capacité d'aimer et de servir en nous faisant abandonner un illusoire sentiment de propriété sur nos personnes et sur nos biens.
Reconnaître que nous avons besoin de Dieu pour être sauvés, pour sortir de l'esclavage du péché par la croix du Christ, libère notre capacité à pardonner à notre tour ("Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons...").

Quand, chrétiens, nous reconnaissons que Dieu a voulu se faire dépendant des hommes en se livrant entre nos mains pour achever sa création et partager sa Bonne Nouvelle, nous n'annonçons pas l'échec de Dieu, d'un Dieu à la remorque des hommes, mais nous entrons dans cette révélation d'une Alliance qu'Il a voulue pour nous manifester qui il est et qui nous sommes, ce qu'Il est, et ce que nous sommes.

Et Jésus en nous sollicitant à prier simplement veut nous provoquer à acquérir une véritable liberté, dans la mesure où elle est moins une autonomie à préserver qu'une inter-dépendance à assumer et à promouvoir.

Inter-dépendance entre nous... Inter-dépendance entre Dieu et nous. Dieu nous donne, donne tout. Mais il demande aussi. Il ne veut rien faire sans nous. C’est là notre honneur. Ce sera notre gloire.
Aussi, comme nous l’avons appris du Sauveur, nous devons oser prier et demander… pour mieux donner.

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