15e Dimanche du T.O.
18/B
S'il
est difficile de se faire accepter comme prophète dans son propre pays - on l'a
vu dimanche dernier à propos de Jésus à Nazareth -, la difficulté n'est pas
moindre quand on vient d'ailleurs, surtout d'un pays "frère" avec lequel
on se trouve en conflit. On le voit aujourd'hui en certains pays (Afrique, Brésil) où des chrétiens renouvellent
l'expérience du prophète Amos (1ère lect.).
Le
prophète Amos ! C'était à l'époque du "schisme" d'Israël. Originaire
du Sud, du royaume d Juda, de Jérusalem Amos vint proférer des oracles d'une
virulence très rare - il est vrai ! - contre le Royaume du Nord, ses
dirigeants, et ses habitants.
Sa
prédication et ses annonces de châtiments pour ce Royaume du Nord qui avait
acquis une remarquable prospérité économique - mais au prix de bien des
injustices et de compromissions ! - constituent, au regard des gens en place, une
intolérable provocation.
Quand
Amos s'en prend jusqu'au sanctuaire local, Amazias, chef des desservants, entre
en lice. Il dénonce l'homme au roi Jéroboam : "C'est un conspirateur du Sud infiltré dans le pays. Il faut
l'expulser immédiatement". Et sans attendre la réaction du roi, le
prêtre Amazias cherche à intimider Amos pour qu'il repasse la frontière au plus
vite. Il l'interpelle en termes méprisants : "Va-t'en d'ici, avec tes visions !" Ce qui veut dire : "Tu n'es qu'un exalté qui raconte
n'importe quoi, qui appelle visions les élucubrations d'un esprit
dérangé!". Et Amazias insiste : "Enfuis-toi
au pays de Juda ; Là-bas tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de
prophète". L'ironie est cinglante : "On ne se laisse pas prendre à tes paroles, homme stipendié pour
essayer de jeter le trouble parmi nous. Retourne d'où tu viens ! Les gens de
là-bas vont peut-être te payer pour jouer ce jeu chez eux !" Ce genre de réaction et de discours
calomniateurs est de tous les temps.
Amos
répond : "Je n'étais pas prophète ni
fils de prophète; j'étais bouvier, et je soignais les figuiers. Mais le
Seigneur m'a saisi quand j'étais derrière le troupeau, et c'est lui qui m'a
envoyé : Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël".
La
réponse d'Amos est humble, mais ferme. Non, il n'a rien à voir avec ces bandes
d'extatiques qu'on peut rencontrer autour des sanctuaires. Il avait un métier
dont il tirait sa subsistance : ce n'est ni le besoin, ni l'appât du gain qui
lui a fait quitter son travail. Il a été "saisi" par Dieu, en quelque sorte, arraché à son
troupeau et à ses champs de figuiers sans avoir pu opposer la moindre résistance.
C'est
cela un prophète :
il parle de Dieu non par des preuves du dehors, mais par un sentiment intérieur
et immédiat. Il ne peut pas lui-même s'en empêcher. Rien ni personne ne peut
l'empêcher : une force d'en-haut l'habite !
Plus
tard, les apôtres Pierre et Jean exprimeront ce même sentiment : "il nous est impossible de ne pas dire
ce que nous avons vu et entendu" (Ac 4,I9-:2O).
Et
c'est la même force intérieure qui fait parler St Paul dans sa lettre
aux Ephésiens : il ne peut pas ne pas dire, ne pas transmettre, annoncer ! Je
vous conseille de lire cette admirable lettre de l'apôtre.
Cette
lettre aux Éphésiens est
un magnifique exposé d'ensemble de l'Histoire du salut : Paul dit ce qu'il voit
! Le dessein de Dieu, arrêté de toute éternité, réalisé par le Christ et qui se
déploie dans l'Église !
Précieux
témoignage de la réflexion de l'Apôtre qui garde toute sa valeur ! De plus,
cette Lettre n'a pas le caractère d'austérité qui marque souvent ce genre de
développement. Par le lyrisme qui l'anime, l'exposé doctrinal captive d'emblée
et son intérêt ne se relâche pas un instant.
Le
ton est donné dès le début par une longue action de grâce, modèle de toutes les
eucharisties chrétiennes. "Béni soit Dieu, le Père de notre
Seigneur Jésus Christ. Dans les cieux, il nous a comblés de sa bénédiction
spirituelle en Jésus Christ".
Tout
vient de la vie trinitaire manifestée en Jésus Christ !
Dieu,
le Père, est à
l'origine et au terme du vaste mouvement dans lequel nous nous trouvons pris : "Il nous a choisis avant la création du
monde, pour que nous soyons, dans l'amour, saints et irréprochables sous son
regard" ; "il nous a
d'avance destinés à devenir pour lui des fils". Tel est son projet
formé de toute éternité.
Et
le Christ est
activement présent dans cette immense œuvre du salut qui part du Père !
C'est
"en lui" que, "dans les cieux", il en a élaboré le plan et qu'il a tout
prévu pour son déroulement.
"En lui", il "nous a choisis dès avant la création du monde", et "nous a destinés à devenir pour lui des
fils".
"Par lui", il nous a rachetés et comblés de
sa grâce.
"Par lui", il nous a dévoilé "le mystère de sa volonté".
"En lui", nous avons "écouté la parole de vérité, la Bonne Nouvelle de notre
salut", nous sommes devenus des croyants, nous avons "reçu la marque de l'Esprit
Saint".
"En lui", il a "saisi l'univers entier, ce qui est au ciel et sur la terre, il a
tout "récapitulé sous un seul chef".
Par
le Christ, en lui, Dieu le Père,
qui nous a créés, nous manifeste son amour, nous donne la vie, nous sanctifie :
dans le Fils, il fait de nous des fils, des cohéritiers du Royaume promis.
Et
l'Esprit est "la première avance faite sur cet
héritage dont nous prendrons possession au jour de la délivrance finale".
Dans tout ce qui arrive, pour les personnes comme pour l'Église, l'Esprit Saint
est présent comme celui qui est le "moteur" de l'œuvre de Dieu
Voilà
pourquoi il est toujours invoqué dans les sacrements :
-
Pour un baptême, nous prions : "Envoie,
Seigneur, ton Esprit pour enfanter les peuples nouveaux qui vont naître pour
toi de la fontaine baptismale" ;
-
Pour la Confirmation : "Sois
marqué de l'Esprit Saint, le don de Dieu' ';
-
Pour l'ordination : "Envoie
sur ton serviteur, Seigneur, l'Esprit Saint pour qu'il remplisse fidèlement son
ministère'';
-
Pour l'Eucharistie : "Sanctifie
par ton Esprit les offrandes que nous apportons, pour qu'elles deviennent le Corps
et le Sang de ton Fils".
Et
l'Esprit-Saint, quoique de manière moins explicite, est également présent,
actif dans l'Eglise du Christ et dans le monde pour faire advenir le Règne de
Dieu.
Ainsi,
tout, par le Christ et dans l'Esprit, retourne au Père de qui viennent "les dons les meilleurs",
"tout don parfait" (Jc I,I7). Ce que Dieu a
voulu, ce qu'il a fait, ce qu'il achèvera quand nous prendrons possession de
l'héritage "au jour de la pleine
délivrance", c'est "à la
louange de sa gloire".
Il
est très intéressant de remarquer que la merveilleuse Pière Eucharistique - la
4ème - reprend toute cette doctrine de St Paul : "Père très saint, nous
proclamons que tu es grand et que tu as créé toutes choses avec sagesse et par
amour... Dans ta miséricorde, tu es venu en aide à tous les hommes pour qu'ils
te cherchent et puissent te trouver... Tu as tellement aimé le monde, Père très
saint, que tu nous as envoyé ton propre Fils, lorsque les temps furent
accomplis, pour qu'il soit notre Sauveur...
Par lui, avec lui et
en lui, à toi, Dieu le Père tout-puissant, dans l'unité du Saint-Esprit, tout
honneur et toute gloire".
Voilà
ce que St Paul, comme tout prophète, ne pouvait ne pas dire. Et il nous le dit aujourd'hui, à chacun d'entre nous !
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