lundi 20 mai 2019

La gloire du Christ


5e Dimanche de Pâques 19/C

“Quand Judas fut sorti...”  On a l'impression que Jésus est libéré, comme si la présence de Judas lui donnait la nausée, et qu’il peut enfin parler d'amour, du véritable….
           
Oui, tout le monde en parle de “l'amour ” ! C'est le mot le plus usé de tout notre langage au point d'avoir perdu, parfois, toute signification… : on lance ce slogan :“Aimons-nous les uns les autres”;  mais on continue à manifester égoïsme, haine, injustice. N'oublions pas dans quelles circonstances, avec quelles nuances, Jésus en parle?
           
Les circonstances ne sont pas celles d'un "bel amour", facile quand tout va bien entre gens qui pensent de la même manière, quand il n'y a pas de conflits.
La situation humaine du petit groupe est dramatique : l'un d'entre eux vient de “TRAHIR”. C'est le visage le plus hideux du non-amour : dénoncer des amis, livrer à la mort celui avec qui on a vécu et qui vous a fait toutes ses confidences.
           
Par ailleurs, Jésus prend bien soin de nous dire qu'il ne s'agit pas de n'importe quel amour. Le commandement qu'il nous donne est “nouveau”.

l) L’amour dont parle Jésus est un amour qui va jusqu'au bout.     
Dès que le processus de la Passion est commencé par le départ du traître, Jésus parle de sa “GLOIRE” et de la “Gloire du Père” .Maintenant, dit-il, le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui.” Nous avons toujours beaucoup de mal à admettre que la “croix”  est “la gloire”  de Jésus... et que c'est la plus parfaite révélation de Dieu !
           
Quand Jésus parle de la croix, il parle toujours de son élévation. “Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi”.  Et l'“heure” de Jésus par excellence, c'est cette heure-là, qui commence par le départ de Judas : “Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils, afin que ton Fils Te glorifie” (Jean 17 1).
Cette heure de gloire, nous, nous l'avons “détaillée” en quatre aspects : la croix, la résurrection, l'ascension, et le don de l'Esprit... Et cette séparation nous permet de nous apitoyer sentimentalement sur la Passion, et de tout effacer de la croix au matin de Pâques, comme si le Vendredi-Saint n'avait pas eu lieu. Jean nous dit que c'est le “VENDREDI-SAINT”, aussi, QUI EST GLORIEUX. C'est le “CRUCIFIE”, et pas seulement le “Ressuscité”, qui donne “GLOIRE AU PERE” ! 
           
Il nous faut bien comprendre la “mort” de Jésus, ne pas la prendre comme une chose abominable qu'il faudrait supprimer. “Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime.” 
Telle est la signification que Jésus lui-même donnait de sa croix. Ce n'est pas abominable d'aimer à ce point ! La croix mène, normalement, au sacrifice de soi. “Celui qui ne veut pas prendre sa croix, ne peut pas être mon disciple”. 
Non, l'amour n’est pas une rengaine facile. Le commandement de Jésus est bien “nouveau” : l'amour qu'il nous demande, c'est d'aimer tellement “l’autre” qu'on soit prêt, effectivement, à “se sacrifier soi-même” pour celui qu'on aime.
            La GLOIRE de Jésus, c'est bien la CROIX.
            Le SOMMET de l'amour, c'est bien le SACRIFICE.
Ce sont des aspects de l'amour qui ne se démontrent pas. Celui qui s'aime soi-même aura toujours du mal à comprendre cela ; et c'est souvent notre cas à chacun de nous... Mais, celui qui aime quelqu'un, vraiment, comprend tout de suite.
Pour savoir si on aime vraiment, il suffit de se demander : qu'est-ce que je suis capable de sacrifier pour mon amour ?

2) L’amour dont Jésus parle est un amour qui le rend présent au monde.
Certes, il n’est pas besoin d'être chrétien pour aimer. Heureusement ! Sachons reconnaître loyalement que beaucoup de non-chrétiens savent “aimer”, et même, parfois, mieux que nous. Mais il ne s'ensuit pas que nous ayons le droit de nous contenter d'en rester à ce niveau social, humanitaire, si important qu'il soit...
Ce qui est propre au chrétien, c'est la dimension théologale de l'amour. Pour faire court, disons que “DIEU est AMOUR”  et que “quand nous aimons vraiment, nous rendons DIEU présent au monde”. C'est, en tout cas, ce que Jésus dit, dans ce dernier adieu, à la veille de “partir”.
Le Lectionnaire officiel omet un verset au centre de la lecture de ce jour. Le texte intégral dit, en effet, ceci: “Mes petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour un peu de temps. Vous me chercherez, et, comme Je l'ai dit aux juifs : "Là où je vais, vous ne pouvez pas venir." “
Jean est un théologien; il ne raconte pas seulement des anecdotes sur Jésus. Il a des “thèmes”, des “insistances” ; ainsi  la “GLOIRE“, “l’HEURE DE LA GLOIRE”. 
Ici, nous retrouvons une autre idée théologique qui lui est chère, le thème de “CHERCHER”  Jésus. Nous avons tous en mémoire l'admirable mot de Jésus à Marie-Madeleine, au matin de Pâques :“Femme, pourquoi pleures-tu, QUI CHERCHES-TU ?”
Or, que lisons-nous, dans l'évangile d'aujourd'hui, sur cette “recherche” de Jésus ? “Où je vais, vous ne pouvez pas venir!” Étrange parole. Étrange condition “nouvelle” de Jésus ! Quand on sait que, quelques lignes plus loin, Jésus va dire, apparemment le contraire : “Père, je veux que là où je suis, ils soient avec moi.”  (Jean 17, 24.)
La réponse à cette recherche du “lieu” de Jésus, elle est précisément dans ce “commandement nouveau” qu'il donne, au moment de “PARTIR”... Jésus affirme, au fond, que ce n'est pas un “adieu” sans retour : j'aurai parmi vous un nouveau mode de présence, et c'est votre “amour mutuel”. “Père, je t'en prie, fais que là où je suis, ils soient AVEC MOI.”   Or, Jésus est dans le Père, en Dieu, dans l'AMOUR. “Si nous nous aimons les uns les autres, DIEU DEMEURE EN NOUS.” (I Jn 4, 12.) Pour Jésus, l'amour n'est pas une rengaine humaine si belle soit-elle... l'amour est sa “nouvelle présence”. Il part. Mais il reste présent “quand deux ou trois sont réunis” dans la prière et dans l'amour...

3) Le véritable amour est un amour “comme” celui de Jésus.        
C'est cette petite “conjonction”, “COMME”, qui est essentielle. L'amour “jusqu'au bout”, l'amour “théologal qui rend Dieu présent”, c'est un amour “comme” , “à cause de”  Jésus.
C'est la réponse à donner à quelqu'un : veux-tu aimer, comme je te le demande, personnellement, moi, Jésus ? C'est “mon” commandement. Je te commande de faire “comme” moi !
Le petit mot “comme” bouleverse toutes nos rengaines d'amour. C'est une vraie bombe cachée dans nos amours trop faciles.  Aimer “comme”  Jésus, c'est “laver les pieds de nos frères”,  c'est nous mettre à leurs pieds, à leur service pour les tâches les plus humbles... c'est “prendre notre croix et le suivre”, c'est “donner notre vie pour ceux que nous aimons”..  Le “comme”  n'indique pas seulement une “comparaison”, mais une “conformité” profonde. Un amour qui ressemble à celui de Jésus.
           
“C'est à cela que tous vous reconnaîtront”  Quand Jésus s'en va, lui qui se disait “le chemin” vers ce Dieu que “nul n'a jamais vu”... où va désormais être “ce chemin”  qui conduit à Dieu ? Où va être le “signe” ? Jésus répond : “Dans votre communauté d'amour fraternel.” Il faut prendre la relève de moi qui m'en vais. Si vous vous aimez les uns les autres, vous serez “mon SIGNE” dans le monde jusqu'à la fin des temps.

Si nous avons compris à quelle profondeur Jésus nous invite, nous devinons, maintenant, pourquoi Jésus parle de “commandement NOUVEAU”. Et cela ne nous dispensera pas, évidemment, d'incarner très concrètement, très quotidiennement, cet amour, très familialement, très professionnellement, très socialement...
MAIS, aussi chrétiennement. C'est un amour “comme”  Jésus !

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