2ème
Carême 18/C - "Transfiguration !"
L'Évangile
d'aujourd'hui - celui de la "Transfiguration" - n'est ni énigmatique
ni mythique. C'est plutôt un bouquet d'allusions à toute la pédagogie divine
qui s'exerce tout au long de l'histoire biblique, - tout au long de notre
propre histoire -, en vue d'une alliance entre Dieu et l'homme. Une alliance
indestructible !
C'est
ce que veut souligner la 1ère lecture : Dieu veut signer avec
Abraham - c'est-à-dire avec tout homme, avec vous comme avec moi -une alliance
indéfectible. Le passage d'un brasier fumant et d'une torche enflammée entre
les quartiers d'animaux offerts, c'était le langage "notarial", si je
puis dire, de l'époque. C'était dire : celui qui bafouera cet accord, cette
alliance, qu'il lui arrive ce qui arrive à ces quartiers d'animaux : un
anéantissement.
Et
en Jésus, Dieu s'est fait homme. Et Jésus, homme, - et parce que homme, portant
les péchés des hommes, leur reniement - sera mis à mort sur la croix pour
manifester ce reniement de l'homme vis-à-vis de Dieu… et pour rétablir
à nouveau une alliance éternelle.
Aussi,
St Paul (2ème lecture) a raison d'affirmer : en Jésus, "nous sommes citoyens des cieux. C'est
à ce titre que nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus, lui qui
transformera ("transfigurera") nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux ("transfiguré")
avec la puissance qui le rend capable de
tout dominer", de dominer la mort elle-même, conséquence de nos
reniements vis-à-vis de Dieu.
C'est
dans cette perspective qu'il faut lire, me semble-t-il notre évangile. Jésus
emmène trois disciples sur la montagne où il apparaît "transfiguré"
en présence de Moïse et d’Elie.
En
présence de Moïse !
Car Jésus reprend en totalité l'expérience de Moïse. Après une sorte de "transfiguration"
où Dieu lui apparaît dans un "buisson ardent" (“Sené”, en
hébreu), Moïse va mener tout un peuple vers l’Alliance avec Dieu, sur une montagne
brûlante (le "Sinaï)". Dès lors, Dieu lui-même conduira son
peuple, à travers le désert, - le désert de nos vies - vers une petite
montagne, “Sion”, "choisi
pour y faire habiter son Nom” comme la Bible le dit souvent. Là, chacun
pourra déjà s'efforcer à “voir Celui qui nous voit sans cesse”, en
cette ville de Jérusalem, mot qui veut dire "vision de paix".
Toute
l’histoire biblique – et notre propre histoire - peut se résumer en cette
allitération, en ces trois mots de même résonnance : : “Sené”, “Sinaï”,
“Sion” ! Assonance que privilégient encore les Juifs.
Comme
Moïse, Jésus emmène ses apôtres vers une montagne, l’Hermon, qui rappelle le
Sinaï. Là, il demande : “Pour vous qui
suis-je ?”. Et Pierre, qui dit toujours ce que les autres pensent,
répond : “Tu es le Messie",
ce fameux “Fils d’homme” qui
vient du ciel et de la terre tout à la fois, autrement dit, qui fait alliance
entre Dieu et l’homme ! Et c’est alors que Jésus apparaît, lui, un homme,
dans sa gloire divine, comme Dieu au Sinaï. Et avec Moïse et Elie, il parle de
son départ vers Jérusalem, littéralement de son “exode” vers Jérusalem,
sublimant déjà, en quelque sorte, l’exode
pascal qu'il accomplira ensuite, sublimant l'exode de ses disciples en marche vers l'Alliance éternelle.
Jésus
ramasse en quelque sorte toute l’histoire du peuple élu, depuis Moïse au
buisson ardent et à la montagne brûlante du Sinaï jusqu’à Sion où Dieu veut
construire une nouvelle cité dont, seul, il est “l’architecte et le fondateur” (dira la lettre aux Hébreux) et où le voile du Temple ancien sera déchiré par son mystère
pascal, afin que tous puissent commencer à "voir celui qui nous voit sans cesse".
Jésus
reprend, là, toute la pédagogie que Dieu a utilisée envers son peuple
pour se manifester à lui. Il regarde en arrière pour mieux prophétiser
l’avenir, l’avenir de tout homme : “Par
lui, avec lui, en lui !” . Aussi, est-il dit : “Ils ne virent plus que Jésus seul” !
“Voir !” : “Qui me voit, voit le
Père", dira Jésus.
Dans cet
épisode, il n’y a que Pierre, Jacques et Jean, ces trois apôtres qui seront les
témoins de l'agonie de Jésus. St Luc précise qu’ils dormaient, comme ils dormiront
à Gethsémani. Comme nous dormons, nous aussi, à certains grands moments
providentiels de notre existence, moments joyeux ou douloureux. C’est seulement
en réfléchissant, après coup, qu’on en découvre toute la signification. Et peu
à peu, nous ne voyons plus, en notre vie même, que Jésus seul ! Jésus qui
aime tous les hommes sans distinction, ne l'oublions pas ! Nous ne voyons plus
que sa divinité à travers son humanité ! Afin de mieux "voir Celui qui nous voit sans cesse" !
De voir en Jésus seul tous nos frères !
Tout
au long de notre vie, nous faisons la même expérience que celle des apôtres.
Après la Transfiguration, ils vont rester attachés au Christ, certes, séduits
par le mystère de sa personne, bien sûr. Ils vont le suivre, évidemment. Mais ils
vont montrer - comme nous-mêmes bien souvent - qu’ils ont des yeux pour ne pas
voir, des oreilles pour ne pas entendre, qu’ils ne comprennent pas encore…,
même lorsqu’ils monteront à Jérusalem juste avant la passion de leur Seigneur
Pourtant,
là, à Jérusalem, en ces jours ultimes, Jésus guérira un aveugle à la piscine de
siloë, au sud du temple ; il guérira un paralytique à la piscine Bethesda, au nord du temple ; et tous les deux,
il les introduira dans le temple…
A nous aussi, il
faut le miracle de sa grâce pour que, guéris de notre aveuglement, de nos
infirmités, nous puissions entrer dans le temple, ce Temple que Jésus
"transfiguré", glorifié, construira en son Corps.
Cependant, lors de la passion du
Christ, ses apôtres se disperseront (nous en aurions fait autant).
Alors, sur la route d’Emmaüs, rétrospectivement, le
Christ leur dira : “Ne fallait-ils pas
que le Fils de l’homme souffrit avant de rentrer dans sa gloire ?”.Dans
sa "Transfiguration" éternelle ?
Et je pense que tout chrétien doit
mettre, met en sa mémoire, son cœur, son intelligence, des événements
providentiels qu’il comprend peu à peu jusqu’au moment où l’heure sera venue
pour lui de passer de ce monde vers le Père…. "Notre Père ! (nous précisera
Jésus)… Oui, chacun de nous est l’objet d’une pédagogie spéciale de Dieu
qui l’enseigne sur l’“exode” qu’il doit accomplir, lui aussi, jusqu’à la
nouvelle Jérusalem pour une alliance éternelle avec Dieu-Trinité, avec
Dieu-Amour…, pour une
"transfiguration" glorieuse.
Oui, nous avons cette certitude que
nous sommes, nous aussi, au seuil de cette “vision béatifique” comme disent les
théologiens ; Nous verrons le Seigneur comme le Seigneur nous voit
maintenant. Puissions-nous comprendre cet événement de la "Transfiguration"
de telle sorte que cette illumination nous accompagne tout le reste de notre
existence et que, même si nous passons par des ravins de ténèbres, chacun
puisse dire avec les psaumes :
Le
Seigneur est ma lumière et mon salut ; qui pourrais-je craindre ?
C’est
ta face, Seigneur, que je cherche ; ne la détourne pas de moi !
’en
suis sûr, je verrai la bonté du Seigneur sur la terre des vivants !…
“Ils
ne virent plus que Jésus, seul !”
Ce n’est quand même pas rien de
savoir désormais qu'en Jésus "transfiguré", glorifié, l’absurdité de
la mort ait été vaincue, qu’il y a comme une “tête de pont”, pour la cité dont “Dieu est l’architecte et le fondateur”,
d’avoir cette certitude que si nous marchons comme il a marché, nous
parviendrons là où il est… en sa gloire.
Nous sommes appelés à suivre cette pédagogie
divine à notre égard. Et si nous ne voyons plus que “Jésus seul”, c'est
dire que c'est en Jésus que, dès maintenant, nous devons voir toute la création
et tous nos frères, les hommes, que Dieu aime comme il nous aime.
St Paul avait raison : en la
nouvelle Alliance de la Jérusalem céleste, seule subsistera la charité qui
jaillira du cœur de Dieu-Père, que Jésus manifestera éternellement et que leur
Esprit commun nous transmettra…
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