dimanche 3 mars 2019

L'Homme à faire naître


8e dimanche T.O. 18/C

Voici que Jésus, aujourd'hui, nous parle de l'homme.
Habituellement, Jésus agit, raconte une parabole, annonce le Royaume de Dieu pour inviter à y entrer.
Cette fois-ci, il change de ton ; il se met à nous parler de nous, de lui, de l'homme.

En quelque sorte, c'est le Créateur qui nous parle de sa créature. Celui qui sait ce qu'il y a dans l'homme, comme dit St Jean (2/25), nous dépeint l'homme du Royaume à venir, révèle l'homme créé à  l'image de Dieu. "Le disciple n'est pas au-dessus du Maître", dit-il.
Parce qu'il est Dieu Créateur et Homme parfait, Jésus nous enseigne notre propre humanité ! "Celui qui est bien formé sera comme son maître", dit Jésus.

Sa description est simple. Dans l'homme du Royaume à venir, le cœur, la bouche et l'œil doivent être en parfaite harmonie :
- "L'homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon".
- "Ce que dit la bouche, c'est ce qui déborde du cœur".
- "Enlève d'abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair".

Le cœur ! Le cœur, c'est tout l'homme. C'est le centre de gravité de la personne.
Non pas le cœur, support de tous les sentiments, de tout ce qui dans l'homme est sentimental, aléatoire et dépendant des émotions.
Mais plutôt le cœur comme le centre vital qui constitue la personne et où toutes les forces se rejoignent, forces physiques, forces spirituelles et morales, forces intellectuelles.

C'est toujours au cœur que Dieu s'adresse. C'est au cœur de l'homme que réside l'Esprit Saint. C'est de cœur à cœur que les hommes se rencontrent, s'affrontent, s'aiment ou s'entretuent. Le cœur fait l'homme, dit Jésus. Du cœur bon sort ce qui est bon; du cœur mauvais, ce qui est mauvais. C'est surtout St Luc qui mentionne ainsi le cœur comme symbole de l'orientation profonde de tout l'être :
- Alors que Marie "méditait tous les événements en son cœur" (2/19-51),
- Syméon, présentant Jésus comme "un signe de contestation", proclamait : "Ainsi seront dévoilés les débats de bien des cœurs" (2/35);
- Les disciples n'ont pas besoin de se quereller bruyamment sur le problème de la préséance : Jésus sait "la question de leur cœur" (9/47),
- comme il déclare aux pharisiens ricaneurs : "Dieu connait vos cœurs" (16/15).
- Aux disciples il dira encore : "Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que vos cœurs ne s'alourdissent dans l'ivresse, les beuveries et les soucis de la vie…" (21/34).
Il n'est pas étonnant que Luc, l'évangéliste de la conversion, nous rappelle que celle-ci, la conversion, doit procéder du plus profond de la personne (du cœur) et se traduire en des actes concrets !

Et c'est du trop-plein du cœur que procède la Parole, nous dire la 1ère lecture. Elle reflète si fidèlement le cœur de l'homme que la parole est également l'homme. Elle est le fruit qui permet de juger l'arbre. Elle juge celui qui la prononce, car elle dit tout de l'homme, elle le dit aux autres qui ne peuvent savoir du cœur de l'homme que ce que lui en communique la parole de l'homme. Et comme dit le Sage Sirac, la pierre de touche pour estimer un homme, c'est sa parole. Parole de bénédiction et de paix chez l'homme au cœur de paix. Parole de malédiction et de haine chez l'homme dont le cœur est plein d'amertume.
             
L'autre reflet du cœur de l'homme, c'est son œil ! Jésus en  parle souvent : "La lampe du corps, c'est l'œil (Mt 6/22)Si ton œil te scandalise, arrache-le…" (Mt 18/9) ; et ailleurs il fustige ceux qui disent :  "Nous voyons !", alors qu'ils sont aveugles. Car l'œil, c'est la lumière du corps, et là où l'œil est mauvais, tout le corps est mauvais.
             
D'ailleurs, dans l'Ecriture, tous les vices sont liés au regard :
- La suffisance : "Mes yeux ne se sont pas haussés", comme l'orgueilleux, reconnait l'humble psalmiste (131/1).
- La cupidité : "Ne convoite pas la beauté de la femme; ne te laisse pas prendre par ses œillades". (Prov 6/25).
- La jalousie : "Ton œil serait-il jaloux parce que je suis bon ?" demande le Maître de la vigne dans la Parabole de Notre Seigneur. (Mth 20/15)
- Il y a encore le regard sournois de celui qui médite un mauvais coup ; et l'œil injecté de sang de l'homme en colère, alors qu'il y a de la douceur dans le regard de la maman pour son bébé nouveau-né
             
Et Notre Seigneur a donné la clef de ces divers regards : "Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis dans son cœur l'adultère" (Mth 5/28). Ah bon ! il n'est interdit de les voir; mais tout est dans le "pour". L'œil est ainsi la lucarne par laquelle l'homme se montre et se révèle tel qu'il est; c'est par cette lucarne que le cœur manifeste ses intentions.

Ainsi le cœur, la bouche et l'œil sont-ils liés, pour le meilleur et pour le pire. Et sous couvert de donner quelques directives pour la conduite en société, Jésus nous révèle cette profonde unité qui existe dans l'homme. Et combien il est nécessaire de faire l'éducation de sa parole et de son regard pour atteindre son cœur.
Un homme qui ne maîtrise ni ses lèvres ni ses yeux ne se gouverne pas lui-même; son cœur est instable.

Et même, on peut penser que Jésus se révèle, là, lui-même, révèle sa parfaite humanité. En lui, le cœur, la bouche et l'œil sont parfaitement en accord. Il ne dit rien d'autre de ce qu'il est : son regard dit sa miséricorde, car s'il regarde parfois avec colère ceux qui abusent de leur pouvoir, il réconcilie d'un regard les pécheurs, les coupables et ceux que l'on regarde d'un mauvais œil.
             
On peut même aller plus loin. Le Christ, ici, comme partout, nous révèle les mystères cachés depuis la fondation du monde, ce mystère du Dieu unique en trois personnes.
Trois personnes qui sont entr'elles comme le cœur, la bouche et l'œil.
- Le cœur, c'est le Père de qui tout procède.
-Il se manifeste en sa Parole qui est le Fils et comme sa bouche, disant fidèlement "tout ce qu'il a appris du Père".
Et l'Esprit Saint est comme l'œil de ce Dieu unique. Il éclaire le monde et nous illumine. Il manifeste la miséricorde qui est dans le cœur de Dieu et nous réconcilie avec lui et entre nous.

Puissions tendre à ressembler de plus en plus à l'homme du Royaume de Dieu, c'est-à-dire à l'homme "créé à l'image et ressemblance de Dieu".
Et nous comprenons mieux cette ultime prière de Notre Seigneur : "Père, qu'ils soient un (en eux-mêmes et entre eux), comme nous-mêmes, nous sommes un !"

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