8e dimanche T.O. 18/C
Voici que
Jésus, aujourd'hui, nous parle de l'homme.
Habituellement,
Jésus agit, raconte une parabole, annonce le Royaume de Dieu pour
inviter à y entrer.
Cette
fois-ci, il change de ton ; il se met à nous parler de nous, de lui,
de l'homme.
En quelque
sorte, c'est le Créateur qui nous parle de sa créature. Celui qui sait ce qu'il
y a dans l'homme, comme dit St Jean (2/25), nous dépeint l'homme du Royaume à venir,
révèle l'homme créé à l'image de Dieu.
"Le disciple n'est pas au-dessus du
Maître", dit-il.
Parce qu'il
est Dieu Créateur et Homme parfait, Jésus nous enseigne notre
propre humanité ! "Celui qui est bien
formé sera comme son maître", dit Jésus.
Sa
description est simple. Dans l'homme du Royaume à venir, le cœur,
la bouche et l'œil doivent être en parfaite harmonie :
- "L'homme bon tire le bien du trésor de
son cœur qui est bon".
- "Ce que dit la bouche, c'est ce
qui déborde du cœur".
- "Enlève d'abord la poutre
de ton œil ; alors tu verras clair".
Le cœur ! Le cœur, c'est tout l'homme. C'est le centre
de gravité de la personne.
Non pas le
cœur, support de tous les sentiments, de tout ce qui dans l'homme est
sentimental, aléatoire et dépendant des émotions.
Mais plutôt le
cœur comme le centre vital qui constitue la personne et où toutes les
forces se rejoignent, forces physiques, forces spirituelles et morales,
forces intellectuelles.
C'est
toujours au cœur que Dieu s'adresse. C'est au cœur de l'homme que réside l'Esprit Saint. C'est de
cœur à cœur que les hommes se rencontrent, s'affrontent, s'aiment ou s'entretuent.
Le cœur fait l'homme, dit Jésus. Du cœur bon sort ce qui est bon; du cœur
mauvais, ce qui est mauvais. C'est surtout St Luc qui mentionne ainsi le cœur
comme symbole de l'orientation profonde de tout l'être :
- Alors que
Marie "méditait tous les événements en son cœur" (2/19-51),
- Syméon,
présentant Jésus comme "un signe de contestation", proclamait : "Ainsi seront dévoilés les débats de
bien des cœurs" (2/35);
- Les
disciples n'ont pas besoin de se quereller bruyamment sur le problème de la
préséance : Jésus sait "la question
de leur cœur" (9/47),
- comme il
déclare aux pharisiens ricaneurs : "Dieu
connait vos cœurs" (16/15).
- Aux
disciples il dira encore : "Tenez-vous
sur vos gardes, de crainte que vos cœurs ne s'alourdissent dans l'ivresse, les
beuveries et les soucis de la vie…" (21/34).
Il n'est pas
étonnant que Luc, l'évangéliste de la conversion, nous rappelle que celle-ci,
la conversion, doit procéder du plus profond de la personne (du cœur) et se
traduire en des actes concrets !
Et c'est du
trop-plein du cœur que procède la Parole, nous dire la 1ère
lecture. Elle reflète si fidèlement le cœur de l'homme que la parole est
également l'homme. Elle est le fruit qui permet de juger l'arbre. Elle juge
celui qui la prononce, car elle dit tout de l'homme, elle le dit aux autres qui
ne peuvent savoir du cœur de l'homme que ce que lui en communique la parole de
l'homme. Et comme dit le Sage Sirac, la pierre de touche pour estimer un
homme, c'est sa parole. Parole de bénédiction et de paix chez l'homme au
cœur de paix. Parole de malédiction et de haine chez l'homme dont le cœur est
plein d'amertume.
L'autre
reflet du cœur de l'homme, c'est son œil ! Jésus en parle souvent : "La lampe du corps, c'est l'œil (Mt 6/22)… Si
ton œil te scandalise, arrache-le…" (Mt 18/9) ; et ailleurs il fustige ceux qui disent : "Nous voyons !", alors qu'ils sont
aveugles. Car l'œil, c'est la lumière du corps, et là où l'œil est mauvais,
tout le corps est mauvais.
D'ailleurs,
dans l'Ecriture, tous les vices sont liés au regard :
- La
suffisance : "Mes
yeux ne se sont pas haussés", comme l'orgueilleux, reconnait l'humble
psalmiste (131/1).
- La
cupidité : "Ne convoite pas la
beauté de la femme; ne te laisse pas prendre par ses œillades". (Prov 6/25).
- La
jalousie : "Ton œil serait-il jaloux
parce que je suis bon ?" demande le Maître de la vigne dans la
Parabole de Notre Seigneur. (Mth 20/15)
- Il y a
encore le regard sournois de celui qui médite un mauvais coup ; et l'œil
injecté de sang de l'homme en colère, alors qu'il y a de la douceur dans le
regard de la maman pour son bébé nouveau-né
Et Notre
Seigneur a donné la clef de ces divers regards : "Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis dans
son cœur l'adultère" (Mth 5/28). Ah bon ! il n'est interdit de les voir; mais tout est dans le "pour".
L'œil est ainsi la lucarne par laquelle l'homme se montre et se révèle tel
qu'il est; c'est par cette lucarne que le cœur manifeste ses intentions.
Ainsi le cœur,
la bouche et l'œil sont-ils liés, pour le meilleur et pour le
pire. Et sous couvert de donner quelques directives pour la conduite en
société, Jésus nous révèle cette profonde unité qui existe dans l'homme. Et
combien il est nécessaire de faire l'éducation de sa parole et de son regard
pour atteindre son cœur.
Un homme qui
ne maîtrise ni ses lèvres ni ses yeux ne se gouverne pas lui-même; son cœur est
instable.
Et même, on
peut penser que Jésus se révèle, là, lui-même, révèle sa parfaite humanité. En
lui, le cœur, la bouche et l'œil sont parfaitement en accord. Il ne dit rien
d'autre de ce qu'il est : son regard dit sa miséricorde, car s'il regarde
parfois avec colère ceux qui abusent de leur pouvoir, il réconcilie d'un regard
les pécheurs, les coupables et ceux que l'on regarde d'un mauvais œil.
On peut même
aller plus loin. Le Christ, ici, comme partout, nous révèle les mystères cachés
depuis la fondation du monde, ce mystère du Dieu unique en trois personnes.
Trois
personnes qui sont entr'elles comme le cœur, la bouche et l'œil.
- Le cœur,
c'est le Père de qui tout procède.
-Il se
manifeste en sa Parole qui est le Fils et comme sa bouche, disant
fidèlement "tout ce qu'il a appris
du Père".
Et l'Esprit
Saint est comme l'œil de ce Dieu unique. Il éclaire le monde et nous
illumine. Il manifeste la miséricorde qui est dans le cœur de Dieu et nous
réconcilie avec lui et entre nous.
Puissions
tendre à ressembler de plus en plus à l'homme du Royaume de Dieu, c'est-à-dire
à l'homme "créé à l'image et
ressemblance de Dieu".
Et nous comprenons
mieux cette ultime prière de Notre Seigneur : "Père, qu'ils soient un (en eux-mêmes et entre eux), comme nous-mêmes, nous sommes un !"
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