T.O.
5 Vendredi - Création - Rédemption
On a donné et l'on donne toujours bien des
explications, parfois peu convaincantes, à propos des deux récits de la Création
que l'on trouve dans le livre de la Genèse.
C'est difficile parfois, car il est
vrai, par exemple, que les auteurs de ce livre ont emprunté bien des éléments
aux cosmogonies perses, babyloniennes, égyptiennes…Cela se comprend, car
ce livre de la Genèse a été écrit assez tardivement, après les 70 ans d'exil à
Babylone. Mais, si les auteurs ont emprunté, ils n'ont pas pour autant
adhérer aux cultures des civilisations environnantes…
Première réflexion : Ainsi,
les auteurs de la Genèse sont restés très libres pour réfuter certaines
doctrines à la mode et largement répandues. Ils avaient été en contact avec les
Perses. Or, ceux ci avaient élaboré une religion dualiste. Le problème du
mal est tellement obsédant dans l'humanité qu'ils en étaient arrivés à
poser deux principes : le bien et le mal. Deux principes égaux qui luttent au
cours de l'histoire…
Alors, la tradition
juive, pour mieux affitrmer l'unicité de Dieu, a éprouvé le besoin de nier
cette doctrine, au point, par exemple, que le prophète Isaïe (3e
ou 4", peu importe) fait dire à Dieu de
façon paradoxale:
"C'est moi
qui suis le seigneur ; il n'y en a pas d'autres ; (Un
seul Dieu !)
Je façonne la lumière et je crée les ténèbres,
je fais le bonheur et je crée le malheur,
c'est moi, Dieu, qui fais tout cela".. (Is 45.7)
Autrement
dit, Isaïe affirme que Dieu est créateur même du mal pour mieux souligner
qu'il n'y a qu'un seul principe, qu'un Dieu unique. Mais le récit postérieur de la Création dans la Genèse sera
rythmé, lui, par ce refrain : "Et Dieu vit que cela était bon".
Dieu unique et bon !
Une des
tentations les plus courantes, tout au long de l'histoire, c'est ce dualisme.
Nous en sommes victimes encore, consciemment ou inconsciemment. On le trouve
partout dans des gnoses malsaines, dans les méfiances à propos des valeurs de
la nature, de l'économie, de l'amitié,
de l'amour… et que sais-je encore.
Et l'on
peut dire que la Bible est une littérature inspirée qui accompagne l'humanité
aussi loin que possible dans l'absurde du mal (Job, l'Ecclésiaste, certains
psaumes…), qui nous accompagne jusque dans l'absurdité de la mort avec
la certitude d'avoir à faire un Dieu bon
parce que "capable de mener par-delà la mort", comme dit un
psaume
Dans ce
livre de la Genèse, on affirme fortement qu'"au commencement", Dieu a fait toute chose bonne
pour qu'ensuite on puisse mieux aborder le problème du mal, aller
jusqu'au fond de ce problème, sans jamais l'éluder, sans jamais, non plus,
pouvoir totalement l'expliquer, mais sans jamais que ce problème devienne un
doute !
Par ce
que l'on a la foi, on se pose des questions - c'est bien normal, et nous nous
en poserons toujours -; mais ces questions ne feront pas que notre foi soit
remise en question. Car toutes ces questions que nous nous posons sont déjà
inscrites en cette littérature biblique qui nous accompagne jusqu'en tous les
scandales. Et notre foi en un Dieu unique et bon qui mène "par-delà la mort" elle-même, ne
sera pas remise en question. Le cardinal Newman avait raison de dire : "Mille questions ne font pas
obligatoirement un doute !"'.
Deuxième réflexion : Il y a de nombreuses allusions à la Création
en bien d'autres passages de la Bible : le prophète Habacuc particulièrement,
le livre de Job, le psaume 104 etc... Tous ces passages corroborent,
enrichissent les récits du livre de la Genèse.
"Seigneur, notre Dieu, qu'il est
grand ton nom par toute la terre ! Jusqu'aux cieux, ta splendeur est chantée !
A voir ton ciel, ouvrage de tes
doigts… qu'est-ce que l'homme pour que
tu penses à lui ? Tu l'établis sur les œuvres de tes mains…" (Ps 8)
Oui, la tradition juive affirme avec force que Dieu a tout créé
; Non seulement il a tout créé, mais il crée toujours. Il recrée toujours, par
des "hauts faits" extraordinaires, ce que l'homme a terni, abîmé… Il est sans
cesse Créateur et Recréateur, Rédempteur… Jésus disait (Jn
5.17) : "Mon Père est à l'œuvre jusqu'à
présent et j'œuvre moi aussi". Il nous recrée sans
cesse, si nous le voulons bien !
Troisième
réflexion : Le texte du récit du livre de
la Genèse souligne que l'homme, dans la création, a été mis à une place
privilégiée.
Et il faut méditer, approfondir cette phrase extraordinaire : "Dieu a créé l'homme à son image et
ressemblance".
Et cela de façon gratuite. Dieu agit toujours gratuitement ; et
il faut lutter contre certaines affirmations de la philosophie platonicienne
qui a fortement marqué notre culture, surtout lorsque ces affirmations sont
appliquées à Dieu. Platon enseigne : "Le
bien est diffusif de lui-même".
Comme si Dieu - le Bien absolu, suprême -avait été obligé de créer parce
qu'il est bon. Et bien, non ! C'est par un acte absolument gratuit,
totalement gratuit, que Dieu nous a créés. Et il veut, maintenant encore,
recréer l'homme pécheur par un amour purement gratuit. Si nous le voulons bien.
Et Dieu agit gratuitement, parce qu'il aime gratuitement
!
Je crois que beaucoup d'hommes affirment que
la vraie valeur, c'est celle de l'amour. Heureusement, mais de quel amour
s'agit-il ?
Un païen s’adressait un jour à
Hillel, ce grand rabbin que St Paul a bien connu. Il lui dit pour se moquer de
lui : "Résume-moi un peu toute la
Loi pendant le temps où tu es capable de te tenir sur une seule jambe".
Alors il a dit : "Ne fais pas à ton
prochain ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse !". Et je pense qu'il a été plus loin dans un
sens positif : faire aux autres ce qu’on voudrait qu’on nous fasse.
Mais je crois que la nouveauté du
Nouveau Testament, du nouveau commandement n’est pas là. Même pour le prochain,
on trouve heureusement bien des gens à l’esprit assez large, qui considèrent
aussi les étrangers comme des prochains ; la question n’est pas là !
Le désir de Dieu Créateur, le
commandement nouveau exprimé dans le N.T., c’est "aimer comme Dieu - Dieu Créateur - nous a aimés", en nous modelant "à son image et ressemblance"..
Cela suppose qu’on contemple le cœur
du Christ ouvert sur la croix, et qu’on médite ce mystère de la Sainte Trinité
où les Personnes divines n’existent que
comme pures relations d'amour (St Thomas d’Aq., Som. Théo. theologiae Ia, q. 29 ss) et où tout égoïsme est comme
exorcisé, supprimé.
C’est toute la nouveauté du N.T.,
qu’on estompe facilement.. Le Christ affirmait : "Comme le Père m'aimé, je vous ai aussi aimés". Et il
ajoutera : "Comme je vous ai aimés,
aimez-vous les uns les autres". Autrement dit, tout amour vient de
Dieu, Père, Créateur ; et il nous a été transmis pas son Fils, le Christ Rédempteur,
Re-Crétaeur. Aimer comme Dieu aime ! Alors,
à ce moment-là, on puise en Dieu la force d’aimer même ses ennemis… ; et on ne
la trouve pas ailleurs !
Aimer comme Dieu-Créateur, comme le
Christ Rédempteur… !
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