dimanche 29 avril 2018

Fils de la Résurrection


 5e Dimanche de Pâques 18/B -

“Je suis chrétien”, disait-on facilement au­trefois. On le chantait même. Et le Concile Vatican II nous a engagés à reconnaître cette "identité chrétienne" pour mieux en vivre.
         
Or, les trois lectures d'aujourd'hui nous décrivent les empreintes du chrétien, ce qui le caractérise :
-Il doit être sans cesse "émondé" comme un sarment pour porter de magnifiques fruits, dit Notre Seigneur.
- Ainsi, dit St Jean, il appartiendra à la vérité par des actes et non seulement par des discours, en aimant comme le Christ lui-même a aimé.
- Et fort de cet amour, il annoncera, comme Paul, la "Bonne Nouvelle" du Christ, avec assurance, avec hardiesse.
         
Bref, le chrétien éprouve un attachement vital au Christ par une foi vive et par un amour qui engage à témoigner. Voilà la carte d'identité du chrétien.
Ainsi St Paul se sait Apôtre ;
St Jean déclare que nous somme faits pour aimer.
Et pour cela, Jésus nous propose sa vie de Ressuscité.
         
Or, on ne peut annoncer le Christ, on ne peut aimer selon la vérité, ni se laisser travailler, purifier en vue des récoltes à venir, que si l'on a bien reconnu cette vie du Christ en nous : “Vous êtes, dit le Christ, les fils de la Résurrection”.
 Si - pour un quart, voire pour un dixième seulement - nous sachions reconnaître cette vie du Christ ressuscité en nous, il y aurait dans nos comportements une extraordinaire, une incalculable force explosive. -
Depuis notre bap­tême, il y a en chacun de nous un être chrétien dont la vocation est de ressembler au Christ, de servir comme lui, de témoigner de lui : "En Lui, par Lui, avec Lui".

La Résurrection du Christ doit nourrir constamment de ses énergies notre vie, de telle façon que, dans la joie ou dans la peine, nos mœurs soient toujours des mœurs de ressuscités. Cela, nous le croyons. Nous le disons dans notre "Credo", en confessant l'Esprit-Saint qui donne la vie. Mais contemplons nos visages : portent-ils quelque chose de cette lumière qui fit s'ouvrir les yeux des pèlerins d'Emmaüs ? Interrogeons nos actes, écou­tons nos propos ; est-ce qu'ils révèlent que nos cœurs sont brûlants parce que nous avons accepté que le Christ soit, à l'intime de nous-mêmes, notre compagnon de vie sur notre route d'Emmaüs ?
         
A chaque instant, nous devons réaliser cette identité chrétienne.
St Bernard invitait ses moines à se demander souvent, selon une vieille tradition : "Pourquoi es-tu là ? Qu'est-ce que tu fais là ?"
Il faudrait en ce moment - j'allais dire : d'ici la Pentecôte, pour la pré­parer, en imitant quelque peu les Apôtres rassemblés au Cénacle -, il faudrait non pas suspendre nos activités de toutes sortes, mais, ayant mis de côté celles qui sont secondaires, il faudrait nous interpeller : "Qui es-tu ? Fils de la Résurrection, est-ce bien là ton identité ?"
Pour sortir de l'inconsistance chrétienne où nous végétons souvent, il nous faut reprendre conscience de ce qui nous fait exister.

L'Evangile, dit-on parfois, n'apparaît plus aux yeux de beaucoup comme une "Bonne Nouvelle".
Il le deviendra dans la mesure où cette "Bonne Nouvelle" sera réellement la source, la joie, en même temps que l'interpellation permanente de nos propres vies.

Interpellation et pour nous-mêmes et pour les autres. C'est là une particularité de l'identité chrétienne que soulignait St Paul avec son assurance, sa hardiesse pour annoncer l'Evangile. Car le courage d'être ce que l'on est s'accompagne toujours et obligatoirement du cou­rage d'aider ses frères à se demander, à devenir ce qu'ils sont.
L'avez-vous remarqué ? Le premier geste des pèlerins d'Emmaüs, après qu'ils aient reconnu Jésus, a été (“à l'instant même”, précise St Luc) de rebrousser chemin pour crier aux onze Apôtres et à leurs familiers : “C'est vrai ! Le Seigneur est ressuscité !”.
L'"être chré­tien" se communique obligatoirement.
         
On emploie aujourd'hui un terme quelque peu bar­bare : on parle de "conscientiser". il s'agit par là de mettre les gens au fait de leur vraie situation de vie. N'est-ce pas le service qu'ont rendu aux Apôtres ces deux hommes qui venaient de découvrir que le Christ était vivant ? Ils les ont aidés à reconnaître, à prendre conscience qu'ils n'étaient pas des enfants perdus, ensevelis avec leur Maître dans le linceul du Vendredi-Saint, mais les pré­mices de l'Eglise sur qui allait passer le souffle de l'Esprit.
         
C'est évident : le moindre progrès dans l'attachement au Christ ressuscité suscite une plus grande attention aux autres.
Et, ce matin, je voudrais signaler une attitude à laquelle trop souvent nous ne pensons pas, et qui est peut-être à la base de toute action chrétienne. Pour aider ses frères à découvrir ce qu'ils sont, il faut d'abord porter sur eux un certain regard. Pour qu'ils prennent conscience de ce qu'ils sont, il faut avant toute parole, tout enseignement, prendre conscience et faire prendre conscience qu'ils existent en tant que chrétiens, “fils de la Résurrection”.
         
Et comme cela est rare ! N'avez-vous pas rencontré parfois des regards qui ne s'arrêtaient pas à vous, qui vous traversaient comme si vous n'étiez pas là. Comme sans intérêt, sans utilité. Qui donc est regardé pour ce qu'il est  ?
“Jésus, l'ayant regardé, l'aima”. Le jeune homme riche n'a pas totalement répondu à l'appel de ce regard. Du moins, par ce regard, fut-il révélé à lui-même.
Ima­ginons ce qui se passerait autour de nous si, connaissant enfin ce que nous sommes, nous saisissions en chacun de nos semblables ce qui fait pareillement son prix, pour maintenant et pour l'éternité.
Imaginons que nous ouvrions sur chacun ce que l'Apôtre Paul nomme “les yeux illuminés du cœur”. Que d'êtres, que de pauvres êtres (car nous souffrons tous de quelque pauvreté) commenceraient alors à exister.
On l’a dit (la philosophe Simone Weil) : l'amour qu'un tel regard produit, a le pouvoir de tirer quelqu'un de sa solitude, de son désespoir, du mépris dont il était entouré, de l'insignifiance à laquelle il se croyait condamné. Ce regard-là s'apparente au geste créateur de Dieu.

Peut-être nous demandera-t-on : "Pourquoi me regardez-vous ainsi ?" - Qu'on nous pose donc cette question. Elle sera la preuve que l'Evangile est devenu pour nous, en nous, la “Bonne Nouvelle”. -
 Pourquoi je vous regarde ainsi ? Parce que, c'est vrai, le Seigneur est re­suscité, et que nous sommes tous fils de la Résurrection.

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