13ème Dimanche du T.O. B -
Jésus est à nouveau sur le bord du lac de
Tibériade où, une fois encore, une foule nombreuse se rassemble autour de lui.
Et de cette foule, se détache Jaïre, le chef de la synagogue locale, qui vient
vers lui et tombe à ses pieds.
C'est bien la première fois, dans
l'évangile, qu'un homme - et de plus un responsable religieux ! - ose une telle
démarche publique ! Mais, quand ce que l'on a de plus cher au monde, son
enfant, est en train de mourir, aucun préjugé ne peut vous arrêter ! On est
prêt à tout tenter ! Evidemment ! Ce père, ce chef de synagogue, sans fausse
honte, supplie Jésus de venir chez lui pour imposer les mains sur sa petite
fille afin, dit-il, “qu'elle soit
sauvée et qu'elle vive !”. "Afin qu'elle soit sauvée et qu'elle
vive !". N'est-ce pas, finalement, notre propre souhait et pour soi-même,
et pour ceux qui nous sont chers, et pour chacun de nous ? Une grande parole de
foi à répéter souvent ! Afin d'être sauvé et de vivre !"
Alors, laissant la foule qui continue à
l'écraser, sans dire un seul mot, Jésus part avec Jaïre. Mais, à peine
ont-ils fait quelques pas que des gens viennent chuchoter à l'oreille de ce
père souffrant : “Laisse tomber ! Ce n'est pas la peine de déranger ce maître
guérisseur, ta fille est déjà morte ! Il ne peut plus rien pour toi !”.
Il y a de l'ironie cruelle dans ces propos
qui étouffent la petite flamme de foi et d'espérance qui brulait encore dans le
cœur de ce père... C’est assez courant, n’est-ce pas, de confondre l’espoir
humain et l’espérance en Dieu.
Et pourtant, toute la Bible crie
l'Espérance, une Espérance têtue, plus vivace que tous les défaitismes. Non pas
l'espoir qu'inventent les hommes pour ne pas mourir. Mais, avec le Christ
souvent silencieux mais qui marche à nos côtés comme il a marché avec Jaïre,
l'Espérance vient au secours de l'espoir comme on greffe un rameau sauvage.
L'Espérance dit à l'espoir : "Tu ne te trompais pas. Le seul tort de
ton rêve, c'est d'attendre trop peu... et plus profond". Peut-être,
parfois, faut-il que l'espoir craque pour que commence l'Espérance. La foi est
parfois un doute surmonté ; l'Espérance est souvent un désespoir surmonté !
Toute la Bible crie cette Espérance ; elle
fourmille d'"évènements" qui se retournent et deviennent
"avènements". La Bible - Parole de Dieu - n'est pas un conte de fées
pour "bibliothèque rose". Le tragique de la vie n'est pas gommé. Il
garde tout son poids de sang et de larmes. Et au moment où l'on aurait le plus
besoin que Dieu parle, Dieu se tait comme Jésus sur le chemin en compagnie de
Jaïre. Mais cependant, avec lui, il y a toujours cette Espérance. "Espérant contre toute espérance",
disait St Paul ! (Rm
4.18).
Cependant, Jésus a entendu ces paroles
désabusées et fatalistes des amis de Jaïre. Alors, aussitôt, il conforte
l'espérance qui est dans le cœur de ce pauvre homme effondré : “Ne crains pas, crois seulement !”.
Jésus l'invite à ne pas se laisser décourager par les sceptiques qui ricanent
doucement en pensant : “Il y croit encore !”. Il l'invite à dépasser sa
désespérance et à faire un acte de foi. Croit-il, oui ou non, que lui, Jésus,
peut vaincre le pouvoir de la mort ? "Dieu
seul, dit souvent la Bible, a les
issues de la mort elle-même" !
Aussi, la situation est très tendue. Arrivé
à la maison de Jaïre, Jésus lui-même se heurte aux manifestations bruyantes du
deuil tel qu'il est vécu en Orient : des gens qui se lamentent à grand
renfort de cris et de pleurs. Désolation des hommes face à l'impasse de la
mort. Mais, "Dieu seul a les
issues de la mort !", Lui qui "n'a
pas fait la mort", nous a dit le livre de la Sagesse (1ère lecture), mais qui "a créé l'homme pour une existence
impérissable".
“Pourquoi
tout ce bruit et ces pleurs, dit Jésus, l'enfant n'est pas morte, elle dort !”. Propos surprenants qui, vous
l'imaginez, ne manquent pas de susciter moqueries et haussements d'épaules.
Mais, Jésus sait, lui, qu'il est venu pour libérer l'homme de cette mort qui
nous hante, qu'il est venu creuser une brèche dans ce mur sur lequel toutes les
théories du bonheur se brisent, impuissantes. "Dieu seul a les issues de la mort !".
Une fois entré dans la maison de Jaïre,
Jésus prend la main de la fillette et lui dit en araméen, sa langue maternelle
: “Talitha koum ! Petite fille, lève-toi
!”. Ce récit, on le pressent, a une saveur pascale ! Jésus est celui qui
saisit la main de notre humanité, couchée dans le sommeil de la mort et qui,
par sa parole, la relève, la met debout. Par ce geste, Jésus annonce ce qu'il
réalisera pour tous les hommes. La petite fille de Jaïre se “réveille” comme
Jésus “s'éveillera” vivant, mais pour toujours, dans la lumière du matin de
Pâques. Oui, "Dieu seul a les
issues de la mort !".
Jésus demande de ne pas ébruiter ce geste
prophétique. Il n'est pas un bateleur de foire, il n'est pas venu pour
accomplir des prodiges spectaculaires mais pour inviter l'homme à croire.
Croire que Dieu ne veut pas la mort de l'homme mais lui donner la vie. "Dieu seul a les issues de la mort
!".
Lève-toi ! Dieu t'appelle à vivre ! Ouvre
ton cœur à ses dons, à sa vie. Telle est l'invitation pressante
du Christ à chacun de nous. Croire, ce n'est pas se mettre à genoux devant un
Dieu désireux de “soumettre” l'homme à ses caprices. Croire c'est prendre la
main que Jésus, Dieu fait homme, nous pour que nous devenions des vivants afin
de marcher résolument ici-bas comme des vivants pour parvenir à Lui, Jésus,
“cet homme désormais debout dans sa gloire divine”, lui qui a les issues de
toute mort.
Chrétiens, il nous faut toujours prendre
parti pour la vie, annoncer le Dieu de la vie : "Je suis venu pour que les hommes aient la vie, dit Jésus, et qu'ils l'aient en abondance... Je suis
le chemin, la vérité, et la vie" (Jn 10.10 ; 14.6).
Etre de vrais vivants : nous développer
dans toutes nos dimensions, dans notre vie corporelle et physique, bien sûr,
mais aussi dans notre vie intellectuelle, affective, morale, spirituelle ;
avoir le souci de grandir en Jésus Christ, en nous nourrissant de lui, parole
de vie et pain vivant.
Etre de vrais vivants en donnant joie de
vivre à tous ceux qui sont aux prises avec la maladie, la solitude ou toute
autre difficulté. La 2ème lecture nous le rappelle : “Vous qui avez tant reçu de Dieu, que votre
générosité soit large à l'égard des plus pauvres que vous, à l'exemple de Jésus
qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour vous...”.
Etre de vrais vivants en luttant contre
ces forces de mort que sont la misère, la violence, l'indifférence.
Etre de vrais vivants, c’est être
sensibles, de quelque manière que ce soit, à la vie de nos frères…, être de
ceux qui ont mal aux autres !
Etre de vrais vivants, c’est garder
espérance en la Vie, la Vie de Dieu, proclamer sans cesse, malgré les
apparences contradictoires, que "Dieu
seul a les issues de la mort", de toute mort puisqu’il l'a prouvé
en son Fils mort sur la croix, mais toujours vivant.
Et remarquons encore : après avoir mis
la fillette debout, Jésus recommande de lui donner à manger. Beaucoup plus
qu'un signe de délicatesse, l'évangéliste suggère ici que Jésus nous invite, au
cours de chaque repas eucharistique, à recevoir ce qu'aucune loi sociale, aucun
organisme humanitaire ne pourra jamais nous donner : ce Pain de Vie, ce Pain de
Dieu, le Pain de Vie éternelle, puisque, déjà, il donne Vie par-delà la mort
elle-même.
Prenons la main que Jésus nous tend pour
nous mettre debout et vivre, déjà, éternellement.
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