dimanche 9 août 2009

Marche… ! - T.O. 12 imp. Vendredi - (Gen 17.1sv)

Un mot ! Une phrase : “Marche en ma présence et sois parfait !“ La vie est donc une marche. Déjà Platon, un païen, avait compris cette exigence : “Si petites que soient nos forces, il faut bien aller de l’avant !“ (Sophiste 261b). Et le leitmotiv de toute la Bible, c’est bien : “Marche avec ton Dieu, marche vers lui, le trois fois saint !“. Toute notre histoire se résume en cette invitation entendue comme un appel, une vocation : “Pars, marche !“.

Et, à la suite d’Abraham, “notre Père dans la foi“, le peuple issu de lui s’était mis à marcher, cahin-caha, à travers un désert, vers la Terre promise. Bien plus, une fois installé en cette “Terre promise“, il entendit cette parole divine, (si actuelle !) : “Tu n’es pour moi qu’un étranger, un hôte de passage“. Dieu voulait qu’il poursuive sa marche, grandisse dans son intimité afin de jouir au jour éternel et unique (1) de création et de re-création, du sabbat divin, du repos en Dieu ! Tant et si bien, comme l’a dit Bergson que “l’élément stable du christianisme, c’est l’ordre de ne jamais s’arrêter“. Le vrai croyant ne doit pas être un musard sur la route de son existence ! Oui, le grand danger, c’est de s’installer (matériellement, religieusement…), de renoncer à l’aventure du bonheur : “Va pour toi !“, avait dit Dieu à Abraham, autrement dit va pour ton bonheur, celui je désire pour toi mais non sans toi ; Marche !

Et à Abraham, Dieu promet une descendance plus nombreuse que les étoiles du ciel. Abraham croit, bien qu’il soit vieux ; et Sara aussi ! Mais comme toujours, après avoir parlé, Dieu se retire, comme l’Ange devant Marie après l’Annonciation : “Et l’ange la quitta !“. C’est beaucoup plus difficile de croire quand Dieu, ayant parlé une fois, se tait ensuite. Abraham croit… Mais le temps est long… Il dure, dure ! Le temps de la patience !

Et l’on sait comment Sara crut pouvoir résoudre ce problème de la durée en mettant dans les bras d’Abraham sa servante Agar. Et c’est la naissance d’Ismaël... Enfin nait Isaac qui veut dire : “Dieu rit, sourit !“. Et tout le monde rit ! Abraham sait déjà qu’il est face à un Dieu vivant, mais déconcertant…, parce que Dieu est Dieu et non homme ! A l’annonce de la naissance d’Isaac, Sara avait ri ! Et on lui avait dit : “Y-a-t-il quelque chose d’extraordinaire pour Dieu ?“, phrase qui résonne jusqu’à l’Annonciation à Marie : “Il n’y a rien d’étonnant pour Dieu !“. Phrase actuelle pour nous !

Et pourtant…, lorsqu’Isaac, le “rire de Dieu“ a grandi, résonne à nouveau le mystérieux “Va pour toi !“ : “prends ton fils, celui que tu aimes et va “pour toi“ vers le mont Moriah (racine de “voir“), le mont de la vision !“ ; “et là, tu l’offriras !“. Abraham va jusqu’au fond de l’absurde. Et, allant jusque là, il fait l’expérience, déjà, que Dieu “est le Dieu des victoires et que les issues de la mort sont à Dieu“ (ps. 68.21). “Si Dieu et pour nous, qui sera contre nous, lui qui n’a pas épargné son propre fils ?“ (Rm. 8.31). - “Puisque tu n’as pas épargné son propre fils“, avait dit Dieu à Abraham. C’est le même mot qui est employé. Aussi, l’épître aux Hébreux concluait : “Par la foi, Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac ; il offrait le fils unique, alors qu’on lui avait dit : “C’est par Isaac qu’une descendance te sera assurée…“ – - Même un mort, se disait-il, Dieu est capable de le ressusciter ; aussi, dans une préfiguration, il retrouva son fils…“ (Heb. 11.17). (2).

Voilà le sens du pèlerinage de toute l’humanité vers la Cité céleste dont Dieu est “l’architecte et le fondateur“ (Heb. 11.10). A travers l’histoire d’Abraham, “notre père dans la foi“, tout est dit de notre destinée. Il nous reste à le découvrir dans le concret de l’existence… Nous marchons sans savoir où nous allons. Et un jour viendra où nous serons, nous aussi, à notre mont “Moriah“ (de la vision). Et nous ferons l’expérience, au fond de l’absurde gouffre de la mort, que Dieu ne nous a pas quittés du regard. Et nous serons au seuil de cette vision de Celui qui nous voit et que nous verrons alors comme il nous voit : nous serons alors “divinisés“ : “nous lui serons semblables puisque nous le verrons tel qu’il est“ (I Jn 3.2). C’est toute la destinée de “notre Père dans la foi“… et la nôtre !

Ensemble, nous sommes tous des vagabonds, des gens de passage ici-bas. Et je pense que tous les horizons sont provisoires et que la terre elle-même, finalement, n’est ronde que pour être ouverte partout à l’immensité de l’univers…, à Dieu. Et j’espère qu’à l’heure même de ma mort, je marcherai encore…, enfant d’un avenir que Dieu m’offrira. Mon identité - je n’aime pas ce mot fermé - ne sera pas figé, car Dieu, Lui, d’une caresse de sa main, pourra le réveiller et lui donner jeunesse éternelle et inépuisable. Il nous donc faut marcher à la suite de Jésus. C’est lui le prince des vagabonds. Lui non plus n’avait pas d’identité identifiable avec nos mots et nos cases. Certes, les sbires qui l’ont arrêté un Jeudi soir devaient bien savoir à peu près quel était son gabarit et s’il pesait lourd quand on le tabassait. Mais son regard était insoutenable… Et le dimanche matin, impossible de le retenir ! Lui aussi disait : “Je vais… Je vais chez mon Père et votre Père…”.

Je ne suis sans doute que de passage parmi vous. Alors dites-vous : dans quelques années - elles passent vite ici-bas -, vous trouverez, je l’espère, ma carte d’identité au bureau des objets perdus dans la Jérusalem céleste. Casier : vieux pèlerins. Mais là, il n’y aura plus d’électricité, ni même de soleil, car Dieu sera toute Lumière… Les murailles seront de pierres précieuses, dit St Jean (Apocalypse). Vous serez fascinés ; et vous n’aurez plus aucune envie d’aller contrôler les papiers du “monde ancien”. Alors, je vous en prie, aidons-nous à marcher tous ensemble… Notre seul et principal rendez-vous est chez la fiancée de Dieu, l’Eglise, pour les noces éternelles.
  1. “erad“ en hébreu.
  2. St Paul dira : “Abraham est notre père devant Celui en qui il a cru, le Dieu qui fait vivre les morts et appelle à l’existence ce qui n’existe pas. Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi “le père d’un grand nombre de peuple“ (Gen 15.5).

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