13e Dimanche du T.O. 20
"Qui vous accueille m'accueille; et qui m'accueille, accueille
Celui qui m'a envoyé".
Arrêtons-nous sur cette
invitation de l'Evangile que nous aurons peut-être à mieux pratiquer en ces
semaines d'été qui arrivent.
L'accueil, l'hospitalité, sans
même faire référence à l'Evangile, est d'abord une grande réalité humaine.
Depuis très longtemps, on y voit un des traits marquant d'un peuple civilisé.
On peut dire que la conception de l'hospitalité que se fait un peuple marque le
degré de sa civilisation. Il est intéressant d’ailleurs de remarquer que dans
beaucoup de langues primitives, le même mot signifiait à la fois étranger et
ennemi. (En latin « hostis »
et « hospes » ont même racine !). Et la civilisation a franchi un pas décisif le jour où l'"étranger",
d'ennemi est devenu un "hôte", c'est-à-dire
le jour où la communauté humaine a été créée.
La civilisation et
essentiellement un ordre de choses où l'homme est respecté et aimé, et où il
est d'autant plus aimé qu'il est plus faible, plus isolé, plus malheureux. Au
contraire tout ordre de choses où le faible, où l'étranger est méprisé, rejeté,
supprimé n'est pas une vraie civilisation, quand bien même on u trouverai tous
les raffinements de la technique moderne.
Ainsi, tout homme doit s'efforcer
de supprimer le cri de Caïn, au seuil de l'histoire humaine, après son meurtre
: "je serai errant et fugitif sur la
terre (je serai un étager); et
quiconque me rencontrera me tuera"; car l'"étranger" est l'intrus, et instinctivement on veut
l'écarter. Le renversement, c'est le jour où on l'accueille comme un "hôte".
Mais à partir de la Révélation,
l'hospitalité prend une nouvelle signification, une dimension plus profonde,
car dans l'inconnu, dans l'étranger, dans celui que l'on accueille, réside un
mystère, le mystère de sa véritable personnalité, de son origine : il est une
créature de Dieu, il est enfant de Dieu ; il est, en un sens, l'envoyé de Dieu.
Et nous devons l'accueillir comme tel ; Dieu se cache en lui.
Vous vous rappelez certainement
le merveilleux épisode raconté dans la Bible où Abraham accueille avec un
empressement plein de bonté et de délicatesse ces trois hôtes mystérieux qui
étaient des anges représentant Dieu lui-même. Et l'épître aux Hébreux, se
référant à cet épisode biblique, demande aux premiers chrétiens : "N'oubliez pas l'hospitalité.
Quelques-uns, en la pratiquant, ont, à leur insu, accueilli des anges".
Rien ne rend Dieu proche comme le
prochain. Pour qui voit Dieu lointain, le prochain ne sera jamais bien proche ;
pour qui ne voit pas le prochain bien proche, Dieu restera toujours lointain.
Et pour celui-là l'étonnement sera grand au jour du jugement suprême : "Mais, Seigneur, quand nous est-il
arrivé de vous voir étranger et de ne pas vous avoir accueilli"? - Car,
en Jésus Christ, Dieu s'est fait plus proche de nous encore : il s'est fait
l'un de nous. Jésus affirme que tout ce qui est fait au plus petit d'entre les
siens, c'est à lui qu'on le fait : "j'étais
un étranger et vous m'avez recueilli". Parole bouleversante qui nous
montre Jésus lui-même dans cet étranger devant lequel nous serions tentés de
passer sans faire attention.
Bien sûr, cela n'empêche pas une
certaine prudence. Et un auteur des 1ers siècles (Didachè
1-13) demandera qu'on mette à l'épreuve les visiteurs inconnus. S'ils ne
travaillent pas, leur séjour sera court ; s'ils demandent de l'argent ou des
vivres pour les pauvres, on tiendra compte de leur demande ; mais s'ils
demandent pour eux-mêmes, on rejettera leur supplique.
Prudence, oui ! Mise à l'épreuve
de visiteurs suspects, oui ! Mais sans oublier le sens profond de l'hospitalité
; car l'hospitalité dépasse celui qui en est le bénéficiaire : ce geste atteint
Jésus et celui-là même qui l'a envoyé : Dieu lui-même.
Un autre motif à l'hospitalité
généreuse, à la charité attentive à tous les besoins, c'est notre propre
condition d'étrangers ; car nous sommes tous des étrangers sur cette terre. Les
chrétiens ne peuvent que répéter ce que David disait dans sa prière : "Devant toi, Seigneur, nous sommes des
étrangers et des résidants, comme le furent tous nos pères". St Paul
et St Pierre poursuivront : "Domiciliés
dans le corps, nous restons en exil loin du Seigneur", "tels des étrangers ou des exilés qui
ne résident que passagèrement dans un pays qui n'est pas le leur". -
C'est pourquoi les chrétiens ne s'installent pas ici-bas ; ils ne doivent pas
aimer ce qui est dans le monde. En profondeur,, ils n’ont qu'un désir : "partir pour être avec le Christ",
comme disait St Paul, "aller
prendre domicile près du Seigneur", lui qui leur a promis qu'il y avait de
nombreuses demeures dans la vaste Maison du Père; et que là où il serait, ils y
seraient eux aussi.
Dès lors, la vie présente, délai
ou séjour provisoire avant la rencontre définitive ne peut être envisagée que
comme une pérégrination. Les croyants sont des pèlerins, des "paroissiens",
c'est-à-dire des étrangers qui résident loin de chez eux. Dès lors, ils doivent
s'entraider les uns les autres.
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