5ème Dimanche de Pâques 20.A
"Ne soyez donc
pas bouleversés"!
Comme le Seigneur connait bien le fond du cœur de l'homme
toujours prompt à s'inquiéter, guetté sans cesse par le trouble, l'anxiété, le
désarroi.
Il faut reconnaître pourtant
qu'il y avait bien des raisons pour les Apôtres d'être bouleversés, au moment
où Jésus leur adressait ces paroles .
- Il venait de leur annoncer la trahison
de Judas : quel est le cœur qui ne serait pas meurtri par une défection ?
- Il venait de leur annoncer le
reniement de Pierre : quel est le cœur qui ne serait pas blessé par un
abandon ?
- Il venait de leur annoncer sa
propre mort imminente : quel est le cœur qui ne serait pas broyé par la
mort d'un être cher ?
Oui, Il leur annonçait sa mort,
ou plutôt son départ vers une destination mystérieuse, départ qui, apparemment,
allait les laisser seuls :
une solitude douloureuse après
trois années d'intimité avec ce Maître incomparable ;
une solitude redoutable, car,
après son départ, il leur incomberait une mission difficile à remplir dans un
monde indifférent et hostile (Et c’est encore la situation de bien des
chrétiens !)
Vraiment, les Apôtres avaient
bien des raisons de s'affliger, de s'inquiéter, de se troubler ! Et Jésus le voyait
bien sur leurs visages! Alors, avec l'exquise délicatesse de son cœur d'homme,
Notre Seigneur comprend les questions angoissées de ses amis! Et cette délicatesse
et la hâte qu'il met à dissiper la tristesse de ses Apôtres trahissent à quel
point il les aime, traduisent la compréhension de nos propres souffrances de
cœurs d'homme !
Car, c'est à nous qu'il répète
encore aujourd'hui, avec une infinie tendresse : "Ne soyez donc pas bouleversés"!
N'est-ce-pas la première parole
que Dieu adresse toujours à tous ceux qu'il appelle :
"Ne crains pas", avait-il dit à Moïse au buisson ardent !
"Ne crains pas", avait dit l'Ange à Marie, puis à
Joseph!
"Ne soyez donc pas bouleversés", nous dit-il toujours !
Jésus ne veut pas de disciples
tristes et inquiets, même dans les circonstances douloureuses, dramatiques.
"Pourquoi craignez-vous, hommes de
peu de foi ?" avait-il dit à ses Apôtres.
Et pourquoi ce conseil ? Pourquoi
ne pas craindre ?
Parce que l'heure est venue pour les Apôtres
- comme pour chacun d'entre nous - de faire cet acte de
foi : "Vous croyez en Dieu;
croyez aussi en moi!"
La foi ! C'est la grande leçon de ce passage
d'Evangile que nous venons d'entendre ! "Croyez en moi"! C'est la foi seule qui peut sauver les
disciples, à cette heure de la séparation et dans les terribles heures qui vont
suivre, et tous les jours de leur vie.
Et ces paroles s'adressent à
nous comme aux Apôtres. La foi seule peut nous faire dominer la crainte,
surmonter les épreuves de toute vie humaine, et surtout nous faire percevoir le
sens de cette vie, de notre vie, son but, malgré les larmes qui, parfois,
troublent l'œil intérieur de notre foi !
Encore faut-il bien discerner :
La foi n'est pas affaire uniquement
de sentiments, comme aimeraient nous le faire comprendre certains groupes
"charismatiques" !
La foi n'est pas uniquement le
résultat d'une construction intellectuelle, "théologique", comme
certains veulent l'analyser de façon très brillante.
La foi est avant tout
une "expérience"
qui englobe toutes nos facultés,
une "expérience"
de quelqu'un, du Christ,
une "expérience"
d'amour, comme l'a si bien éprouvée et traduite Ste Thérèse de Lisieux, par
toute sa vie,
une "expérience"
de relation, sollicitée tant aux plus savants qu'aux moins savants…, et même à
la plus ignorante comme aimait se designer Ste Bernadette de Lourdes !
une "expérience"
analogue - St Paul le soulignera - à
l'amour humain, amour si défaillant ici-bas, mais amour qui trouvera sa
plénitude dans la vie divine. Dieu Père
nous aime de toute éternité, amour qu'il a voulu nous signifier par l'incarnation
de son Fil - le "Verbe de Dieu" -, amour qu'il veut nous transmettre
par leur Esprit commun !
Car Notre Seigneur ajoute : "Je pars vous préparer une place! Et là
où je suis, vous y serez aussi".
Il s'agit donc de croire en
Jésus comme en quelqu'un qui a pouvoir sur la mort - et sur tout ce qui est
signe de "mort" en nos vies, sur nos souffrances -. Il
nous donne rendez-vous au-delà de tout cela. C'est le fondement
même de notre foi chrétienne : "si
le Christ est ressuscité, vit, disait St Paul, nous aussi nous ressusciterons,, nous vivrons !".
Notre vie d'ici-bas ne débouche
pas sur le néant, sur le vide, malgré ce terrible passage qu'il nous faudra accomplir
de la mort à la vie, terrible passage comme celui du Christ lui-même, terrible
passage qu'annoncent et préparent tous ces passages que nous faisons - bon gré, mal gré, parfois - du mal
au bien, de la tristesse à la joie, bref, tous ces passages de tout ce qui est
"mort" à nous-mêmes et en nous-mêmes à une plus grande plénitude de
vie. Oui, "il nous faut marcher, comme Lui-même, le Christ a marché",
disait St Jean. Lui, le premier, il a
marché vers sa Pâques, il a fait le "passage". Et maintenant, il nous
attend ; il nous prépare une place au lieu de son "passage"!
Mais comment le Seigneur peut-il
nous préparer une place près de son Père ? St Augustin nous donne une réponse
qui retourne les perspectives, comme Notre Seigneur lui-même le faisait si
souvent avec son humour paradoxal : "Le
Christ prépare les demeures de ses disciples en préparant des habitants pour ces demeures. Car n'a-t-il pas dit : si
quelqu'un m'aime, il gardera ma Parole et mon Père l'aimera; et nous viendrons
chez lui ; et nous ferons chez lui notre
demeure.
Vous le voyez bien, ajoutait St
Augustin : "il y a un lien très profond
entre ces deux "demeures" dont parle Jésus: entre la demeure qui nous
attend dans la maison du Père, au ciel où il nous prépare une place, et la
demeure intime de la Sainte Trinité en nos âmes, sur la terre. C'est bien par
cette demeure réalisée en nos âmes, dans l'obscurité de la foi, que le Seigneur
nous prépare des demeures éternelles, dans la maison du Père". -
Autrement dit, c'est dans la
mesure où, ici-bas, nous accueillons le Christ, en vivant comme Lui, en fils
pour le Père et en frères pour tous les hommes, que nous serons accueillis près de Lui au ciel, près de son Père !
Oui, en accueillant le Christ en
nous, nous goûterons avec joie, avec intelligence, malgré les épreuves de nos
vies, nous goûterons ces paroles de vérité et de vie : "Ne soyez donc pas bouleversés! Vous croyez en moi! Alors, vous
croyez aussi en Dieu ! - Vous m'accueillez!
C'est déjà Dieu que vous accueillez! - Vous me voyez ! Alors, vous voyez
aussi le Père" - Et nous serons
dans la paix, car, déjà, nous comprendrons
que voir le Père, c'est l'unique nécessaire; et "cela nous suffit !
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