dimanche 11 août 2019

Marche !


Dimanche 19/C

Au 13e siècle, un enfant, élevé dans un monastère, entendait les moines parler de Dieu ; alors, il demandait : "Qui est Dieu ?" L'histoire ne dit pas les réponses ! Mais elles ne furent pas satisfaisantes car l’enfant reprit la question sa vie durant : "Qui est Dieu ?"
                 
Cette question, nous nous la posons tous. Car nul n'a jamais vu Dieu. Mais comment se fait-il alors que nous l'aimions? Qu'est-ce que cette foi qui nous met en relation avec Dieu ?

La 2de lecture – la lettre aux Hébreux – fait allusion aux premiers croyants. Dans un monde très différent du nôtre, eux non plus n’avaient pas vu Dieu !  Pourtant, ils avaient élevé des temples à des divinités nombreuses. Et, sans doute, Dieu reconnaissait-il dans leurs prières malhabiles la démarche tâtonnante d'une humanité en recherche.
         
C'est alors que Dieu parla à Abraham. Il lui dit : "Marche en ma présence et trouve ton bonheur"  (litt. "Va pour toi" !). Marche, parcours le monde, regarde : partout tu es dans mon domaine. Car c’est moi le Créateur de tout ce que tu vois ! Partout tu es chez moi. – Alors, va, marche en ma présence, car je t’ai créé non pas seulement pour regarder le monde, mais pour me connaître, et…, finalement, pour vivre avec moi, comme un ami.  "Marche en ma présence pour trouver le vrai bonheur"
         
"Abraham obéit à l'appel de Dieu. Il partit sans savoir où il allait...". Et le texte poursuit : "C'est dans un campement qu'il vivait...".  Dieu lui fit quitter les villes pour devenir nomade. Et non seulement lui, mais aussi son fils Isaac et tous les fils après lui… Ils vivaient sous la tente, n’ayant pas ici-bas de demeure permanente.

Ce faisant, ils répondaient à l'appel de Dieu et ils étaient comme des voyageurs à la recherche d'une patrie. Marche mystérieuse, d'autant que le texte précise : "Tous, ils sont morts sans avoir vu la réalisation des promesses. Mais, dans la foi, ils l'avaient vue et saluée de loin, affirmant que sur la terre ils étaient des étrangers et des voyageurs".

Le texte que je viens de commenter brièvement nous indique bien : Plutôt que de nous dire comment on connaît Dieu, il souligne comment des hommes ont vécu dans la foi : ils vivaient comme tous les hommes fondant des familles de bergers ou de rois, de prophètes ou d’artisans et que sais-je encore…. Mais leur vie répondait à l'appel adressé à Abraham : "Marche en ma présence et tu seras heureux, parfaits".  ls vivaient sur la terre, et cependant, leur regard atteignait plus loin que ce que les yeux pouvaient voir. Ils vivaient comme s'ils voyaient l'invisible…, cette "cité dont Dieu seul est l’architecte et le fondateur".
                 
L'auteur de ce texte évoquait cette nuée de témoins. Il vivait, lui, quelques années après la résurrection de Jésus, et, déjà, il voyait de ses yeux une première réalisation des promesses faites jadis à Abraham.
Et pour nous, tous ces témoins, ce sont encore patriarches et prophètes, mais, bien plus, les légions de chrétiens qui se sont succédé depuis les Apôtres et les martyrs. Et cette foule immense de chrétiens dont nul jamais n'écrira la vie, ont bien appliqué cette consigne de Dieu : "Marche en ma présence et sois heureux, parfaits". Eux aussi, savaient que Dieu les appelait, et ils se sont efforcés de vivre comme s'ils voyaient l'invisible.
                 
D'eux, comme des patriarches, on peut dire : "Dans la foi ils moururent sans avoir, sur terre, obtenu la réalisation des promesses ; mais dans la foi ils l'avaient vue et saluée de loin...". Aussi Dieu est leur Dieu. Et Jésus, le Ressuscité, les accueillera.
                 
Les paroles de Jésus dans l'Evangile ravivent en nous cette espérance que la foi enracine en nos cœurs.
"Soyez sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume"  "Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour de noces".

Nous vivons dans l'attente. Certes, nous avons une tâche à remplir sur la terre, surtout auprès de ceux qui sont près de nous. Mais, quelle que soit l'importance de cette mission, nous attendons plus et mieux. Etrangers et voyageurs sur terre, nous attendons "ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme…" (I Co. 2. 9). Nous attendons l'heure où le Seigneur paraîtra, et nous redisons les paroles du Psaume : "Notre âme attend le Seigneur. Il est notre aide, notre protection".

Et je repense à l’enfant dont je vous parlais. Il demandait : "Qui est Dieu ?". Quelques années plus tard, cet enfant était devenu un grand théologien. Il s'appelait Thomas d'Aquin. Et même alors, il ne cessait de se demander: "Qui est Dieu ?"
Car nul - si savant ou si saint qu'il soit - n'a jamais vu Dieu. Mais, parce qu'il appartenait à cette immense famille des enfants d'Abraham, il continuait de chercher Celui qui l'avait appelé.

Qui est Dieu? Il est celui qui nous appelle et qui nous guide, celui qui a, un jour, éveillé votre cœur et le mien ; Il est là encore ; il nous presse, sachant que si "il presse, il n’oppresse jamais",, disait le grand François de Sales, se démarquant en cela de la doctrine janséniste avec leur aberration de la prédestination quelle qu’elle soit. Dès lors, je ne puis que redire avec vous le mot du psalmiste : "Mon âme a soif du Dieu vivant !".(Ps 41)


Et pour témoigner moi-même, je dirais avec humour : Qui est Dieu ? C'est celui qui m'appelle, qui vous appelle… Et vous pourriez dire comme moi, à quelques nuances près…

Le jour de ma naissance, le secrétaire de mairie mit ses lunettes et inscrivit mes nom et prénom sur le registre d'état civil. J'avais père et mère, des aïeux paysans à perte de vue ; et les cellules de mon corps nouveau-né portaient déjà une programmation précise.

Cependant quand je regarde ma carte d'identité, quand je pense à mon héritage de chromosomes, je me dis : C'est moi et ce n'est pas moi. Car mon identité est aussi devant moi. Mon identité "personnelle", je suis en train de la bricoler, tout au long des jours, sans idée absolument précise… Les rencontres, les événements, les recherches avec d'autres, tout concourt à ébaucher ce pauvre "visage d'éternité" qui recueillera un jour, je l'espère, ce que ma vie voulait être. J'espère qu'à l'heure même de la mort, je serai encore à attendre et espérer, enfant d'un avenir que Dieu m'offrira pour être vraiment à son "image et ressemblance", avec toute une foule fraternelle et jubilante.
         
Et aujourd’hui, je voudrais suivre Jésus, même de loin, même en traînant les pieds. C'est lui, le prince des vagabonds. Ne lui demandez pas ses papiers d’identité. Ce serait déplacé ! Il n'a pas d'identité identifiable avec nos mots et nos cases. Les sbires qui l'ont arrêté un jeudi soir devaient bien savoir à peu près quel était son gabarit et s'il pesait lourd quand on le tabassait, mais son regard était insoutenable... et le dimanche matin, impossible de le retenir.
         
Et depuis lors, à toutes les cartes d'identité, je préfère les déclarations d'exode. Et je ne suis pas seul. Comme Abraham ! Son livret de famille, c'était "les étoiles du ciel" et "les grains de sable sur le rivage de la mer".

Et puis, si je déclinais mon "identité chrétienne", avec tous les signes particuliers éthiques et dogmatiques, spirituels et ecclésiaux, j'aurais peur de "faire honte" à Dieu !…

A ceux qui parfois me demandent aimablement: "Comment allez-vous ? je réponds malicieusement et simplement : "Je vais… !".
Bien sûr, j'ai mon baluchon, il est encombré de bricoles et de moi-même. Mais je vais et c'est ce qui est le plus important. Je vais vers ma nudité dernière que Dieu réveillera de sa lumière éternelle… devenant pleinement frère de Jésus, l’artisan de Nazareth, celui qui a dispersé son identité sur les visages des affamés, des persécutés, des prisonniers, des malades... pour les siècles des siècles. Vaste famille de Celui qui est "Notre Père", non pas en engendrant mais en libérant.

Alors, avec foi, à la suite de nos ancêtres, donnons-nous rendez-vous auprès de Celui qui sans cesse me dit et vous dit : "Marche en ma présence pour être heureux et parfait". Marche vers cette cité dont Dieu seul est l’architecte et le fon,dateur… Et au jour éternel, nouus verrons, dit St Jean, "nous serons semblables à Dieu parce que nous le verrons tel qu’il est".

Aucun commentaire: