dimanche 25 août 2019

La "porte étroite"


21e Dimanche du T.O. 19/C


“Seigneur, n'y aura-t-il que peu de gens qui seront sauvés ?”,

La question surgit de la curiosité, peut-être de l'inquiétude.
Elle était passionnément débattue par les intellectuels du temps de Jésus.  Et depuis lors, cette question a fait couler beaucoup d’encre ! Slogan des sectes à la mode, elle fut sous-jacente au jansénisme qui fit tant de mal en notre Eglise de France !

Mais que veut donc dire Jésus ?

D’abord, il ne se laisse pas entraîner, lui, par ce jeu des questions sans doute excitantes pour l'imagination, mais stériles pour la vie. Il répond malicieusement : “Efforcez-vous donc d'entrer par la porte étroite !”, par cette porte étroite que votre question suggère ! Et vous verrez ! Et Jésus de s’en expliquer par la parabole qui suit.

Il fait ainsi, car il ne veut pas
+ qu’on se réfugie dans d'interminables débats théoriques,
+ qu'on s'évade de ses responsabilités concrètes,
+ qu'on se projette dans l'avenir pour mieux fuir le présent. L'important n'est-il pas de savoir ce que chacun fait ou ne fait pas aujourd'hui, pour entrer dans le Royaume ? L'avenir, c'est surtout le présent. Il se construit maintenant.

Car il y a des questions dont on peut discuter indéfiniment pour se dispenser de vivre le quotidien :
+ “La fin du monde, quand sera-t-elle ?
+  Avec le nucléaire, la pollution…, n'est-ce pas pour bientôt ?
+ Et l'enfer, le ciel, qui ira ? Qui n'ira pas?...”.

Avec légèreté, les réponses sont formulées, ridiculement souvent, alors que la réponse divine a été donnée depuis longtemps. Isaïe (1ère lecture) la rappelle. Il  annonce l’intention de Dieu : “Je viens rassembler les hommes de toutes nations et de toutes langues”.

En Dieu, un seul désir : voir toute l’humanité parvenir à la réussite. Hors de cette volonté unique de salut universel, toute supposition d’une quelconque ségrégation de la part de Dieu ne peut être que blasphématoire.

Si nous voulons à tout prix que Dieu soit un juge sévère qui trie et exclut pour privilégier un petit nombre, cela vient de nous et de notre incapacité à entrer nous-mêmes dans un amour universel, dans cet amour divin qui veut rassembler toutes les nations.

Un tel amour, nous avons du mal à l’imaginer. Et c’est nous qui mettons une “porte étroite”.

Même dans nos vies familiales, à plus forte raison dans nos rencontres sociales, nous sentons combien notre égoïsme, nos petitesses perturbent nos relations : si ce n’est le règne de la jalousie,  des rivalités, l’attrait du pouvoir quel qu’il soit, c’est le souci d’une tranquillité, la peur d’un engagement dérangeant.

Et inconsciemment, nous trions avec soin nos relations. Et, en l’occurrence, trier consiste à exclure, à poser une "porte étroite" ;. Et nous disons que les amis se comptent toujours sur les doigts d’une main et que la réussite d’un couple tient de la loterie, et que sais-je encore…  La "porte étroite" de notre existence nous sécurise !

Et très abusivement, c’est bien cette douloureuse expérience-là que nous projetons facilement sur Dieu lui-même ! Nous le voudrions incapable, lui aussi, d’amour universel pour pouvoir le rendre responsable du “petit nombre d’élus”…

Et Jésus de lancer avec un humour grinçant : “Efforcez-vous donc d’entrer par cette porte étroite”. Et c’est vous qui ferez des exclusions. Alors que beaucoup viendront de l’orient et de l‘occident, du nord et du midi !

En Dieu, il ne peut en être qu’ainsi !  D’ailleurs Jésus, lui, accueille tous les hommes, même les pécheurs ; il accueille avec compréhension et exigence tout à la fois. A la femme adultère, par exemple, qui n’entre certes pas par notre "porte étroite", il dit : “Moi non plus je ne te condamne pas”. Cependant il ajoute : “Va et ne pèche plus !”.

C’est ici que l’on mesure la grande liberté de Jésus. Il ne condamne pas, il n’exclut pas ! Mais il invite à un effort vers plus de vérité, cette vérité qui est l’une des autoroutes du ciel et que nous voulons rétrécir par la porte de notre existence étriquée qui oblige à une sélection. Et Jésus semble dire à chacun : "si vous voulez entrer par cette porte, c’est vous qui excluez !".

A un autre niveau de notre cœur rétréci, nous sommes encore piégés par notre propre expérience mesquine.
Lorsque, malgré tout, nous voulons aimer tout le monde, nous sommes tentés de tout aseptiser dans nos relations en évitant très soigneusement les sujets difficiles, les questions qui "fâchent".. C’est si facile ! Nous refusons la vérité qui exige souvent discussions légitimes, affrontements nécessaires, et cela, parfois, au prix de beaucoup de démissions.
Nous a vons le sentiment d’aimer tout le monder ; mais c’est une illusion ; en fait, la “porte étroite” de notre cœur est si bien verrouillée que peu de monde ose la franchir.  On reste dans un monde imaginaire où plus personne, bien sûr, ne condamne personne, puisque personne n’est véritablement reçu !

Alors, - pire aveuglement -, nous voulons imaginer un Dieu à notre image qui, pour nous aimer tous, nous blanchirait artificiellement et refuserait de tenir compte de tout ce qui en nous est un obstacle à aimer “en vérité”, comme Dieu aime !
“Il suffit d’aimer”, disait Ste Bernadette ; il suffit de lutter pour plus de vérité et de la chercher inlassablement, largement, ensemble, en Eglise !.

Aussi Jésus répète : “Efforcez-vous donc de passer par la porte étroite” de votre cœur. Et vous serez rejetés selon les critères que vous disposez vous-mêmes ! Car vous n’entrerez pas dans le Royaume grâce à des recommandations, titres, diplômes, à des savoir-faire,  ni même à des dévotions multiples ! Ni parce que vous êtes de telle catégorie sociale ou religieuse : traditionaliste ou progressiste, et que sais-je encore ! “Je ne sais d’où vous êtes”, nous sera-t-il dit ! Car la terre avec ses catégories aura disparue, nous dit déjà l’Apocalypse. Dieu sera tout en tous !

Quand Jésus invite ainsi ses disciples à “passer par cette  porte étroite”, lui-même est en route vers Jérusalem. La ville est à l'horizon. Elle sera pour lui la ville de la souffrance, de la mort et de la résurrection. Il y sera victime des cœurs trop étroits. Mais il sera surtout témoin de son immense amour pour Dieu, son Père, et pour les hommes.

La voilà bien la véritable porte : "Je suis la porte des brebis", avait-il dit. Porte de lumière qui ouvre sur l'humanité entière et sur Dieu que Jésus appelle "son Père" et "notre Père", tandis que la porte étroite reste de notre côté, à cause de nos lenteurs, de nos refus, de notre égoïsme.  N’en accusons pas Dieu lui-même.

Les élus et les non-élus dont parle Jésus, ils sont chez nous, sur notre terre et nous sommes tous du nombre. Tous appelés à emprunter les chemins du courage et de la recherche de la vérité, de l’amour. Soyons nombreux à nous décider pour ce chemin-là, à la suite de Jésus.

Et allons crier comme le proclame la 2ème lecture :
"Redonnez de la vigueur aux mains inertes et aux jambes qui fléchissent ;
Nivelez la piste pour y marcher.
Aini celui qui boite ne se tordra pas le pied ; bien plus, il sera guéri".

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