Saint-Sacrement
18/B
"Faites
ceci en mémoire de moi" - "Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus,
nous célébrons ta résurrection ; nous attendons ton retour dans la gloire".
Jésus est parti et il doit revenir
; pourtant, il est toujours présent.
En d'autres termes, Jésus est
présent et dans le souvenir et dans l'espérance. Jésus est derrière
nous, devant nous et parmi nous.
La foi chrétienne est en perpétuelle
tension dialectique entre ces trois pôles : passé, présent, futur. Le chrétien
est un homme qui, d'un seul mouvement, doit regarder en arrière, en avant et
par terre, si je puis dire.
-
Qui ne regarde qu'en arrière, tombe dans un conservatisme stéril ;
- qui ne regarde qu'en avant glisse
infailliblement dans l'utopie rêveuse ;
- qui ne regarde que par terre tombe
facilement dans la matérialisme.
Pour être homme du présent, le
chrétien doit être l'homme du passé et du futur. Sa foi doit être souvenir,
attente et engagement ; ou mieux engagement dans le souvenir et l'attente.
Or, l'Eucharistie que nous célébrons
particulièrement aujourd'hui exprime parfaitement cette réalité.
Oui, l'Eucharistie est bien
mémoire : "Faites ceci en
mémoire de moi".
Le chrétien se tourne alors vers le
passé pour mettre sa vie en référence avec celle de Jésus.
Célébrer l'Eucharistie de Jésus,
c'est donc signifier son accord avec son existence totalement vouée à Dieu son
Père et aux hommes. Les expressions "Corps
rompu" et "Sang versé"
désignent cette existence qui ne s'est ménagé aucune zone réservée, mais qui s'est
totalement mise au service de Dieu et des hommes... Et des hommes - donc de moi-même
- avec qui Dieu veut toujours faire
alliance comme hier au mont Sinaï et surtout comme hier, "une fois pour toutes" comme l'ont souvent dit les
apôtres (I
Pet 3.18 ; Rm 6.10 ; Heb. 9.11-28), par le mystère pascal du Christ, mort et
ressuscité !
Célébrer l'Eucharistie, c'est faire
mémoire de toute la vie du Ressuscité, en "rendre grâce", manifester
son accord. Jésus est notre référence.
Mais l'Eucharistie est aussi
"attente" : "faites
ceci jusqu'à mon retour". Jésus est parti pour revenir.
Sa manifestation aux hommes sera
alors totale et plénière. La foi est essentiellement espérance.
L'espérance n'est pas un espoir vague, encore moins un soupir rêveur.
L'espérance est l'attente de Jésus
avec la certitude qu'il viendra, et qu'il viendra manifester l'œuvre de
libération, de rédemption qu'il a accompli ici-bas, "une fois pour toutes", et qu'il veut manifester en
chacun d'entre nous. Et l'Eucharistie est comme le gage de ce retour du Christ
glorieux, qui sera "tout en tous",
comme dit St Paul (I
Co. 15.28).
Enfin, l'Eucharistie est présence
: "Ceci est mon Corps, ceci est mon
sang". Le Christ, a-t-on dit, est en agonie jusqu'à la fin du monde ;
oui, mais c'est tous les jours également qu'il sort du tombeau.
L'Eucharistie manifeste que la mort,
la résurrection du Christ, réalisées "une
fois pour toutes", sont tous les jours à l'œuvre dans la vie des
hommes. Le Christ meurt et ressuscite aujourd'hui sur les places publiques.
C'est ce que veut rappeler la présence du Christ dans ce mystère de l'Eucharistie.
La présence du Christ ! Et ici,
à ceux qui posent questions et même doutes sur cette présence du Christ dans
l'eucharistie, je répondrai : n'est-il pas déjà invraisemblable, extraordinaire
que Dieu, le grand Dieu, le trois fois Saint, l'Eternel, l'Insondable, le Créateur
de l'univers et que sais-je encore..., que ce Dieu se soit fait
"infans", ce bébé présenté par Marie et qui ne pouvait même pas parler,
lui le "Verbe de Dieu", "la Parole de Dieu" ? Impensable
déjà.
Oui, mais "y a-t-il une chose trop prodigieuse pour le seigneur ?",
avait-on demandé à Sara, l'épouse d'Abraham, à qui on annonçait qu'elle serait
mère malgré son âge avancé (Gen 18.25).
Oui, rien, dira l'ange à Marie à
propos de sa cousine Élisabeth, "rien
n'est impossible à Dieu' (Lc1.37) !
Rien n'est impossible à Dieu ! Pas
plus qu'il vienne en notre humanité par la maternité virginale de la Vierge
Marie que sous les humbles apparences d'un peu de pain et de vin, signes
permanents de vie !
Et puis, je vous ferai une
confidence. Les explications théologiques sont nombreuses sur ce point comme
sur bien d'autres. Elles m'ont souvent enthousiasmé, passionné. Mais désormais,
elles fatiguent ma raison. Je préfère, avec vous, rentrer humblement dans le
mystère d'un Dieu qui toujours se veut proche de l'homme. L'eucharistie est le
prolongement de l'incarnation.
Et j'ai été heureux de rencontrer
une femme, toute simple, ignorante des élucubrations dogmatiques, mais qui
était entrée dans ce mystère d'un Dieu proche ; avec simplement son chapelet à
la main, elle vivait du Christ eucharistique avec Marie, la mère de Jésus.
En tous les cas, voilà, en résumé,
ce que manifeste l'Eucharistie. Elle est présence du Christ d'hier, d'aujourd'hui
et de demain, du Christ qui, en nous, dans le monde, est à l'œuvre pour
que se manifeste pleinement sa gloire de Ressuscité et celle des enfants de
Dieu, créés que nous sommes "à l'image et ressemblance de Dieu"
(Gen
1.26-27 ; 2.7).
C'est dire l'importance de l'Eucharistie
pour un chrétien. C'est l'Eucharistie qui fait le chrétien. On ne peut être
chrétien sans l'Eucharistie. St Ignace d'Antioche, dès le 2ème
siècle, l'avait bien compris, lui qui écrivait : "que personne ne s'y trompe ! Ne pas venir à l'Assemblée
eucharistique, c'est s'excommunier soi-même".
Aussi, aujourd'hui tout
particulièrement
- Rappelons-nous souvent qui est
Jésus ; souvenons-nous encore plus souvent de ce qu'il a fait : sa bonté
pour tous, pour les pécheurs eux-mêmes (que nous sommes parfois). Quand
nous allons communier, regardons Jésus qui nous aime comme il a aimé tous ceux
qu'il a rencontré sur la terre, et les plus faibles particulièrement.
- Et puis : ce Jésus, il veut que
je lui ressemble ; il veut venir en moi pour cela. Et si je l'accueille le
mieux possible, je suis sûr qu'un jour je lui ressemblerai totalement. C'est
lui qui sera la vie de ma vie. Je serai en lui comme lui sera en moi. Et quand
je communie, je fais l'apprentissage de cette union extraordinaire de Jésus
avec moi-même, union qui se réalisera certainement un jour.
- Et enfin, si je m'unie à Jésus,
cela doit se voir ; je viens m'entretenir cœur à cœur avec lui pour ensuite, là
où je suis, partout, je puisse dire ce que Jésus me dit. L'Eucharistie
m'unit à Jésus pour que je le porte aux autres tout au long des semaines.
Il ne s'agit pas, même pour un
prêtre, de bien parler de Jésus ; il s'agit - et c'est le plus important ! - de
parler avec Jésus. Parler avec Jésus pour mieux parler de Jésus. C'est cela
la prière, une "contemplation" de Jésus, comme disent les savants !
Et, comme l'a l'affirme le Concile
Vatican II : "quand nous célébrons
le sacrifice eucharistique, nous sommes, au plus haut, unis à l'Eglise céleste
!". Oui, Déjà ! Avec tous ceux qui ont précédés !
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