dimanche 10 mai 2020

Aller vers le Père par le Fils !


5ème Dimanche de Pâques  20.A

"Ne soyez donc pas bouleversés"!

Comme le Seigneur connait bien le fond du cœur de l'homme toujours prompt à s'inquiéter, guetté sans cesse par le trouble, l'anxiété, le désarroi.

Il faut reconnaître pourtant qu'il y avait bien des raisons pour les Apôtres d'être bouleversés, au moment où Jésus leur adressait ces paroles .
- Il venait de leur annoncer la trahison de Judas : quel est le cœur qui ne serait pas meurtri par une défection ?
- Il venait de leur annoncer le reniement de Pierre : quel est le cœur qui ne serait pas blessé par un abandon ?
- Il venait de leur annoncer sa propre mort imminente : quel est le cœur qui ne serait pas broyé par la mort d'un être cher ?

Oui, Il leur annonçait sa mort, ou plutôt son départ vers une destination mystérieuse, départ qui, apparemment, allait les laisser seuls :
une solitude douloureuse après trois années d'intimité avec ce Maître incomparable ;
une solitude redoutable, car, après son départ, il leur incomberait une mission difficile à remplir dans un monde indifférent et hostile (Et c’est encore la situation de bien des chrétiens !)

Vraiment, les Apôtres avaient bien des raisons de s'affliger, de s'inquiéter, de se troubler ! Et Jésus le voyait bien sur leurs visages! Alors, avec l'exquise délicatesse de son cœur d'homme, Notre Seigneur comprend les questions angoissées de ses amis! Et cette délicatesse et la hâte qu'il met à dissiper la tristesse de ses Apôtres trahissent à quel point il les aime, traduisent la compréhension de nos propres souffrances de cœurs d'homme !
Car, c'est à nous qu'il répète encore aujourd'hui, avec une infinie tendresse : "Ne soyez donc pas bouleversés"!  
N'est-ce-pas la première parole que Dieu adresse toujours à tous ceux qu'il appelle :
"Ne crains pas", avait-il dit à Moïse au buisson ardent !
"Ne crains pas", avait dit l'Ange à Marie, puis à Joseph! 
"Ne soyez donc pas bouleversés", nous dit-il toujours !

Jésus ne veut pas de disciples tristes et inquiets, même dans les circonstances douloureuses, dramatiques. "Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ?" avait-il dit à ses Apôtres.

Et pourquoi ce conseil ? Pourquoi ne pas craindre ?
Parce que l'heure est venue pour les Apôtres  - comme pour chacun d'entre nous - de faire cet acte de foi : "Vous croyez en Dieu; croyez aussi en moi!" 

La foi !  C'est la grande leçon de ce passage d'Evangile que nous venons d'entendre !  "Croyez en moi"!  C'est la foi seule qui peut sauver les disciples, à cette heure de la séparation et dans les terribles heures qui vont suivre, et tous les jours de leur vie.

Et ces paroles s'adressent à nous comme aux Apôtres. La foi seule peut nous faire dominer la crainte, surmonter les épreuves de toute vie humaine, et surtout nous faire percevoir le sens de cette vie, de notre vie, son but, malgré les larmes qui, parfois, troublent l'œil intérieur de notre foi !

Encore faut-il bien discerner :
La foi n'est pas affaire uniquement de sentiments, comme aimeraient nous le faire comprendre certains groupes "charismatiques" !
La foi n'est pas uniquement le résultat d'une construction intellectuelle, "théologique", comme certains veulent l'analyser de façon très brillante.
La foi est avant tout
une "expérience" qui englobe toutes nos facultés,
une "expérience" de quelqu'un, du Christ,
une "expérience" d'amour, comme l'a si bien éprouvée et traduite Ste Thérèse de Lisieux, par toute sa vie,
une "expérience" de relation, sollicitée tant aux plus savants qu'aux moins savants…, et même à la plus ignorante comme aimait se designer Ste Bernadette de Lourdes !
une "expérience" analogue - St Paul le soulignera -  à l'amour humain, amour si défaillant ici-bas, mais amour qui trouvera sa plénitude  dans la vie divine. Dieu Père nous aime de toute éternité, amour qu'il a voulu nous signifier par l'incarnation de son Fil - le "Verbe de Dieu" -, amour qu'il veut nous transmettre par leur Esprit commun !

Car Notre Seigneur ajoute : "Je pars vous préparer une place! Et là où je suis, vous y serez aussi".  Il s'agit donc de croire en Jésus comme en quelqu'un qui a pouvoir sur la mort - et sur tout ce qui est signe de "mort" en nos vies, sur nos souffrances -.  Il  nous donne rendez-vous au-delà de tout cela. C'est le fondement même de notre foi chrétienne : "si le Christ est ressuscité, vit, disait St Paul, nous aussi nous ressusciterons,, nous vivrons !".

Notre vie d'ici-bas ne débouche pas sur le néant, sur le vide, malgré ce terrible passage qu'il nous faudra accomplir de la mort à la vie, terrible passage comme celui du Christ lui-même, terrible passage qu'annoncent et préparent tous ces passages que nous faisons - bon gré, mal gré, parfois - du mal au bien, de la tristesse à la joie, bref, tous ces passages de tout ce qui est "mort" à nous-mêmes et en nous-mêmes à une plus grande plénitude de vie.  Oui, "il nous faut marcher, comme Lui-même, le Christ a marché", disait St Jean.  Lui, le premier, il a marché vers sa Pâques, il a fait le "passage". Et maintenant, il nous attend ; il nous prépare une place au lieu de son "passage"!

Mais comment le Seigneur peut-il nous préparer une place près de son Père ? St Augustin nous donne une réponse qui retourne les perspectives, comme Notre Seigneur lui-même le faisait si souvent avec son humour paradoxal : "Le Christ prépare les demeures de ses disciples en préparant des habitants  pour ces demeures. Car n'a-t-il pas dit : si quelqu'un m'aime, il gardera ma Parole et mon Père l'aimera; et nous viendrons chez lui ;  et nous ferons chez lui notre demeure.
Vous le voyez bien, ajoutait St Augustin : "il y a un lien très profond entre ces deux "demeures" dont parle Jésus: entre la demeure qui nous attend dans la maison du Père, au ciel où il nous prépare une place, et la demeure intime de la Sainte Trinité en nos âmes, sur la terre. C'est bien par cette demeure réalisée en nos âmes, dans l'obscurité de la foi, que le Seigneur nous prépare des demeures éternelles, dans la maison du Père". - 

Autrement dit, c'est dans la mesure où, ici-bas, nous accueillons le Christ, en vivant comme Lui, en fils pour le Père et en frères pour tous les hommes, que nous serons accueillis  près de Lui au ciel, près de son Père !

Oui, en accueillant le Christ en nous, nous goûterons avec joie, avec intelligence, malgré les épreuves de nos vies, nous goûterons ces paroles de vérité et de vie : "Ne soyez donc pas bouleversés! Vous croyez en moi! Alors, vous croyez aussi en Dieu ! - Vous m'accueillez!  C'est déjà Dieu que vous accueillez! - Vous me voyez ! Alors, vous voyez aussi le Père"  - Et nous serons dans la paix, car, déjà, nous comprendrons  que voir le Père, c'est l'unique nécessaire; et "cela nous suffit !

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