dimanche 3 février 2019

Amour - Charité


4e Dimanche du Temps Ordinaire 19/C

"Hymne à la charité" !
La Bible de Jérusalem, tout comme les versions plus anciennes, emploient ce mot "charité" pour ce passage de la lettre de St Paul aux Corinthiens.
Le Lectionnaire préfère le mot "amour"; et c'est bien avec ce terme que ce passage est lu lorsque des fiancés choisissent ces célèbres versets de l'Apôtre pour la célébration de leur mariage. Parler de charité aujourd'hui équivaut à prôner une réalité bien dévaluée.
           
Certes, dans les lettres de St Jean il est bien question d'amour, et non de charité. Mais le "disciple bien-aimé" évite toute équivoque : chaque fois qu'il parle de l'amour du prochain il le relie à l'amour de Dieu.

Il n'en est pas tout à fait de même dans notre texte d'aujourd'hui.

Cependant, bien que le mot "amour" soit finalement aussi dévalué que le mot charité, et caricaturé plus encore, acceptons-le, à condition toutefois de garder en mémoire la première phrase : "Parmi les dons de Dieu, cherchez à obtenir ce qu'il y a de meilleur".     

"Parmi les dons de Dieu"... Nous voilà fixés. C'est bien la perspective de St Jean… et de St Paul également. Car, si nous oubliions qu'il s'agit d'un don, et d'un don de Dieu, ce que dit St Paul nous mettrait mal à l'aise. Patient, l'amour ? Prêt toujours à rendre service, exempt de jalousie, faisant confiance en tout ? Allons donc ! Regardons autour de nous, et regardons surtout en notre propre cœur.   
           
Une expression est parfois employée chez les jeunes couples chrétiens : "mettre son amour en état de grâce". Elle indique parfaitement la saisie de l'amour humain par Dieu, et le lent passage (qui dure toute la vie)
- d'un amour inévitablement alourdi au départ, menacé par l'égoïsme
- à un amour transformé de l'intérieur, purifié, épanoui par un don de Dieu qui engage à un véritable don de soi à autrui.
Oui, Dieu seul peut faire de notre amour humain, lorsqu'il s'y prête, l'amour que célèbre l'"hymne à la charité".  
Il ne s'agit donc pas d'une simple question de traduction. On ne peut remplacer le mot "charité" par le mot "amour" que si l'on précise la source de tout amour.
Deux êtres disent qu'ils s'aiment : qu'est-ce que cela doit signifier ?
"L'amour est divin dans son essence, répondait St François de Sales, il ne se profane que par une corruption". Mais la corruption est là, et les époux qui interrogent leur cœur, pour surmonter incompréhensions réciproques, déceptions, voire mésententes, sont bien obligés de constater que leur amour se profane vite, alors qu'ils le croyaient à l'abri de tout mal.
"A ceci, écrit St Jean, nous avons connu l'Amour : celui-là a donné sa vie pour nous" (I Jn 3,16). Oui, le Christ, Dieu fait homme, nous donne l'exemple d'un amour humain et vrai : livrer sa vie, se mettre totalement au service de l'autre sans esprit de retour (de retour sur soi), partager en suivant le plus possible la règle de la célèbre parole que Jésus adressait à son Père : "Tout ce qui est à moi est à toi", (Jn 17/10).  Tel est le signe de l'amour.
Oui, Dieu seul, en Jésus-Christ, nous apprend à nous donner et nous transmet sa force.

 Notre amour a donc besoin d'être guéri.
Mais il ne s'agit pas seulement de guérison. C'est souvent cet aspect que l'on souligne avec le plus de force, du fait de l'expérience douloureuse, tragique parfois, de la corruption de l’amour dont le principe est en nous.
Il y a un autre aspect, plus important encore. En mettant l'amour en "état de grâce", Dieu fait plus encore : il permet à l'homme d'aimer peu à peu avec son amour à lui.
Peu à peu, c'est-à-dire au rythme où se conjuguent la volonté de l'homme avec celle de Dieu, la liberté de l'homme avec celle de Dieu. C'est pourquoi St Paul ajoute : "L'amour ne passera pas !". Lorsqu'il parle ainsi de l'amour, il ne songe pas à une pérennité dans le temps, à une garantie de fidélité pour la seule durée d'ici-bas. Il regarde par-delà la minute inimaginable où cessera pour chacun de nous la foi, et cessera aussi l'espérance. Parce que l'amour qui nous est offert est l'amour même qui est en Dieu, il échappe à la caducité, à la destruction de toutes choses. Déjà, il participe à l'éternité.

Oui, déjà ! Car l'amour existe, le vrai, celui qui déjà puise en Dieu profondeur, stabilité, épanouissement, patience, désintéressement, confiance, joie.
Cet amour existe. Il existe dans des foyers, et il existe au sein de nos relations humaines. Car si personne, proclame St Paul, ne peut dire à Dieu "Père" sans que l'Esprit Saint ne prononce en lui ce mot, personne non plus ne peut dire à un de ses semblables "frère", sans que ce soit l'Esprit Saint qui le lui dicte.
           
C'est dans cette perspective qu'il faut relire l'"hymne à la charité".
Le mot "frère" - lui aussi malheureusement galvaudé -, le Saint-Esprit nous pousse à le dire concrètement, avec de plus en plus de vérité et à de plus en plus de nos semblables, grâce à l'amour de Dieu déposé en nos cœurs d'homme.
           
Alors : une seule question : qu'en est-il, pour chacun de nous, de notre ouverture à l'Esprit Sain ? A qui disons-nous "frère", et de quelle manière ?
 
Le pauvre Lazare, à notre porte, s'appelle Légion. Car il représente tous les pauvres, depuis les pauvres de pain quotidien jusqu'aux pauvres de vérité.
Puisse, au dernier jour, beaucoup de Lazare témoigner en notre faveur auprès de Dieu.
Puisse, au dernier jour, beaucoup de Lazare attester qu'ils ont, sinon connu, du moins pressenti l'Amour, cette Charité de Dieu qui est à la source de tout amour comme de toute justice, parce que nous avons, pour eux, donné quelque chose de notre vie même.   
           
L'amour de Dieu est à la source de tout amour... Répétons cette affirmation.  Alors : Amour ou charité ? Je dirais facilement : Amour, s'il s'agit bien de la "charité" divine... !

Aucun commentaire: