jeudi 26 septembre 2013

Le Temple !

25e Jeudi  T.O. 13                   (Aggée)

La liturgie nous donne deux jours, aujourd’hui et demain, pour écouter le prophète Aggée ; son livre est le plus court de l’Ancien Testament, mis à part le livre d’Abdias.

Aggée nous invite à méditer sur le Temple et son importance ; et nous ne le ferons jamais assez si nous voulons comprendre sa transposition dans le Nouveau Testament.

Pour comprendre l’importance du Temple avant sa destruction par les Babyloniens en 586, il suffit de consulter le prophète Ezéchiel, lorsqu’il prédit son anéantissement : Ez 24,15-27. Le Temple, comparée à l'épouse du prophète sur qui il va pleurer la mort subite, est pour le peuple la joie de ses yeux, l'orgueil de sa force, la passion de son âme. Et le prophète annonce la "mort" de ce joyau qui arrivera si vite que le peuple n'aura même pas le temps de pleurer, de se lamenter comme fit Ezéchiel sur son épouse ! Le temple, avec l'arche, était le signe de l'Alliance scellée entre Dieu et son peuple !

Cependant, comme Jérémie, Ezéchiel prédit qu’après la catastrophe, il y aura une restauration ; mais cette restauration, il la conçoit, du fond de son exil, comme une restructuration des tribus autour de la présence divine revenue dans son Temple. Chaque tribu, chaque personne au sein de la tribu à laquelle il appartient, n’a d’autre raison d’exister que par référence à cette présence centrale de Dieu dans le temple reconstruit. Avec au centre du dispositif le lévite qui chante comme dans le psaume 16ème : "Garde-moi, ô Dieu, mon refuge est en toi... Je bénis le Seigneur qui s'est fait mon conseil... J'ai mis le Seigneur devant moi sans relâche. Aussi, mon cœur exulte ; car tu ne peux abandonner mon âme au shéol, tu ne peux laisser ton ami voir la fosse. Tu m'apprendras le chemin de vie ; devant ta face, plénitude de joie, en ta droite, délices éternelles". Le Temple est joie de la présence de Dieu ! C'est ce qu'avait prédit Ezéchiel : "Fils d’homme, c’est l’emplacement de mon trône, c’est là que j’habiterai, au milieu des fils d’Israël pour toujours !" 

Lundi dernier, nous avons entendu l’Edit libérateur de Cyrus en 538. Et on a pu remarquer que le Temple est au centre de ce document : "Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Seigneur, le Dieu du ciel, m'a remis tous les royaumes de la terre, c'est lui qui m'a chargé de lui bâtir un Temple à Jérusalem, en Juda. Quiconque, parmi vous, fait partie de son peuple, que son Dieu soit avec lui ! Qu'il monte à Jérusalem, en Juda, et bâtisse le Temple du Seigneur, le Dieu d'Israël ; c'est le Dieu qui est à Jérusalem". (Esd 1.2-3) 

En fait, ce fut une petite minorité des captifs qui revint, une trentaine de mille, en convois successifs entre 537 et 522.
L’exil avait été pour certains assez confortable. Et on avait suivi le conseil de Jérémie : Si l’exil ne devait durer que soixante-dix ans, il fallait néanmoins s'organiser et s’investir : "Ainsi parle le Seigneur à tous les exilés à Babylone. Bâtissez ; installez-vous ; plantez... ; mangez... ; prenez femme et engendrez des fils et des filles... Multipliez-vous là-bas, ne diminuez pas ! ...". (Jr 29.4-8)
Beaucoup, selon Flavius Josèphe restèrent en Babylonie "pour ne point perdre leurs biens". Certains captifs avaient bien prospéré. Ils tenaient à leurs biens immobiliers, à leurs situations acquises, à leurs fonds de commerce. Quelques-uns étaient devenus des banquiers à la réputation mondiale.

Quant aux fervents qui revenaient, ils se trouvaient, une fois sur place, en prise à de grandes difficultés. Ils trouvèrent leurs champs et leurs maisons occupés par des Israélites restés dans le pays, voire par des étrangers (Edomites, Moabites… etc.). Les récoltes étaient atteintes par diverses maladies... Les armées de Cambyse, successeur de Cyrus, avaient traversé le pays pour combattre l’Egypte. Il y avait eu des corvées, des réquisitions.
Il semble cependant que le culte reprit sur l’emplacement du temple, avant même sa reconstruction, dès l’arrivée des premiers immigrants en 538. Mais, une fois les premières pierres posées, les difficultés se multiplièrent au point de délaisser la reconstruction du Temple. La ferveur primitive fit place à un matérialisme pratique. De plus, par fierté, on refusa l’aide proposée par les Samaritains. C'est l'une des raisons de l’hostilité des Samaritains au temps de Jésus : on ne traversait pas la Samarie sans mettre sa sécurité en question.

Bref, le zèle pour la reconstruction du Temple était près de s’éteindre, lorsque, sous le règne de Darius, entre 522 et 485, malgré des tas d’intrigues politiques qu’il fallut surmonter, une nouvelle arrivée de Juifs venant de Babylone réveilla le zèle et la ferveur pour le Temple. C’est à cette époque qu’interviennent surtout Aggée et Zacharie. Ils provoquèrent un réveil, firent repasser au premier plan la motivation principale : la reconstruction du Temple. En quatre ans et six mois, le Temple fut achevé.
La réalisation était cependant assez dérisoire par rapport au Temple détruit en 586 ; et les vieillards qui assistèrent à la Dédicace pleuraient en évoquant les souvenirs qu’ils avaient gardés du premier Temple, celui de Salomon.

Le Temple, que connut Jésus, était une des sept merveilles du monde : mais, Hérode le Grand avait pris la précaution, par ses travaux d’aménagement, de bien souligner la continuité avec la construction au temps du retour d'exil. C'était toujours le deuxième Temple jusqu’à sa destruction par Titus en 70.
Ce qu’il faut cependant bien souligner, c’est que, au temps de Jésus, derrière le rideau qui se trouvait à l’entrée de la partie la plus sacrée, il n’y avait qu’un espace vide, un espace appelé à être comblé ! L’arche avait disparu. Des légendes qui circulaient à ce sujet, la plus célèbre, la seule méritant attention, est celle qui relate l'action de Jérémie : il aurait caché l'arche au moment de l'exil... Et l'on aurait perdu cette cache... ! (Cf. 2 Ma 2).

Cependant retenons l'essentiel du rôle du temple :
Un signe d'alliance entre Dieu et le peuple !
Un signe de la présence de Dieu parmi son peuple !
Et un vide dans le Temple demandant à être comblé !

"Et le Verbe s'est fait chair !".
Mais - notons-le bien - après plus de cinq siècles !
De la construction de ce deuxième temple à l’avènement du Christ, cinq siècles s’écoulent. Cinq siècles ! C'est énorme !

Et, dans la Bible, de ces cinq siècles, on n’a presque rien ; rien entre l’époque du retour et le livre des Macchabées. "On dirait, a dit l'historien Daniel Rops, "que les rédacteurs bibliques ont voulu marquer, par ce silence, qu’en ces années d’attente, il faille considérer, plutôt que les évènements, la vie intérieure du peuple élu !".

Et quel contraste avec le monde environnant. L'empire perse. Les conquêtes d’Alexandre, l’Empire hellénistique, Rome à l’horizon… !
Au milieu de tout cela, Israël est comme un petit îlot de certitudes qu’il préserve dans une résistance farouche, comme le souligne, par exemple, le livre d'Esther : "Aman put en effet constater que Mardochée ne fléchissait pas le genou devant lui ni ne se prosternait !" (Est 3.5)

C’est dans ce silence de cinq siècles que la Bible a pris la forme dans laquelle nous la possédons actuellement, l’héritage le plus précieux que nous avons sans cesse à découvrir et redécouvrir.

Du 5e au 1er siècle (av. J.C.), se poursuit cependant un grand travail rédactionnel en Babylonie, à Jérusalem, à Alexandrie. De ce travail de méditation se dégage le caractère progressif d’un enseignement divin. Dieu éduque son peuple élu, et, à travers lui, toute l’humanité. Non pas une légende théologique, mais, une méditation sur le vécu de l’histoire dans une perspective surnaturelle. Un "vide", une attente qui doivent être comblés !
"Et le Verbe s'est fait chair !".

On ne méditera jamais assez sur ce contraste d’une petite communauté, un "reste" pour parler comme les prophètes, et la fermentation qu’il crée dans l’univers. Un reste qui va se rétrécissant jusqu’à ce que tout s’accomplisse dans la Personne du Verbe Incarné, mort et ressuscité, en qui le monde entier est appelé à se récapituler, lui qui devient "véritable temple", lorsqu'à sa mort, le rideau de l'ancien temple se déchire !

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