25e Jeudi T.O. 13 - (Aggée)
La liturgie nous donne
deux jours, aujourd’hui et demain, pour écouter le prophète Aggée ;
son livre est le plus court de l’Ancien Testament, mis à part le livre
d’Abdias.
Aggée nous invite à
méditer sur le Temple et son importance ; et nous ne le ferons jamais
assez si nous voulons comprendre sa transposition dans le Nouveau Testament.
Pour comprendre
l’importance du Temple avant sa destruction par les Babyloniens en
586, il suffit de consulter le prophète Ezéchiel, lorsqu’il prédit son
anéantissement : Ez 24,15-27. Le Temple, comparée à l'épouse du prophète sur
qui il va pleurer la mort subite, est pour le peuple la joie de ses yeux,
l'orgueil de sa force, la passion de son âme. Et le prophète annonce la "mort"
de ce joyau qui arrivera si vite que le peuple n'aura même pas le temps de
pleurer, de se lamenter comme fit Ezéchiel sur son épouse ! Le temple, avec
l'arche, était le signe de l'Alliance
scellée entre Dieu et son peuple !
Cependant, comme Jérémie,
Ezéchiel prédit qu’après la catastrophe, il y aura une restauration ;
mais cette restauration, il la conçoit, du fond de son exil, comme une restructuration
des tribus autour de la présence divine revenue dans son Temple. Chaque
tribu, chaque personne au sein de la tribu à laquelle il appartient, n’a
d’autre raison d’exister que par référence à cette présence centrale de Dieu
dans le temple reconstruit. Avec au centre du dispositif le lévite qui
chante comme dans le psaume 16ème : "Garde-moi,
ô Dieu, mon refuge est en toi... Je bénis le Seigneur qui s'est fait mon
conseil... J'ai mis le Seigneur devant moi sans relâche. Aussi, mon cœur exulte
; car tu ne peux abandonner mon âme au shéol, tu ne peux laisser ton ami voir
la fosse. Tu m'apprendras le chemin de vie ; devant ta face, plénitude de joie,
en ta droite, délices éternelles". Le Temple est joie de la présence de Dieu ! C'est ce qu'avait prédit Ezéchiel : "Fils
d’homme, c’est l’emplacement de mon trône, c’est là que j’habiterai, au milieu des
fils d’Israël pour toujours !"
Lundi dernier, nous
avons entendu l’Edit libérateur de Cyrus en 538. Et on a pu remarquer
que le Temple est au centre de ce document : "Ainsi parle
Cyrus, roi de Perse : Seigneur, le Dieu du ciel, m'a remis tous les royaumes de
la terre, c'est lui qui m'a chargé de lui bâtir un Temple à Jérusalem,
en Juda. Quiconque, parmi vous, fait partie de son peuple, que son Dieu soit
avec lui ! Qu'il monte à Jérusalem, en Juda, et bâtisse le Temple du
Seigneur, le Dieu d'Israël ; c'est le Dieu qui est à Jérusalem". (Esd 1.2-3)
En fait, ce fut une
petite minorité des captifs qui revint, une trentaine de mille, en convois
successifs entre 537 et 522.
L’exil avait été pour
certains assez confortable. Et on avait suivi le conseil de
Jérémie : Si l’exil ne devait durer que soixante-dix ans, il fallait néanmoins s'organiser
et s’investir : "Ainsi
parle le Seigneur à tous les exilés à Babylone. Bâtissez ; installez-vous ;
plantez... ; mangez... ; prenez femme et engendrez des fils et des filles... Multipliez-vous
là-bas, ne diminuez pas ! ...". (Jr 29.4-8).
Beaucoup, selon Flavius Josèphe restèrent en Babylonie
"pour ne point perdre leurs biens". Certains captifs avaient
bien prospéré. Ils tenaient à leurs biens immobiliers, à leurs situations
acquises, à leurs fonds de commerce. Quelques-uns étaient devenus des banquiers
à la réputation mondiale.
Quant aux fervents qui
revenaient, ils se trouvaient, une fois sur place, en prise à de
grandes difficultés. Ils trouvèrent leurs champs et leurs maisons occupés par
des Israélites restés dans le pays, voire par des étrangers (Edomites, Moabites… etc.). Les récoltes étaient atteintes
par diverses maladies... Les armées de Cambyse,
successeur de Cyrus, avaient traversé le pays pour combattre l’Egypte. Il y avait
eu des corvées, des réquisitions.
Il semble cependant
que le culte reprit sur l’emplacement du temple, avant même sa reconstruction,
dès l’arrivée des premiers immigrants en 538. Mais, une fois les
premières pierres posées, les difficultés se multiplièrent au point de
délaisser la reconstruction du Temple. La ferveur primitive fit place à un matérialisme pratique. De
plus, par fierté, on refusa l’aide proposée par les Samaritains. C'est l'une
des raisons de l’hostilité des Samaritains au temps de Jésus : on ne traversait
pas la Samarie sans mettre sa sécurité en question.
Bref, le zèle pour la
reconstruction du Temple était près de s’éteindre, lorsque, sous le règne de Darius,
entre 522 et 485, malgré des tas d’intrigues politiques qu’il fallut surmonter,
une nouvelle arrivée de Juifs venant de Babylone réveilla le zèle et la ferveur
pour le Temple. C’est à cette époque qu’interviennent surtout Aggée et
Zacharie. Ils provoquèrent un réveil, firent repasser au premier plan la
motivation principale : la
reconstruction du Temple. En quatre ans et six mois, le Temple fut achevé.
La réalisation était
cependant assez dérisoire par rapport au Temple détruit en 586 ; et les
vieillards qui assistèrent à la Dédicace pleuraient en évoquant les souvenirs
qu’ils avaient gardés du premier Temple, celui de Salomon.
Le Temple, que connut
Jésus, était une des sept merveilles du monde : mais, Hérode le Grand avait
pris la précaution, par ses travaux d’aménagement, de bien souligner la
continuité avec la construction au temps du retour d'exil. C'était toujours
le deuxième Temple jusqu’à sa destruction par Titus en 70.
Ce qu’il faut cependant
bien souligner, c’est que, au temps de Jésus, derrière le rideau qui se
trouvait à l’entrée de la partie la plus sacrée, il n’y avait qu’un espace vide, un espace appelé à être
comblé ! L’arche avait disparu. Des légendes qui circulaient à ce sujet, la
plus célèbre, la seule méritant attention, est celle qui relate l'action de
Jérémie : il aurait caché l'arche au moment de l'exil... Et l'on aurait perdu
cette cache... ! (Cf. 2 Ma 2).
Cependant retenons l'essentiel du rôle du temple
:
Un signe d'alliance
entre Dieu et le peuple !
Un signe de la
présence de Dieu parmi son peuple !
Et un vide dans le
Temple demandant à être comblé !
"Et le Verbe
s'est fait chair !".
Mais - notons-le bien
- après plus de cinq siècles
!
De la construction de
ce deuxième temple à l’avènement du Christ, cinq siècles s’écoulent.
Cinq siècles ! C'est énorme !
Et, dans la Bible, de
ces cinq siècles, on n’a presque rien ; rien entre l’époque du retour et le
livre des Macchabées. "On dirait, a dit l'historien Daniel Rops, "que
les rédacteurs bibliques ont voulu marquer, par ce silence, qu’en ces années
d’attente, il faille considérer, plutôt que les évènements, la vie
intérieure du peuple élu !".
Et quel contraste avec
le monde environnant. L'empire perse. Les conquêtes d’Alexandre, l’Empire hellénistique,
Rome à l’horizon… !
Au milieu de tout
cela, Israël est comme un petit îlot de certitudes qu’il préserve dans
une résistance farouche, comme le souligne, par exemple, le livre d'Esther : "Aman put en effet
constater que Mardochée ne fléchissait pas le genou devant lui ni ne se
prosternait !" (Est 3.5).
C’est dans ce silence
de cinq siècles que la Bible a pris la forme dans laquelle nous la
possédons actuellement, l’héritage le plus précieux que nous avons sans cesse à
découvrir et redécouvrir.
Du 5e au 1er
siècle (av. J.C.), se poursuit cependant un grand travail rédactionnel en Babylonie, à
Jérusalem, à Alexandrie. De ce travail de méditation se dégage le caractère
progressif d’un enseignement divin. Dieu éduque son peuple élu, et, à travers
lui, toute l’humanité. Non pas une légende théologique, mais, une
méditation sur le vécu de l’histoire dans une perspective surnaturelle. Un
"vide", une attente qui doivent être comblés !
"Et le Verbe
s'est fait chair !".
On ne méditera jamais
assez sur ce contraste d’une petite communauté, un "reste"
pour parler comme les prophètes, et la fermentation qu’il crée dans l’univers.
Un reste qui va se rétrécissant jusqu’à ce que tout s’accomplisse dans la
Personne du Verbe Incarné, mort et ressuscité, en qui le monde entier est
appelé à se récapituler, lui qui devient "véritable temple", lorsqu'à
sa mort, le rideau de l'ancien temple se déchire !
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