24e
T.O. Jeudi 13/C (1 Tm 4, 12-16)
"En attendant que je vienne, dit St Paul à
Timothée, consacre-toi à la lecture, à l’exhortation, à l’enseignement !".
La première place est donnée à la lecture dans les obligations de ceux
que Paul établit à la tête des églises qu’il a formées et que, dans sa
vieillesse, il se préoccupe de structurer pour assurer leur permanence dans la
durée.
Encore faut-il préciser le sens qu’avait le
mot de "lecture" à l’époque de Paul et de Timothée.
Quand on parle de "lecture" aujourd'hui,
surgit l’image d’un chrétien studieux, attentif, qui se plonge solitairement
dans un des livres bibliques...
Quand on parle de "lecture" au
temps de St Paul, on fait allusion à la "lecture
publique" des textes sacrés dans les Assemblées, selon l’usage
emprunté à la Synagogue. Ce qu’on appelle "liturgie
de la Parole" au début de nos Eucharisties, est la continuation de cet
usage synagogal. Et à la suite de Paul (et de la tradition tant juive que
chrétienne),
le Concile Vatican II a remis en honneur cette "liturgie de la Parole", sollicitant de lui donner
l’importance, l'application qu’elle mérite. Peu à peu cette application est
observée... !
On n’est plus à l’époque, que j’ai connue
dans mon enfance, où un bon chrétien pratiquant estimait avoir rempli son
obligation d’assister à la messe dominicale (sous peine de péché mortel, s'il vous
plaît)
s’il arrivait à l’église au moment de l’Offertoire, au moment précis où,
d’après les casuistes -
toujours éternellement présents -, le prêtre découvrait le calice avant de
le remplir. Les lectures liturgiques étant ainsi estimées comme facultatives,
la "Parole de Dieu" était
mise à une place secondaire !
Dans le Nouveau Testament, la proclamation
de la "Parole de Dieu" a une importance première et primordiale ;
on vient de le voir dans la lecture d'aujourd'hui. Mais, on peut le constater
en bien d’autres passages du Nouveau Testament. Le plus connu est la scène
inaugurale de la vie publique de Jésus dans la synagogue de Nazareth. Il est
bon de s'en souvenir.
"Il vint à Nazareth, entra dans la
synagogue et se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète
Isaïe et, déroulant le livre, il trouva le passage où il était écrit : « L'Esprit
du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction, pour porter la
Bonne Nouvelle aux pauvres... etc. ». Il replia le livre, le rendit au servant
et s'assit. Tous tenaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire :
« Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Écriture »" (Lc 4, 16-21). Brève homélie
mais qui suscita questions et réponses à propos de la "Parole de Dieu" !
Lors du premier grand voyage missionnaire
que nous racontent les Apôtres, on assiste à une semblable scène à Antioche de
Pisidie : "Après la lecture de la Loi et des Prophètes, les chefs de la synagogue
envoyèrent dire (à Paul et Barnabé) : « Frères, si vous avez quelque
parole d'encouragement à dire au peuple, parlez ! ». Paul alors se leva…". Et il résuma alors
toute l’Histoire Sainte en montrant son aboutissement dans la "Bonne
Nouvelle" qu’il était chargé d’annoncer et vers laquelle converge toute la
révélation scripturaire, "secundum
scripturas"
…
"Et, à leur sortie, on les invitait à parler encore du même sujet le
sabbat suivant".
(Ac
13,42).
Heureux bénéfice d'une bonne lecture de la "Parole
de Dieu" !
La "Liturgie
de la Parole" de nos Eucharistie comme l'"Office des
lectures" plongent leurs racines dans l’usage synagogal. Il est bon de
le souligner.
Cette coutume synagogale est d'ailleurs
très ancienne. Il suffit de se rapporter au livre de Néhémie qui nous montre
comment, au retour de l’exil de Babylone, se pratiquait solennellement la
"Lecture".
"Le scribe Esdras se tenait sur une
estrade de bois... Il ouvrit le livre au regard de tout le peuple et le peuple
se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le grand Dieu ; tout le peuple,
mains levées, répondit : « Amen! Amen ! » ; puis tous s'inclinèrent et se
prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre. Puis... pendant que
le peuple demeurait debout, Esdras lut dans le livre de la Loi de Dieu,
traduisant et donnant le sens : ainsi l'on comprenait la lecture" (Ne 8, 4-8). Il lisait de
façon à être entendu et compris de tous !
Dans la 2ème lettre à Timothée,
quand Paul parle de la "lecture"
des Ecritures, le Nouveau Testament, faut-il le rappeler, n’existait pas
encore.
"Pour toi, tiens-toi à ce que tu as appris et
dont tu as acquis la certitude... C'est
depuis ton plus jeune âge que tu connais les saintes Lettres. (Bel exemple !) Elles sont à même de te procurer la sagesse qui
conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus. Toute Écriture est
inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la
justice : ainsi l'homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute
œuvre bonne".
(2 Tm
3, 14 - 17).
Il n’est pas insignifiant de remarquer encore
que la “Constitution dogmatique sur la Révélation divine“ (DEI VERBUM) du Concile Vatican
II commence par citer St Jean : "Nous
vous annonçons la Vie éternelle,
qui était auprès du Père et qui nous est apparue : ce que nous avons vu
et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous soyez en communion avec
nous et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus Christ"
(Jn 1, 2-3). Ce que nous avons
entendu, nous l'annonçons pour que vous soyez en communion avec Dieu
!
Autrement dit :
La BIBLE n’est pas un LIVRE ou des livres,
mais “QUELQU’UN“ :
le VERBE de DIEU, le FILS de DIEU qui donne VIE ETERNELLE ! Et si une seule phrase de la Bible, entendue
un jour providentiellement, par un homme - manant ou puissant, ignorant ou
savant, peu importe ! - le met en
communion avec le Père et avec son Fils, il obtient l’essentiel : LA
VIE !
La BIBLE n’est pas un LIVRE ou des livres,
mais “QUELQU’UN“ qui s’est manifesté “à
maintes reprises et sous maintes formes“ à nos Pères et aux prophètes (cf. Heb 1.1) tout au long des
siècles pour donner VIE aux hommes !
La BIBLE, c’est QUELQU’UN qui, se révélant
dans toute la création, devient “miroir
de Vie“ (Cf.
Imit. J.-C II.4),
“Soleil du salut qui porte la guérison
dans ses rayons“ (Ml
3.20).
La BIBLE, c’est QUELQU’UN qui s’approche au
cours de tous les événements de la vie. Il est intéressant de noter qu'en
hébreu le terme “dâbâr“ signifie autant “parole“ que “événement“. Dieu crée
toujours : "Dieu dit et cela fut
!".
Et peut-être que l’événement douloureux
lui-même contient cette présence de QUELQU’UN qui sait transformer nos
souffrances en espérances, en leçons de vie (“pathèmata-mathèmata“ - souffrances-leçons“, disait la Sagesse
grecque). Le Christ lui-même “apprit, de ce qu'il souffrit“, dit
l’épître aux Hébreux (cf..5.8). [“Et peut-être que Dieu partage notre faim et
que tous ces vivants et ces morts sur la terre ne sont que des morceaux de sa
grande misère. Dieu toujours appelé, Dieu toujours appelant“, et qui
donnera toujours VIE… ! (J. Supervielle)].
La BIBLE, c’est QUELQU’UN qui, près de nous,
en nous, se fait, par respect, “bruissement
d’un souffle léger“, comme avec le prophète Elie (I R. 19.12 - Lit. : “éclatement de silence, poussière
de silence“).
Pour l'entendre il faut avoir un "cœur
noble et généreux" (lc Lc 8.15), un "cœur
qui écoute" (I
R. 3.9).
Oui, “souvent il faut se taire : les
mots sacrés nous font défaut ; les cœurs battent, et pourtant le langage
reste en arrière“ (F.
Hölderlin).
Oui, la BIBLE, c'est QUELQU'UN.
Et la "Lecture" ne devrait jamais
être débitée comme une "note d'épicerie" à communiquer
obligatoirement, en reposant ensuite négligemment le Livre devenu encombrant.
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