Dans la lecture d’aujourd’hui, il y a une belle prière, me semble-t-il, celle du prophète Jérémie.
- “Seigneur, Dieu de l’Univers…“. Toi qui as révélé ton “Nom“ à Moïse, en disant : “JE SUIS“, sans toi, rien ne pourrait subsister… en ce moment… ! - Jérémie exprime déjà ce que nous proclamons : “Je crois en Dieu, Créateur Tout-Puissant“, hier, aujourd’hui, demain… ! C’est l’acte de FOI de Jérémie.
- “Toi qui examines avec justice“, parce que tu ne cesses d’“ajuster“ toutes choses à toi…, qui sais ce qu’il y a dans le cœur de l’homme... - L’acte de foi de Jérémie se traduit en un acte de confiance totale…
- “C’est à toi que je j’ai remis ma cause…“. Je m’en remets à toi totalement… Avec toi, je ne crains rien, je suis déjà sauvé… ! Après la foi pleine de confiance, c’est un acte d’espérance que pose Jérémie, le grand souffrant, figure du Souffrant sur la croix…
- “Que je puisse voir la vengeance que tu vas tirer de ces gens-là !“. – Du coup, vous allez dire : ce n’est pas l’acte de charité que l’on attendait ! Apparemment, c’est vrai ! - Mais il faut dire que la Bible reflète une théologie morale qui avance pas à pas dans l’éducation de l’homme ! Au seuil de l’humanité, c’était la vengeance absolue : “Si l’on tue Caïn, il sera vengé sept fois“, c’est-à-dire une multitude de fois, ce qu’un certain “Monsieur Lamek“ saura bien interpréter : “J’ai tué un homme pour une blessure… Oui, Caïn sera vengé sept fois, mais Lamek, soixante-dix-sept fois !“ (Gen 4.23). Mais l’éducation de l’homme dans sa fréquentation avec un Dieu “de tendresse et de miséricorde“ se fera avec plus de retenue : ce sera la “Loi du talion“ : “œil pour œil, dent pour dent…“ (Cf. Ex. 21).
Cette éducation du cœur de l’homme se poursuivra à partir des prophètes qui révèlent un Dieu qui pardonne à son peuple, jusqu’au Christ qui enseignera : “Je ne te dis pas de pardonner jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois !“. C’est l’inversion totale de la vengeance exigée pour Caïn et Lamek. St Paul notera : “Laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : « A moi la vengeance ! C’est moi qui rétribuerai ! »“. Et il l’a fait en envoyant son Fils qui “de riche qu’il était s’est fait pauvre pour que dans sa pauvreté vous deveniez riches“ (II Co. 8.9). Dieu ne se venge que par l’Amour ! A un excès du mal, il répond par un excès d’amour ! Voilà la vengeance de Dieu !
Mais les étapes de cette éducation du cœur de l’homme tout au long de l’histoire biblique sont malheureusement contemporaines, toutes à la fois ! Il suffit d’ouvrir la télévision pour s’en rendre compte. Tour à tour nous entendons soit l’exclamation de Lamek : une vengeance absolue, soit la plainte de Jérémie qui s’en remet à Dieu pour être vengé, soit - malheureu-sement plus rarement encore - un appel à la vengeance de l’amour !
Je n’ai pas compris grand-chose à la pensée de Freud et à la “psychologie des profondeurs“. Ce que j’ai seulement retenu, c’est qu’il y a en chacun de nous des étapes de l’évolution humaine jugées “anachroniques“ et qui, pourtant, sont encore contemporaines. Il y a encore des comportements “anachroniques“ qui montent de l’inconscient de l’homme et qui viennent contredire les expressions conscientes d’un idéal possible : “Aimez-vous comme je vous ai aimés !“.
Dès lors, on peut mieux comprendre la réflexion d’un prêtre brésilien qui disait : “Ne supprimons pas de la Bible ces cris contre l’injustice, ces appels à la vengeance. Je les reçois comme une prière au nom de tous ceux qui reçoivent des menaces de mort et qui vont parfois se faire tuer parce qu’ils défendent la justice“. C’est vrai : il ne faut pas prier seulement “en écrémant le sublime, si je puis dire ! La Bible doit être une lecture “existentielle“ de toute l’humanité telle qu’elle est aujourd’hui - avec tous les étapes de l’éducation du cœur de l’homme -. Et le Christ vient aujourd’hui encore sauver l’homme tel qu’il est ! D’ailleurs, le Christ, en bon Juif, a dû lire des expressions comme celle de Jérémie et les faire siennes dans sa prière !
N’ayons pas honte de reprendre les expressions comme celle de Jérémie. La Bible, finalement, est un grand filet qui ramasse l’humanité - actuellement encore - là où elle en est et comme est, pour l’encourager à dépasser les étapes dites “anachroniques“ et qui sont encore actuelles pour la diriger vers la vengeance de Dieu : celle de l’Amour !
Voilà comment, me semble-t-il, il faut lire certaines expressions très dures de la Bible. Elles sont encore - malheureusement - si actuelles ! C’est à nous de “christianiser“ toutes ces expressions dites “anachroniques“ et pourtant d’actualité ! En méditant la passion du Christ crucifié, nous pourrons contempler toutes les “scories“ de notre humanité contemporaine que le Christ - avec nous-mêmes qui faisons partie de son Corps - veut purifier par sa “vengeance d’amour“ !
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