vendredi 29 avril 2011

Souffrance (3)

Vendredi de Pâques

N.B : Jusqu’à Samedi, comme on me l’a suggéré, je m’efforcerai de faire quelques réflexions à propos de la souffrance, du mal…. Suite…


“Il leur expliqua, dans toute l’Ecriture, ce qui le concernait“.
“Ils regarderont vers moi, celui qu’ils ont transpercé !“


Au fond, ce n'est pas du côté de l'homme qu'il faut regarder la souffrance, mais du côté de Dieu !
Seul le Christ “vrai Dieu et vrai homme“ a pris sur lui toutes nos infirmités ; selon la prophétie d'Isaïe (cf. Mt 16,17), il a été l'homme de la plus grande souffrance et, ce faisant, il a donné à la douleur un extraordinaire éclat, une sorte d'ultime grandeur, celle de l’amour.
Dieu est l’indicible ! Il est l’intériorité de l’être, la transcendance de l’être. Il est le chant du chant, le rêve du rêve…, a-t-on dit. Bien plus - il faut ajouter ! -, il a voulu être la souffrance de la souffrance. Et que dire de plus, là ? - Un écrivain moderne, Dostoïevski, un Tobie, un Job de notre temps, affirme : “La souffrance, je ne la comprends pas…, seulement..., seulement, il y a Jésus ! “.

Bien sûr, apparemment, rien n'a changé après la venue de Dieu. La morsure de la souffrance demeure aussi cruelle, mais désormais à la misère de l'homme répond la misère du Christ, “en agonie jusqu'à la fin du monde“ (Pascal). On a raison de le dire : “Dieu est couvert de blessures d’amour qui jamais ne se ferment“. Ces blessures, Dieu les reçoit sur toute la face de la terre : guerres, injustices, détresses, maladies… - Blessures de Dieu ! Lorsque l’accablement et la révolte nous submergent, si seulement nous savions que Dieu souffre…
Oui, notre souffrance n'est plus seule, elle n'est plus sans écho, elle retentit jusqu'à la Croix du Christ.

En fin de compte, devant toute souffrance - la nôtre ou celle d'un voisin et celle du monde -, nous ne pouvons que nous taire à notre tour ou tout au plus indiquer du doigt le vol de la flèche du juste roi Josias qui, éternellement, se plante dans le cœur transpercé du Crucifié.
Alors, un doux et bienfaisant dialogue intérieur peut s’établir, car seul le “Serviteur souffrant“ peut parler à un souffrant ; tout le reste est indécence, insolence. Lui seul peut faire comprendre à l’un de ces plus petits, de ces plus innocents qui souffrent que pour Dieu, il n'y a aucun “déchet d’humanité” !

Devant le Christ en croix, le chrétien murmure d’abord et affirme ensuite avec conviction de foi : les forces du mal avaient semblé l’anéantir lui-même. Mais il avait annoncé la fécondité du grain tombé en terre… Et c’est au moment où tout semblait fini pour lui que la contagion de sa vie va commencer de s’étendre vers les immensités de l’espace et des temps. Désormais, le goût de l’impossible humain ne reculera plus, même devant la mort. Des multitudes d’hommes iront, toujours plus nombreux, iront vouer au Christ et leur vie et leur mort même, dans l’espérance ferme d’être déjà “ressuscités avec le lui” !

C'est la seule réponse qu'un disciple du Christ peut balbutier devant la souffrance et devant le mal !
Mais combien il est terrible de consentir ! Il faut s’y reprendre à plusieurs fois comme le fit le Prostré de Gethsémani, mais à chaque fois un peu plus de paix nous envahit et l’Esprit nous souffle un meilleur consentement. Et finalement, il n’y a que ceux qui, depuis longtemps, ont accepté de mourir qui peuvent vivre à plein : ils vont, légers, attentifs, actifs, ne collant plus aux choses et dotés pourtant du pouvoir de les regarder selon leur vérité.

Et pour terminer mon propos, je citerai la poète Marie-Noël qui, en 1940, au milieu du drame de la dernière guerre, écrivait :
Toutes nos souffrances furent intégrées en la Passion du Christ, à l'heure immense de Gethsémani, et sont, en la sienne, salvatrices, soit pour une seule âme bien-aimée - époux, enfant, frère, ami - soit, plus largement, pour un peuple, pour une Eglise, pour une Patrie….
Vous tous qui souffrez, comme a souffert l'Innocent-Dieu,
Nous sommes tous des martyrs,
Nous sommes tous des hosties,
Nous sommes tous des Sauveurs et des Rédempteurs.

Mais il faut y consentir. Il faut dire à la souffrance le « Oui » d'Amour du mariage. Vaine, la souffrance inacceptée, la souffrance qui refuse, la souffrance qui se hait. Si le Christ, au jardin sacré, avait dit « Non ! ». S'il avait haï la croix, il aurait peut-être été crucifié, il n'eût pas racheté les hommes !
En son "fiat", par son "fiat" seul, s'est accompli le sacrifice.
En son "fiat" étaient inclus tous nos consentements d'Amour à la croix...“.



A suivre

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