samedi 8 novembre 2014

église - Corps du Christ - EGLISE

9 Novembre - Dédicace de la Basilique du Latran

S’il y a une habitude absolument universelle, dans toutes les civilisations, c’est bien celle de consacrer certains lieux pour en faire des “lieux sacrés”, des lieux de prières, de communion avec Dieu !

A Jérusalem, le roi Salomon avait ainsi élevé un temple, unique lieu où l’on venait adorer Dieu. - A l’époque de Jésus, le temple était un édifice tout neuf, rutilant de ses pierres taillées, de ses marbres polychromes, de ses décorations auxquelles avaient participé les meilleurs artistes de l’époque.
Notre Seigneur lui-même avait en vénération ce temple de Jérusalem ! Il y était venu souvent.
Et surtout, c’est là près du temple qui symbolisait l’Alliance entre Dieu et l’homme, qu’il devait accomplir son sacrifice suprême, son mystère pascal par lequel l’homme allait être réconcilié avec son Créateur, retrouver la parfaite alliance avec Dieu ! Aussi, avait-il déclaré : “Il n’est pas possible qu’un prophète périsse hors de Jérusalem”, loin du temple, symbole de l’Alliance ! - St Luc avait bien compris cela lui qui a bâti son évangile comme une marche du Seigneur vers Jérusalem, vers le temple où “tout s’accomplit”. Souvent, il mentionne dans son récit : “Comme Jésus faisait route vers Jérusalem”.

Ainsi pour Jésus, le temple est un lieu sacré, lieu de communion avec Dieu, d’où doit être banni toute entreprise trop humaine. Ainsi s’explique son intervention sévère rapportée par l’évangile, intervention annoncée par le prophète Malachie : “Et soudain, il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez… Il le purifiera. Alors, l’offrande de Jérusalem et de Juda sera agréée de Dieu”.
Cette brusque intervention de Jésus est une leçon : que faisons-nous de nos églises (de nos chapelles) ? Sont-elles toujours lieux de communion avec Dieu, lieu où Dieu vient vers l’homme et où l’homme se présente à Dieu ?
Et si ce n'est pas le cas, il n’est pas étonnant alors que l’intervention du Seigneur devienne aussi un geste prophétique, messianique, au sens où tout prophète, comme Jérémie, est envoyé pour “arracher et renverser, pour bâtir et planter”. Ainsi, Jésus annonçait un nouvel ordre de choses voulu par son Père : “Détruisez ce temple trop humain, et je le rebâtirai”.

Cette affirmation était d’ailleurs assez sensible à tout Juif. Car, après l’exil, avec la reconstruction du temple, symbole de l’alliance avec Dieu, on s’était vite aperçu que la véritable reconstruction du temple ne pouvait aller sans une reconstruction du peuple des croyants. C’est le peuple qui devait être lui-même Messie, présence de Dieu, l’Envoyé auprès de toutes les autres nations.
C’était déjà la notion d’Eglise Universelle qui s’élaborait. Et depuis lors, chez les Juifs, et jusqu’aujourd’hui, une synagogue ne peut être construite s’il n’y a pas un minimum de familles pour s’y rassembler, s’il n’y a pas une Communauté qui, seule, finalement est signe de la présence de Dieu parmi les hommes. Quelle leçon pour nous qui sommes, même spirituellement, si individualistes !

Aussi, quand St Jean ajoute : “Mais lui parlait du temple de son Corps”, nous pouvons comprendre :

- Le vrai sanctuaire, c’est désormais le Corps du Christ, l’humanité du Christ qui est le lieu de la présence et de la manifestation de Dieu au milieu des hommes. Jésus est le véritable Temple qui vient remplacer l’ancien. Le temple de pierres n’est utile, nécessaire qu’en fonction de ce temple du cœur de l’homme habité par l’Esprit de Dieu. Et ce temple fut inauguré dans l’humanité du Christ.

- Mais le Corps du Christ ne sera le vrai sanctuaire qu’en passant par la mort et la résurrection : “Détruisez - je relèverai”. L’unique vrai sanctuaire est le Corps du Christ en son mystère pascal,
+ ce mystère que rappelle toute Eucharistie célébrée en nos églises,
+ ce mystère qui manifeste l’union possible et profonde entre Dieu et l’homme,
+ ce mystère qui réalise à la fois
   * le désir de Dieu : “Il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez…”,
   * et l’amoureuse adhésion de l’homme envers Dieu manifesté par le Christ : “Voici que je viens pour faire ta volonté”.

- Enfin, le Temple, c’est le Christ, mais le Christ “total”. Le temple, c’est tout le peuple issu du Christ. Autant une maison sans occupants est un non-sens, autant l’église est impensable sans le Christ. Et le Christ est tout aussi impensable sans l’Eglise Universelle qui est son Corps !
C’est l’enseignement que nous laisse St Paul dans la 2de lecture : “N’oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous !” - Et ailleurs il dira : “Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus Christ lui-même comme pierre maîtresse. C’est en lui que toute la construction s’ajuste et s’élève pour former un temple saint dans le Seigneur. C’est en lui que, vous aussi, vous êtes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit (Eph. 2/20).

Alors comment être dans ce temple de Dieu, comment être ce temple de Dieu ?

- D’abord en chassant le plus possible du temple de notre cœur tout ce qui n’est pas conforme à sa fonction, tout ce qui peut offenser Dieu, tout ce qui n’est pas image de Dieu, tout ce qui n’est pas en relation, en “religion” avec Dieu.

- En nous offrant en sacrifice ! Notre vie doit être marquée du mystère pascal depuis notre baptême ; elle doit être, à l’exemple du Christ, un passage de mort à vie. Etre pour Dieu et être pour ses frères et non pour nous-mêmes suppose un renoncement qui ne peut être vécu que dans le mystère pascal du Christ !

- en bâtissant le Corps du Christ qu’est l’Eglise
   * personnellement par notre union au Christ, pierre maîtresse du nouveau Temple.
   * communautairement, en étant uni à tous nos frères, non seulement par la pensée, mais par toute notre vie de charité et de dévouement,.

Pour cela aimons notre église (chapelle) de pierre où demeure constamment le Seigneur grâce à sa présence réelle dans l’Eucharistie. Alors, déjà, nous devenons son "Corps", "temple de Dieu" ! Et nous pourrons, à la fin de notre construction ici-bas, nous écrier avec St Jean : “J’ai vu la Cité sainte, la Jérusalem nouvelle…”. Nous entendrons une voix puissante : “Voici la demeure de Dieu avec les hommes”.

C'est tout cela que prophétisait Ezéchiel (1ère lect.) par sa belle image de l'eau qui sort du côté droit du temple pour devenir fleuve immense, allant purifier, ressusciter la région de la Mer Morte, symbole du péché mortifère de l'homme.
Et Jésus, au moment de son baptême dans le Jourdain par Jean-Baptiste, est désigné Fils de Dieu par la voix du Père : il est le Dieu Transcendant qui devient Emmanuel (= "Dieu avec nous"), qui descend enlever les péchés du monde. Lui, de condition divine, il n'a pas craint de s'anéantir, dira St Paul !

Mais Jésus va remonter - car Dieu va l'exalter, dira encore St Paul -. Il remonte en étant désigné comme "agneau" ou "serviteur" (même mot en hébreu), ce "serviteur souffrant", annoncé par Isaïe, en vue du salut du monde.
Ce faisant, il remonte pour détruire l'ancien temple - à sa mort, le voile du temple se déchire comme pour nous laisser voir désormais Celui qui nous voit sans cesse -. Il va détruire le temple pour le reconstruire en son corps crucifié, corps offert désormais à nos yeux de foi qui peuvent le reconnaître comme "Seigneur", ainsi que l'avait pressenti le prophète Zacharie : "Ils regarderont vers moi, dit Dieu, celui qu'ils ont transpercé".
C'est ce que St Jean contemplera au pied de la croix, précisant que du côté de ce nouveau temple sortaient du sang et de l'eau : le sang du sacrifice et l'eau, source nouvelle, pour un nouveau baptême en lequel nous pouvons être purifiés, lavés, pour devenir nous-mêmes, avec le Christ, temple de Dieu !
Un temple qui annonce le temple éternel où tous, nous nous retrouverons, en la gloire du Ressuscité, pour chanter l'Amour de Dieu pour tous hommes !

Note historique

Au 1er siècle, une vieille famille - Les laterani - possédait un splendide palais sur le versant de la colline du Coelius. Après bien des péripéties, un des descendants de cette famille (Titus Sextus Lateranus) construisit (197) près de ce palais une vaste caserne pour les cavaliers d’élite formant la garde de l’empereur. Constantin enfin (312) donna l’ensemble aux chrétiens, au pape.

Rome possédait déjà un bon nombre d’églises paroissiales - les “titres“ -. Mais avec la donation du Latran commença la création de basiliques qui permettaient des rassemblements importants à l’occasion des grandes fêtes. Pourquoi Constantin installa-t-il le pape au Latran, quartier alors excentrique de la ville ? On invoque des raisons pratiques : aucune expropriation n’était nécessaire en ce lieu extérieur à la ville ; raison aussi politique : une construction en pleine ville aurait pu être considérée comme une provocation par les païens.

En tous les cas, dès 313, le pape Miltiade réunissait un Concile, les travaux d’une basilique étant en construction à la place de la caserne ancienne.

Suivant l’ancien usage, la basilique fut désignée par le nom de son fondateur, Constantin, le nom de “Latran“ étant employé concurremment. Puis, le vocable religieux de “Saint-Sauveur“ fut donné, supplanté par celui de St Jean. On ne sait pas la date de sa consécration (315-325). - L’autel de la basilique ne contenait en guise de reliques qu’un antique autel en bois ; la légende dit que c’était l’autel portatif dont se servaient les papes pendant au temps des persécutions. Ce n’est qu’en 844 que le pape Serge II, avec la création d’une “confession“, y plaça des reliques.

Bien sûr, au cours de siècles, la basilique connut beaucoup de transformations (au grand dam des archéologues et artistes) sans qu’elles exigent une nouvelle consécration. De la basilique primitive, on a gardé le plan à cinq nefs. Du palais pontifical qui abrita les papes du 4ème au 14ème siècle, il ne reste presque rien. L’actuel palais du Latran est l’œuvre de Fontana, l’architecte du pape Sixte-Quint (1585-1590) qui fit disparaître à peu près tout le legs du Moyen-Age.  -  En tous les cas, c’est là qu’eut lieu l’alliance de Charlemagne avec la papauté. La légende garde le souvenir de l’ancien escalier du palais papal qui aurait été celui du palais de Pilate, celui-là même que le Christ aurait monté durant sa passion. On a dit aussi que les dépouilles du Temple de Jérusalem rapportées à Rome par Titus auraient été au Latran jusqu’au pillage de la ville par les Vandales de Genséric (455).

Quoi qu’il en soit, malgré les ruines et les restaurations plus ou moins heureuses, tout chrétien voit en cette basilique les nombreuses traces d’une glorieux passé dans beaucoup de détails de la basilique actuelle qui “de toutes les églises de la ville et du monde est la mère“.

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