9 Novembre - Dédicace de la Basilique du Latran
S’il y a une habitude absolument
universelle, dans toutes les civilisations, c’est bien celle de consacrer
certains lieux pour en faire des “lieux sacrés”, des lieux de prières,
de communion avec Dieu !
A Jérusalem, le roi Salomon
avait ainsi élevé un temple, unique lieu où l’on venait adorer Dieu. - A
l’époque de Jésus, le temple était un édifice tout neuf, rutilant de ses
pierres taillées, de ses marbres polychromes, de ses décorations auxquelles
avaient participé les meilleurs artistes de l’époque.
Notre Seigneur lui-même avait en
vénération ce temple de Jérusalem ! Il y était venu souvent.
Et surtout, c’est là près du temple
qui symbolisait l’Alliance entre Dieu et l’homme, qu’il devait accomplir son
sacrifice suprême, son mystère pascal par lequel l’homme allait être
réconcilié avec son Créateur, retrouver la parfaite alliance avec Dieu ! Aussi,
avait-il déclaré : “Il n’est pas
possible qu’un prophète périsse hors de Jérusalem”, loin du temple, symbole
de l’Alliance ! - St Luc avait bien compris cela lui qui a bâti son évangile
comme une marche du Seigneur vers Jérusalem, vers le temple où “tout
s’accomplit”. Souvent, il mentionne dans son récit : “Comme Jésus faisait route vers Jérusalem”.
Ainsi pour Jésus, le temple
est un lieu sacré, lieu de communion avec Dieu, d’où doit être banni toute
entreprise trop humaine. Ainsi s’explique son intervention sévère rapportée par
l’évangile, intervention annoncée par le prophète Malachie : “Et soudain, il entrera dans son sanctuaire,
le Seigneur que vous cherchez… Il le purifiera. Alors, l’offrande de Jérusalem
et de Juda sera agréée de Dieu”.
Cette brusque intervention de
Jésus est une leçon : que faisons-nous de nos églises (de nos chapelles) ? Sont-elles toujours lieux de
communion avec Dieu, lieu où Dieu vient vers l’homme et où l’homme se présente
à Dieu ?
Et si ce n'est pas le cas, il
n’est pas étonnant alors que l’intervention du Seigneur devienne aussi un geste
prophétique, messianique, au sens où tout prophète, comme Jérémie, est envoyé
pour “arracher et renverser, pour bâtir
et planter”. Ainsi, Jésus annonçait un nouvel ordre de choses voulu par son
Père : “Détruisez ce temple trop
humain, et je le rebâtirai”.
Cette affirmation était
d’ailleurs assez sensible à tout Juif. Car, après l’exil, avec la
reconstruction du temple, symbole de l’alliance avec Dieu, on s’était vite
aperçu que la véritable reconstruction du temple ne pouvait aller sans une
reconstruction du peuple des croyants. C’est le peuple qui devait être
lui-même Messie, présence de Dieu, l’Envoyé auprès de toutes les
autres nations.
C’était déjà la notion d’Eglise
Universelle qui s’élaborait. Et depuis lors, chez les Juifs, et
jusqu’aujourd’hui, une synagogue ne peut être construite s’il n’y a pas un
minimum de familles pour s’y rassembler, s’il n’y a pas une Communauté qui,
seule, finalement est signe de la présence de Dieu parmi les hommes. Quelle
leçon pour nous qui sommes, même spirituellement, si individualistes !
Aussi, quand St Jean
ajoute : “Mais lui parlait du temple
de son Corps”, nous pouvons comprendre :
- Le vrai sanctuaire, c’est
désormais le Corps du Christ, l’humanité du Christ qui est le lieu de la
présence et de la manifestation de Dieu au milieu des hommes. Jésus est le
véritable Temple qui vient remplacer l’ancien. Le temple de pierres n’est
utile, nécessaire qu’en fonction de ce temple du cœur de l’homme habité par
l’Esprit de Dieu. Et ce temple fut inauguré dans l’humanité du Christ.
- Mais le Corps du Christ ne
sera le vrai sanctuaire qu’en passant par la mort et la résurrection :
“Détruisez - je relèverai”. L’unique
vrai sanctuaire est le Corps du Christ en son mystère pascal,
+ ce mystère que rappelle toute
Eucharistie célébrée en nos églises,
+ ce mystère qui manifeste
l’union possible et profonde entre Dieu et l’homme,
+ ce mystère qui réalise à la
fois
* le désir de Dieu : “Il
entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez…”,
* et l’amoureuse adhésion de l’homme envers Dieu manifesté par le Christ
: “Voici que je viens pour faire ta
volonté”.
- Enfin, le Temple, c’est le
Christ, mais le Christ “total”. Le temple, c’est tout le peuple issu
du Christ. Autant une maison sans occupants est un non-sens, autant
l’église est impensable sans le Christ. Et le Christ est tout aussi impensable
sans l’Eglise Universelle qui est son Corps !
C’est l’enseignement que nous
laisse St Paul dans la 2de lecture : “N’oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu
habite en vous !” - Et ailleurs il dira : “Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les
apôtres et les prophètes, et Jésus Christ lui-même comme pierre maîtresse.
C’est en lui que toute la construction s’ajuste et s’élève pour
former un temple saint dans le Seigneur. C’est en lui que, vous aussi, vous
êtes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par
l’Esprit” (Eph. 2/20).
Alors comment être dans ce temple
de Dieu, comment être ce temple de Dieu ?
- D’abord en chassant le
plus possible du temple de notre cœur tout ce qui n’est pas conforme à sa
fonction, tout ce qui peut offenser Dieu, tout ce qui n’est pas image de Dieu,
tout ce qui n’est pas en relation, en “religion” avec Dieu.
- En nous offrant en
sacrifice ! Notre vie doit être marquée du mystère pascal depuis notre
baptême ; elle doit être, à l’exemple du Christ, un passage de mort à
vie. Etre pour Dieu et être pour ses frères et non pour nous-mêmes suppose
un renoncement qui ne peut être vécu que dans le mystère pascal du
Christ !
- en bâtissant le Corps du
Christ qu’est l’Eglise
* personnellement par notre union au Christ, pierre maîtresse du nouveau
Temple.
* communautairement, en étant uni à tous nos frères, non seulement par
la pensée, mais par toute notre vie de charité et de dévouement,.
Pour cela aimons notre église (chapelle) de pierre où demeure constamment
le Seigneur grâce à sa présence réelle dans l’Eucharistie. Alors, déjà, nous
devenons son "Corps", "temple de Dieu" ! Et nous pourrons,
à la fin de notre construction ici-bas, nous écrier avec St Jean : “J’ai vu la Cité sainte, la Jérusalem
nouvelle…”. Nous entendrons une voix puissante : “Voici la demeure de Dieu
avec les hommes”.
C'est tout cela que prophétisait Ezéchiel
(1ère
lect.) par sa
belle image de l'eau qui sort du côté droit du temple pour
devenir fleuve immense, allant purifier, ressusciter la région de la Mer Morte,
symbole du péché mortifère de l'homme.
Et Jésus, au moment de son
baptême dans le Jourdain par Jean-Baptiste, est désigné Fils de Dieu par
la voix du Père : il est le Dieu Transcendant qui devient Emmanuel (= "Dieu avec nous"), qui descend enlever les péchés
du monde. Lui, de condition divine, il n'a pas craint de s'anéantir, dira St
Paul !
Mais Jésus va remonter - car Dieu
va l'exalter, dira encore St Paul -. Il remonte en étant désigné comme "agneau" ou "serviteur" (même mot en hébreu), ce "serviteur souffrant", annoncé par Isaïe, en vue du salut
du monde.
Ce faisant, il remonte pour
détruire l'ancien temple - à sa mort, le voile du temple se déchire comme pour
nous laisser voir désormais Celui qui nous voit sans cesse -. Il va détruire
le temple pour le reconstruire en son corps crucifié, corps offert
désormais à nos yeux de foi qui peuvent le reconnaître comme
"Seigneur", ainsi que l'avait pressenti le prophète Zacharie : "Ils regarderont vers moi, dit
Dieu, celui qu'ils ont transpercé".
C'est ce que St Jean contemplera
au pied de la croix, précisant que du côté de ce nouveau temple sortaient du
sang et de l'eau : le sang du sacrifice et l'eau, source nouvelle, pour un
nouveau baptême en lequel nous pouvons être purifiés, lavés, pour devenir
nous-mêmes, avec le Christ, temple de Dieu !
Un temple qui annonce le temple
éternel où tous, nous nous retrouverons, en la gloire du Ressuscité, pour
chanter l'Amour de Dieu pour tous hommes !
Note historique
Au 1er
siècle, une vieille famille - Les laterani - possédait un splendide palais sur
le versant de la colline du Coelius. Après bien des péripéties, un des
descendants de cette famille (Titus
Sextus Lateranus)
construisit (197) près de ce palais
une vaste caserne pour les cavaliers d’élite formant la garde de l’empereur.
Constantin enfin
(312) donna l’ensemble
aux chrétiens, au pape.
Rome possédait déjà
un bon nombre d’églises paroissiales - les “titres“ -. Mais avec la donation du
Latran commença la création de basiliques qui permettaient des rassemblements
importants à l’occasion des grandes fêtes. Pourquoi Constantin installa-t-il le
pape au Latran, quartier alors excentrique de la ville ? On invoque des
raisons pratiques : aucune expropriation n’était nécessaire en ce lieu
extérieur à la ville ; raison aussi politique : une construction en
pleine ville aurait pu être considérée comme une provocation par les païens.
En tous les cas,
dès 313, le pape Miltiade réunissait un Concile, les travaux d’une basilique
étant en construction à la place de la caserne ancienne.
Suivant l’ancien
usage, la basilique fut désignée par le nom de son fondateur, Constantin, le
nom de “Latran“ étant employé concurremment. Puis, le vocable religieux de
“Saint-Sauveur“ fut donné, supplanté par celui de St Jean. On ne sait pas la
date de sa consécration
(315-325). - L’autel de la
basilique ne contenait en guise de reliques qu’un antique autel en bois ;
la légende dit que c’était l’autel portatif dont se servaient les papes pendant
au temps des persécutions. Ce n’est qu’en 844 que le pape Serge II, avec la
création d’une “confession“, y plaça des reliques.
Bien sûr, au cours
de siècles, la basilique connut beaucoup de transformations (au grand dam des
archéologues et artistes)
sans
qu’elles exigent une nouvelle consécration. De la basilique primitive, on a
gardé le plan à cinq nefs. Du palais pontifical qui abrita les papes du 4ème
au 14ème siècle, il ne reste presque rien. L’actuel palais du Latran
est l’œuvre de Fontana, l’architecte du pape Sixte-Quint (1585-1590) qui fit disparaître
à peu près tout le legs du Moyen-Age.
- En tous les cas, c’est là
qu’eut lieu l’alliance de Charlemagne avec la papauté. La légende garde le
souvenir de l’ancien escalier du palais papal qui aurait été celui du palais de
Pilate, celui-là même que le Christ aurait monté durant sa passion. On a dit
aussi que les dépouilles du Temple de Jérusalem rapportées à Rome par Titus
auraient été au Latran jusqu’au pillage de la ville par les Vandales de
Genséric (455).
Quoi qu’il en soit,
malgré les ruines et les restaurations plus ou moins heureuses, tout chrétien
voit en cette basilique les nombreuses traces d’une glorieux passé dans
beaucoup de détails de la basilique actuelle qui “de toutes les églises de la ville et du monde est la mère“.
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