mardi 15 juillet 2014

Vers Dieu !

15 Juillet - St Bonaventure,                              

Giovanni da Fidanza est né en 1221, pas très loin de Viterbe qui, à l'époque, faisait partie des Etats pontificaux. Enfant, il tombe gravement malade. Sa mère, très pieuse, le porte à François, "le petit pauvre d'Assise" (+ 1226). Selon une tradition du 15ème siècle, St François, en le voyant, se serait écrié : "O bonna ventura !" ("quelle chance !"). Rien n'est moins sûr ! Et l'on ne sait rien, finalement, de son changement de nom : Bonaventure !

En tous les cas, le jeune enfant revient guéri. Quelques années plus tard (1236), son père, médecin, l'envoie étudier à Paris où il reçoit le grade de "Maître es arts" !

Mais en 1243, il entre chez les Frères Mineurs. Sa guérison par l'intercession de François d'Assise n'est peut-être pas étrangère à cette décision. En tous les cas, il aura toujours une grande dévotion envers le Saint d'Assise.

Il entreprend des études de théologie sous la houlette d'Alexandre de Halès.
Ce grand théologien, franciscain lui-même, fera l'admiration de St Thomas d'Aquin. Ce "doctor" réputé "irrefragabilis" - "irréfutable"- révolutionna la théologie de l'époque. Avant lui, on commentait essentiellement les Saintes Ecritures. Alexandre innove en présentant à toute question qui se pose une triple source d'autorités : ceux qui disent "oui" (thèse) - ceux qui disent "non" (antithèse) - et vient ensuite la "reconciliatio", le jugement (synthèse). Et ces fameuses "autorités", ceux qui font autorité, sont choisies non seulement dans la Bible et les Pères de l'Eglise, mais aussi - scandale pour certains ! - parmi les auteurs grecs, latins, arabes. On reconnaît ce "processus intellectuel" qu'utilisera largement St Thomas d'Aquin qui reçoit son titre de "Doctor" en 1257, en même temps que St Bonaventure qui, lui, gardait une préférence pour les sources bibliques et patristiques (Il admirait particulièrement St Augustin !). Cependant, si ces deux condisciples - futurs saints l'un et l'autre - savaient s'affronter intellectuellement, ils ne cessaient nullement de fort s'estimer.

Dès lors, "Doctor" lui aussi, St Bonaventure, en de doctes tournois intellectuels et spirituels, fort à la mode en ce temps-là, ne cesse de rompre des lances pour l'honneur de "Dame Humilité, reine de tous les religieux, de Dame Pauvreté, reine des Mendiants et des sœurs Charité et Obéissance", attaquées par des théoriciens, ennemis des Ordres nouveaux, les Mendiants (essentiellement dominicains et franciscains).

Tant de vaillance et d'acharnement au travail lui valent d'être élu "Ministre Général" de son Ordre en 1257 (charge qu'il conservera jusqu'en 1273).
La main stigmatisée du "petit Pauvre d'Assise" avait été fort heureuse en le guérissant, naguère, de sa maladie enfantine. Ce successeur de St François, plein de sagesse, sera comme le second fondateur de l'Ordre franciscain qui fut très vite affronté à la grande querelle entre ceux que l'on appelait "Les Spirituels" et "Les Conventuels", c'est-à-dire entre les partisans acharnés de la pauvreté absolue et les partisans d'une évolution en particulier vers l'enseignement !
St Bonaventure condamna "Les Spirituels" lors du chapitre général de l'Ordre, à Narbonne. Et il fait réviser les Constitutions de l'Ordre avec l'appui du pape, tout en s'attelant à écrire une biographie de St François.
Il est à noter également que c'est à cette époque que St Bonaventure prescrit la sonnerie des cloches en l'honneur de l'Annonciation, pratique qui préfigure la prière de notre "Angelus" !

Ce grand Religieux, honneur de l'Eglise, le pape Clément IV voulut le nommer archevêque d'York. St Bonaventure sut esquiver cette gloire, par humilité. Cependant en 1271, à Viterbe, sa réputation s'imposa et il fit élire le pape Grégoire X, après trois ans de vacance du Saint-Siège ! En 1273, il est consacré Cardinal-Evêque d'Albano. Et en 1274, le pape le charge de préparer le Deuxième Concile de Lyon qui s'ouvra la même année. En cette grande occasion, St Bonaventure, conscient du bien des Eglises d'Orient, a la joie d'accueillir les représentants de l'Eglise grecque qui vient s'unir à l'Eglise romaine. A la messe papale, après l'évangile chanté en grec et en latin, il prend la parole pour la dernière fois dans une assemblée chrétienne pour recommander la réunion des Eglises. Il fut ainsi le précurseur de l'œcuménisme !

Il meurt épuisé, à l'âge de 53 ans, entouré de ses frères de Lyon. Le 1er Avril 1482, Sixte IV (pape franciscain), l'inscrit au nombre des Saints et il est proclamé "Docteur de l'Eglise" par le pape Sixte-Quint en 1587.

On raconte qu'un vieux Frère, nommé Egide, demanda un jour au savant Père Bonaventure : "Quelqu'un qui ne sait ni A ni B, peut-il aimer Dieu aussi bien qu'un savant qui sait tout ? " - "Bien sûr !, répondit notre savant Franciscain ! Une pauvre petite vieille peut l'aimer mieux qu'un Docteur en théologie !". Le Bien étant diffusif de soi et le frère Egide étant très expansif par nature, celui-ci courut crier à la balustrade de la maison : "Otez ! Oyez ! Une pauvre petite vieille peut aimer Dieu encore mieux que notre Père Bonaventure !". Et il est bien vrai que seule importe la charité et que sans elle, nous perdons notre éternité et même notre temps, notre énergie, celle que nous pouvons déployer, par exemple, en l'étude des "choses de Dieu".

St Bonaventure ne dédaigna pas pour autant les études. Il le manifeste suffisamment dans l'un de ses livres les plus remarquables qui veut acheminer l'âme vers son Dieu (1). L'amour, est-il expliqué, s'appuie sur la philosophie et la théologie ; il s'élève par six degrés des créatures au Créateur ; il part humblement du monde des sens. Pédagogie spirituelle du professeur expérimenté... !
Mais quand l'auteur arrive au somment de son livre, à la dernière étape vers Dieu, si je puis dire, il s'écrie : "Pour ce passage de la créature à Dieu, la nature ne peut rien et la science très peu de choses. Il faut donner peu au travail de l'intelligence et beaucoup à l'onction (de l'Esprit de charité en nous) ; peu à la langue et beaucoup à la joie intérieure ; peu à la parole et aux livres et tout au don de Dieu, c'est-à-dire au Saint-Esprit ; peu ou rien à la créature et tout au Créateur, Père, Fils et Esprit-Saint. Interrogez la grâce et non la science ; le désir et non l'intelligence ; les gémissements de la prière et non l'étude livresque ; l'époux et non le maître ; Dieu et non l'homme ; l'obscurité et non la clarté ; non la lumière qui brille, mais le feu qui embrase tout et transporte en Dieu...".

Peut-être que pour mieux unir St Thomas d'Aquin et St Bonaventure qui désormais chantent ensemble la gloire de Dieu, nous faut-il bien distinguer le don de science et le don de la sagesse.
Le premier est un don qui nous fait bien connaître toutes choses créées, d'en bien user afin de mieux nous diriger vers leur Créateur.
Le second est un don qui, nous élevant au-dessus de tout ce qui est créé, nous dispose à contempler la Vérité qu'est Dieu lui-même en qui nous nous complaisons et que nous aimons par dessus tout ! Et il est vrai - heureusement - que ce don peut être donné à une simple femme qui récite son chapelet ! Deo gratias !

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