15 Juillet - St Bonaventure,
Giovanni da
Fidanza est né en
1221, pas très loin de Viterbe qui, à l'époque, faisait partie des Etats
pontificaux. Enfant, il tombe gravement malade. Sa mère, très pieuse, le porte
à François, "le petit pauvre
d'Assise" (+ 1226). Selon une tradition du 15ème
siècle, St François, en le voyant, se serait écrié : "O bonna ventura !" ("quelle
chance !"). Rien n'est
moins sûr ! Et l'on ne sait rien, finalement, de son changement de nom : Bonaventure
!
En tous les
cas, le jeune enfant revient guéri. Quelques années plus tard (1236), son père, médecin, l'envoie
étudier à Paris où il reçoit le grade de "Maître es arts" !
Mais en 1243,
il entre chez les Frères Mineurs. Sa guérison par l'intercession de François
d'Assise n'est peut-être pas étrangère à cette décision. En tous les cas, il
aura toujours une grande dévotion envers le Saint d'Assise.
Il
entreprend des études de théologie sous la houlette d'Alexandre de Halès.
Ce grand
théologien, franciscain lui-même, fera l'admiration de St Thomas d'Aquin. Ce
"doctor" réputé "irrefragabilis"
- "irréfutable"- révolutionna la théologie de l'époque. Avant
lui, on commentait essentiellement les Saintes Ecritures. Alexandre innove en
présentant à toute question qui se pose une triple source d'autorités : ceux
qui disent "oui" (thèse) - ceux qui
disent "non" (antithèse) - et vient ensuite la "reconciliatio", le jugement (synthèse). Et ces fameuses "autorités", ceux qui font
autorité, sont choisies non seulement dans la Bible et les Pères de l'Eglise,
mais aussi - scandale pour certains ! - parmi les auteurs grecs, latins,
arabes. On reconnaît ce "processus intellectuel" qu'utilisera
largement St Thomas d'Aquin qui reçoit son titre de "Doctor" en
1257, en même temps que St Bonaventure qui, lui, gardait une préférence
pour les sources bibliques et patristiques (Il admirait particulièrement St Augustin !). Cependant, si ces deux
condisciples - futurs saints l'un et l'autre - savaient s'affronter intellectuellement,
ils ne cessaient nullement de fort s'estimer.
Dès lors,
"Doctor" lui aussi, St Bonaventure, en de doctes tournois
intellectuels et spirituels, fort à la mode en ce temps-là, ne cesse de rompre
des lances pour l'honneur de "Dame
Humilité, reine de tous les religieux, de Dame Pauvreté, reine des Mendiants et
des sœurs Charité et Obéissance", attaquées par des théoriciens,
ennemis des Ordres nouveaux, les Mendiants (essentiellement dominicains et franciscains).
Tant de
vaillance et d'acharnement au travail lui valent d'être élu "Ministre
Général" de son Ordre en 1257 (charge qu'il conservera jusqu'en 1273).
La main
stigmatisée du "petit Pauvre
d'Assise" avait été fort heureuse en le guérissant, naguère, de sa
maladie enfantine. Ce successeur de St François, plein de sagesse, sera comme
le second fondateur de l'Ordre franciscain qui fut très vite affronté à
la grande querelle entre ceux que l'on appelait "Les Spirituels" et "Les
Conventuels", c'est-à-dire entre les partisans acharnés de la pauvreté
absolue et les partisans d'une évolution en particulier vers l'enseignement !
St
Bonaventure condamna "Les Spirituels"
lors du chapitre général de l'Ordre, à Narbonne. Et il fait réviser les
Constitutions de l'Ordre avec l'appui du pape, tout en s'attelant à écrire une
biographie de St François.
Il est à
noter également que c'est à cette époque que St Bonaventure prescrit la
sonnerie des cloches en l'honneur de l'Annonciation, pratique qui préfigure la prière
de notre "Angelus" !
Ce grand
Religieux, honneur de l'Eglise, le pape Clément IV voulut le nommer archevêque
d'York. St Bonaventure sut esquiver cette gloire, par humilité. Cependant en
1271, à Viterbe, sa réputation s'imposa et il fit élire le pape Grégoire X,
après trois ans de vacance du Saint-Siège ! En 1273, il est consacré
Cardinal-Evêque d'Albano. Et en 1274, le pape le charge de préparer le
Deuxième Concile de Lyon qui s'ouvra la même année. En cette grande
occasion, St Bonaventure, conscient du bien des Eglises d'Orient, a la joie
d'accueillir les représentants de l'Eglise grecque qui vient s'unir à l'Eglise
romaine. A la messe papale, après l'évangile chanté en grec et en latin, il
prend la parole pour la dernière fois dans une assemblée chrétienne pour
recommander la réunion des Eglises. Il fut ainsi le précurseur de l'œcuménisme
!
Il meurt
épuisé, à l'âge de 53 ans, entouré de ses frères de Lyon. Le 1er Avril 1482, Sixte IV (pape
franciscain), l'inscrit au nombre des Saints et il est proclamé "Docteur
de l'Eglise" par le pape Sixte-Quint en 1587.
On raconte
qu'un vieux Frère, nommé Egide, demanda un jour au savant Père Bonaventure : "Quelqu'un qui ne sait ni A ni B,
peut-il aimer Dieu aussi bien qu'un savant qui sait tout ? " - "Bien
sûr !, répondit notre savant Franciscain ! Une pauvre petite vieille peut l'aimer mieux qu'un Docteur en théologie
!". Le Bien étant diffusif de soi et le frère Egide étant très
expansif par nature, celui-ci courut crier à la balustrade de la maison : "Otez ! Oyez ! Une pauvre petite
vieille peut aimer Dieu encore mieux que notre Père Bonaventure !". Et
il est bien vrai que seule importe la charité et que sans elle, nous perdons
notre éternité et même notre temps, notre énergie, celle que nous pouvons
déployer, par exemple, en l'étude des "choses de Dieu".
St Bonaventure
ne dédaigna pas pour autant les études. Il le manifeste suffisamment dans l'un
de ses livres les plus remarquables qui veut acheminer l'âme vers son Dieu (1).
L'amour, est-il expliqué, s'appuie sur la philosophie et la théologie ; il
s'élève par six degrés des créatures au Créateur ; il part humblement du
monde des sens. Pédagogie spirituelle du professeur expérimenté... !
Mais quand
l'auteur arrive au somment de son livre, à la dernière étape vers Dieu, si je
puis dire, il s'écrie : "Pour ce
passage de la créature à Dieu, la nature ne peut rien et la science très peu de
choses. Il faut donner peu au travail de l'intelligence et beaucoup à
l'onction (de l'Esprit
de charité en nous) ; peu à la langue et beaucoup à la joie
intérieure ; peu à la parole et aux livres et tout au don de Dieu, c'est-à-dire
au Saint-Esprit ; peu ou rien à la créature et tout au Créateur, Père, Fils et
Esprit-Saint. Interrogez la grâce et non la science ; le désir et non
l'intelligence ; les gémissements de la prière et non l'étude livresque ;
l'époux et non le maître ; Dieu et non l'homme ; l'obscurité et non la clarté ;
non la lumière qui brille, mais le feu qui embrase tout et transporte en
Dieu...".
Peut-être
que pour mieux unir St Thomas d'Aquin et St Bonaventure qui désormais chantent
ensemble la gloire de Dieu, nous faut-il bien distinguer le don de science
et le don de la sagesse.
Le premier
est un don qui nous fait bien connaître toutes choses créées, d'en bien user
afin de mieux nous diriger vers leur Créateur.
Le second
est un don qui, nous élevant au-dessus de tout ce qui est créé, nous dispose à
contempler la Vérité qu'est Dieu lui-même en qui nous nous complaisons et que
nous aimons par dessus tout ! Et il est vrai - heureusement - que ce don peut
être donné à une simple femme qui récite son chapelet ! Deo gratias !
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