mardi 16 juin 2009

Une quête peu ordinaire – T.O. 11 Imp. Mardi - (II Co. 8. 1-9)

Vous l’avez remarqué : St Paul organise une quête ! C’est de tout temps, la quête, dans l’Eglise ! Et l’Apôtre de féliciter les églises de Macédoine pour leur générosité… Elles sont un exemple. Comme autre exemple, Paul, si féru de l’histoire de son peuple, aurait pu citer la quête qui fut organisée dans le désert pour l’érection du sanctuaire. C’est un cas unique dans l’histoire ! La générosité fut telle que les sages du peuple vinrent dire à Moïse : “Le peuple en apporte trop !“ (Ex 36.8) ; et Moïse ordonna de cesser la quête. Je n’ai jamais encore entendu un curé dire à ses paroissiens : “Arrêtez ! Trop, c’est trop !“. C’est plutôt le contraire qui se passe avec ce souhait que la quête se fasse sans trop de bruit… dans la corbeille !

Quoi qu’il en soit de ce fait unique dans les annales de l’histoire sur ce sujet, Paul, lui, après avoir louer la générosité des Macédoniens, sollicite les Corinthiens en faveur de l’Eglise de Jérusalem et recommande ceux qu’il a préposés à cette collecte et exalte les bénédictions de cette bienfaisance pour ceux qui la pratique et pour l’union de toute l’Eglise.

Ce “sermon de charité“ est un modèle du genre par la limpidité des idées exprimées dont celle-ci, hautement doctrinale : “Vous connaissez la générosité de Notre Seigneur Jésus Christ qui, pour vous, de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour vous enrichir de sa pauvreté“. Tout le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption est exprimé, là, par cette phrase lapidaire avec son balancement binaire : De riche qu’il était, il s’est fait pauvre pour que nous, pauvres, nous devenions riches !

Cependant, le style général paraît tortueux, difficile à transcrire. On sent que Paul n’est pas tout à fait à son aise. Il est vrai que c’est toujours difficile d’aller quémander ! Peut-être que cette affaire de collecte n’a pas été (comme souvent) sans susciter quelques critiques amères, voire des calomnies que l’Apôtre veut étouffer un peu plus loin (v/ 20-21).

Mais cette collecte pour Jérusalem lui tient à cœur. C’est comme un devoir pour lui ; il en parlera quatre fois (I Co. 16.1-3 ; II Co. 8-9 ; Rm 15.25sv ; Gal. 2.10 et aussi Actes 24.17). La lettre aux Galates en donne l’origine : lorsqu’il s’est rendu à Jérusalem (en 49 sans doute) pour résoudre en partie la situation des pratiques juives pour les païens devenus chrétiens, les “colonnes de l’Eglise“ (Pierre, Jacques…) lui demandèrent de “se souvenir des pauvres“, c’est-à-dire des chrétiens de l’Eglise-mère.

“Se souvenir des pauvres“ ! Belle expression encore pour la mémoire ; elle contient toute une pensée doctrinale et morale. A supposer une grande générosité en leur faveur, il restera toujours à se “souvenir des pauvres“, à avoir “la mémoire du pauvre“. A travers toute la Bible, Dieu est un Dieu qui “se souvient du pauvre“ et qui l’assiste de différentes façons. Et puis, si Dieu est un Dieu qui “se souvient“, le croyant est appelé à “se souvenir de Dieu“. Il y aurait toute une méditation à prolonger sur ces deux expressions parallèles : “se souvenir de Dieu“ et “se souvenir du pauvre“ !

Les raisons de la demande des apôtres sont sans doute multiples et diverses :
  • L’Eglise de Jérusalem a été fortement perturbée par la persécution d’Hérode Agrippa (mort de Jacques le Majeur ; départ précité de Pierre avec d’autres chrétiens…)
  • Il y a eu une famine que signalent les Actes des apôtres (11.27).
  • Certainement, les autorités juives marquèrent un certain ostracisme vis-à-vis des chrétiens (cf. Jac. 2.6-7) qui fut peut-être l’origine d’une certaine “cassure“ entre Juifs et chrétiens, cassure consommée lors de la dernière révolte juive organisée par Bar Kokhba (135) durant laquelle les chrétiens Juifs furent accusés de n’avoir nullement aidé leurs compatriotes…
  • Et puis, il faut le dire : Paul est assez malin pour ne pas prendre, là, occasion d’une attitude politiquement habile : ses adversaires sont surtout des chrétiens judaïsants. Alors, il veut s’en venger en vainquant le mal par le bien (cf. Rm 12.21).
  • Plus encore, c’est la solidarité universelle de l’Eglise qui est en jeu !

Enfin dernière et importante réflexion à propos de cette quête en faveur des pauvres. Paul est trop marqué par la pédagogie de Dieu à l’égard de son peuple ; il se souvenait certainement du don divin de la manne dans le désert à propos de laquelle il est écrit : “Qui avait beaucoup recueilli n’eût rien en trop ; et celui qui avait peu recueilli ne manqua de rien“ (Ex. 16.18). La première des tentations, c’est de faire des provisions pour soi ! “Ne faites pas de trésor ici-bas, disait Jésus… Là où est ton trésor, là est ton cœur“ ! Cette réflexion est grave ! Nous sommes créés pour faire un bon usage de la création dans l’action de grâce et le partage. C’est ainsi que s’exprime notre condition chrétienne, indissociablement royale et sacerdotale. On prend possession du monde et on l’élève vers Dieu en disant : “Donne-nous notre pain de ce jour“. Et obligatoirement, il y en a pour tout le monde ! N’est-ce pas à ce partage profond que nous engage le signe du “Pain de Dieu“ qu’est l’Eucharistie : le Christ se donne à nous pour que nous nous donnions à nos frères afin que tous ensemble nous nous donnions à Dieu ! “Par lui, avec Lui, en Lui !“.

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